Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 19 juillet 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Eric X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 21 janvier 1999 par laquelle le conseil supérieur des chambres régionales des comptes lui a infligé la sanction du déplacement d'office ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dumortier, Auditeur,
- les observations de Me Vuitton, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;
Considérant qu'à l'appui du pourvoi en cassation qu'il a formé contre la décision du 21 janvier 1999 par laquelle le conseil supérieur des chambres régionales des comptes statuant comme conseil de discipline lui a infligé la sanction du déplacement d'office, M. X... soutient que le conseil n'a pas statué à huis clos, en méconnaissance de l'article L. 223-9 du code des juridictions financières ;
Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée qu'à l'ouverture de la séance du conseil, M. X... a demandé qu'elle se déroule à huis clos ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est, dès lors et en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le moyen tiré par M. X... de ce que le conseil n'a pas siégé à huis clos serait irrecevable comme soulevé pour la première fois devant le juge de cassation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 223-9 du code des juridictions financières : "Le conseil supérieur statue à huis clos" ; que, pour écarter l'application de ces dispositions et siéger en séance publique, le conseil supérieur s'est fondé sur l'article 6 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ( ...) publiquement ( ...) par un tribunal ( ...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale, dirigée contre elle" ; que le conseil a estimé qu'aucun des motifs invoqués par M. X... ne justifiait qu'il soit porté atteinte à la règle de la publicité des débats ;
Mais considérant que les magistrats des chambres régionales des comptes exercent des fonctions juridictionnelles qui les font participer à l'exercice de la puissance publique et à la sauvegarde des intérêts de l'Etat et des autres collectivités publiques ; qu'il en résulte que la procédure disciplinaire dont ils peuvent faire l'objet devant le conseil supérieur des chambres régionales des comptes est soustraite à l'application de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là qu'en faisant application en l'espèce non de la règle du huis clos posé par l'article L. 223-9 du code des juridictions financières mais de celle de la publicité des audiences résultant de l'article 6-1 de la convention, le conseil supérieur a commis une erreur de droit et entaché sa décision d'irrégularité, que M. X... est, dès lors, fondé à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à M. X... la somme qu'il demande en remboursement des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés ;
Article 1er : La décision du 21 janvier 1999 du conseil supérieur des chambres régionales des comptes est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le conseil supérieur des chambres régionales des comptes.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Eric X..., au premier président de la Cour des comptes et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.