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27/07/2001 | FRANCE | N°220067

France | France, Conseil d'État, 1 / 2 ssr, 27 juillet 2001, 220067


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 avril et 17 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTS FORCE OUVRIRE, dont le siège est ..., représentée par son secrétaire général en exercice ; la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTS FORCE OUVRIERE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2000-118 du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 93/1

04/CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 avril et 17 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTS FORCE OUVRIRE, dont le siège est ..., représentée par son secrétaire général en exercice ; la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTS FORCE OUVRIERE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2000-118 du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 93/104/CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs et notamment son article 10 ;
Vu l'acte dit loi du 3 octobre 1940 relative au régime du travail des agents des chemins de fer de la Société nationale des chemins de fer français ;
Vu l'ordonnance du 9 août 1944, relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
- les observations de la SCP Bouzidi, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTS FORCE OUVRIRE,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTS FORCE OUVRIERE demande l'annulation du décret n°2000-118 du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs dont l'article 1er prévoit qu'il s'applique " aux salariés des entreprises de transport public urbain de voyageurs, qui ressortissent de la classe 60.2A des nomenclatures d'activité et de produits approuvés par le décret du 2 octobre 1992 ( ...) uniquement pour ce qui concerne le transport urbain ou suburbain de voyageurs, sur des lignes et selon des horaires déterminés, même à caractère saisonnier, par tout moyen et à l'exclusion des personnels de la Société nationale des chemins de fer français, des salariés des entreprises relevant de la convention collective nationale des chemins de fer secondaires d'intérêt général et des voies ferrées d'intérêt local, et des personnels de la Régie autonome des transports parisiens " ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de l'acte dit loi du 3 octobre 1940 relative au régime du travail des agents des chemins de fer de la Société nationale des chemins de fer français : " Le régime du travail des agents des chemins de fer secondaires d'intérêt général, des chemins de fer d'intérêt local, du chemin de fer métropolitain de Paris et de la Société des transports en commun de la région parisienne est fixé par des arrêtés signés du secrétaire d'Etat aux communications, du ministre secrétaire d'Etat à la production industrielle et au travail et du ministre secrétaire d'Etat à l'intérieur " ; que l'article 3 de cet acte dit loi abroge toutes les dispositions contraires, " et notamment le décret-loi du 19 mai 1939 portant réglementation du travail dans les chemins de fer et dans les entreprises de transport par terre ", sur le fondement duquel avait été pris le décret du 24 juin 1939 portant " réglementation du travail des agents des réseaux de tramways urbains et suburbains et des services par omnibus automobiles ou par trolleybus annexés ou substitués à ces réseaux " ; qu'il en résulte que les auteurs de l'acte dit loi du 3 octobre 1940 avaient entendu donner compétence au secrétaire d'Etat aux communications, au ministre secrétaire d'Etat à la production industrielle et au travail et au ministre secrétaire d'Etat à l'intérieur pour fixer le régime du travail des agents des services par omnibus automobiles ou par trolleybus annexés ou substitués aux réseaux de tramways urbains et suburbains, y compris lorsque ces réseaux sont situés en province ; que cet ensemble constitué des agents des réseaux de tramways urbains et suburbains et de services par omnibus automobiles ou par trolleybus annexés ou substitués à ces réseaux comprend les salariés visés par l'article 1er du décret attaqué ;

Considérant que si la loi n° 82-1153 d'orientation sur les transports intérieurs du 30 décembre 1982 prévoit, en son article 10, que "les dispositions du code du travail relatives aux conditions et à la durée du travail s'appliquent aux salariés chargés de la conduite ou du pilotage et aux personnels qui leur sont assimilés", cette disposition, éclairée par les travaux préparatoires qui ont précédé son adoption, n'a d'autre objet que de rappeler le principe de l'application du code du travail aux salariés exerçant des fonctions de conduite ou de pilotage dans les entreprises de transports routiers ou fluviaux qui y étaient déjà soumises ; qu'elle n'a donc pas abrogé l'acte dit loi du 3 octobre 1940 en tant que ce dernier exclut des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail l'ensemble des salariés du secteur des transports publics urbains de voyageurs, y compris ceux chargés de la conduite ou du pilotage et assimilés ;
Considérant que l'article L. 212-2 du code du travail prévoit que des décrets en conseil des ministres, pris après consultation des organisations d'employeurs et de salariés intéressés, déterminent les modalités d'application de l'article L. 212-1 du même code relatif à la durée hebdomadaire du travail et à la durée maximale de travail quotidien pour l'ensemble des branches d'activité ou des professions ou pour une branche ou une profession particulière ; que cet article n'est pas applicable aux salariés visés par le décret attaqué qui sont, en vertu de l'acte dit loi du 3 octobre 1940, régis par des dispositions propres et donc exclus du champ d'application des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le décret attaqué serait entaché d'incompétence en ce qu'il aurait dû être signé du Président de la République ou entaché d'un vice de procédure en ce qu'il n'aurait pas été précédé de la consultation des organisations d'employeurs et de salariés intéressées sont inopérants et doivent être écartés ;
Considérant que la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail dispose, en son article 3, qu'elle s'applique à tous les secteurs d'activité " à l'exception des transports aériens, ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux et lacustres ( ...) " ; que les transports publics urbains de voyageurs font dès lors partie des secteurs exclus du champ d'application de la directive précitée ; que la circonstance que ce secteur soit également exclu du champ d'application du règlement CEE 3820/85 du 20 décembre 1985 du Conseil des communautés européennes relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route est sans incidence ; que, par suite, le moyen tiré de ce que certaines dispositions du décret attaqué seraient incompatibles avec les objectifs de la directive 93/104/CE ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;

Considérant, enfin, que l'article 2 de l'acte dit loi du 3 octobre 1940 ne contient aucune habilitation autorisant le pouvoir réglementaire à déléguer aux partenaires conventionnels la compétence pour fixer le régime de travail des agents qu'il vise ; que si, en vertu du principe général du droit du travail selon lequel un accord collectif de travail peut toujours comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur, le gouvernement pouvait prévoir que des accords collectifs de travail pourraient comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles fixées par ce décret, il ne pouvait, en l'absence d'habilitation législative expresse, prévoir que des accords collectifs pourraient déroger aux règles posées par le décret dans un sens défavorable aux salariés ; que dès lors, le décret attaqué doit être annulé dans cette mesure ;
Article 1er : Le décret n° 2000-118 du 14 février 2000 est annulé en tant qu'il prévoit que des accords collectifs peuvent déroger à ses dispositions dans un sens défavorable aux salariés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DES TRANSPORTS FORCE OUVRIERE , au Premier ministre, au ministre de l'équipement, des transports et du logement, au ministre de l'emploi et de la solidarité et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 220067
Date de la décision : 27/07/2001
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - TEXTE APPLICABLE - Réglementation relative à la durée du travail des salariés du secteur des transports publics urbains de voyageurs - Acte dit loi du 3 octobre 1940 - Abrogation par la loi d'orientation sur les transports intérieurs du 30 décembre 1982 (LOTI) - Absence (1).

01-08-03, 65-01-03 Si la loi d'orientation sur les transports intérieurs du 30 décembre 1982 (LOTI) prévoit, en son article 10, que "les dispositions du code du travail relatives aux conditions et à la durée du travail s'appliquent aux salariés chargés de la conduite ou du pilotage et aux personnels qui leur sont assimilés", cette disposition, éclairée par les travaux préparatoires qui ont précédé son adoption, n'a d'autre objet que de rappeler le principe de l'application du code du travail aux salariés exerçant des fonctions de conduite ou de pilotage dans les entreprises de transports routiers ou fluviaux qui y étaient déjà soumises. Elle n'a donc pas abrogé l'acte dit loi du 3 octobre 1940 en tant que ce dernier exclut des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail l'ensemble des salariés du secteur des transports publics urbains de voyageurs, y compris ceux chargés de la conduite ou du pilotage et assimilés.

- RJ1 TRANSPORTS - TRANSPORTS FERROVIAIRES - TRANSPORTS URBAINS - Loi d'orientation sur les transports intérieurs du 30 décembre 1982 (LOTI) - Abrogation de l'acte dit loi du 3 octobre 1940 en tant que ce dernier exclut des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail l'ensemble des salariés du secteur des transports publics urbains de voyageurs - Absence (1).


Références :

CE Directive 93-104 du 23 novembre 1993 art. 3
CEE Règlement 3820-85 du 20 décembre 1985 Conseil
Code du travail L212-2, L212-1
Décret du 24 juin 1939
Décret 2000-118 du 14 février 2000 art. 1 décision attaquée annulation
Loi du 03 octobre 1940 art. 2, art. 3
Loi 82-1153 du 30 décembre 1982 art. 10

1.

Rappr. 1996-10-14, Fédération générale des transports et de l'équipement (CFDT), p. 403


Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2001, n° 220067
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: Mlle Landais
Rapporteur public ?: Mlle Fombeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:220067.20010727
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