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28/12/2001 | FRANCE | N°204618

France | France, Conseil d'État, 7 / 5 ssr, 28 décembre 2001, 204618


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 14 juin 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE, dont le siège est Asterama, BP 300, ... au Futuroscope Cédex (86960) ; le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler sans renvoi l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 14 décembre 1998 ;
2°) de rejeter les conclusions de la société Offset-Service, de la SCP Laureau-Jeannerot et de Me X..., et de fair

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3°) de condamner les défendeurs à lui p...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 14 juin 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE, dont le siège est Asterama, BP 300, ... au Futuroscope Cédex (86960) ; le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler sans renvoi l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 14 décembre 1998 ;
2°) de rejeter les conclusions de la société Offset-Service, de la SCP Laureau-Jeannerot et de Me X..., et de faire droit à ses conclusions ;
3°) de condamner les défendeurs à lui payer la somme de 15 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 61-1318 du 4 décembre 1961 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'Imprimerie nationale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Casas, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Delvolvé, avocat du CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la société Offset-Service,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un contrat en date du 17 janvier 1990, la société Offset-Service s'est engagée à réaliser au bénéfice du CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE (C.N.E.D.) divers travaux d'impression, de tirage et de reliure de cours destinés aux étudiants, pour un montant de 842 400,10 F ; que la société Offset-Service, n'a pu honorer qu'une partie seulement des engagements mis à sa charge ; qu'elle a, par courrier du 22 juin 1990, signifié au CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE son refus d'exécuter les travaux restants, qui devaient être livrés pour le 31 juillet 1990 ; que le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE s'est alors opposé au paiement des factures correspondant aux travaux effectivement réalisés au titre du lot n° 3 du marché et s'élevant au total à 206 045,20 F ; que le tribunal administratif de Toulouse, par un jugement en date du 20 mars 1995, a, d'une part, rejeté les conclusions de la société Offset-Service tendant à ce que le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE soit condamné à lui verser, outre la somme de 206 045,20 F, une indemnité de 250 000 F en réparation d'un préjudice financier et, d'autre part, fait droit aux conclusions reconventionnelles du CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE tendant à ce que la société Offset-Service lui verse la somme de 958 858,90 F ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux, par un arrêt du 14 décembre 1998, a partiellement annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse et condamné le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE à verser à la société Offset-Service la somme de 206 045,20 F ; que le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE demande l'annulation de cet arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article 32 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché : "1. Il peut être pourvu, par la personne publique, à l'exécution de la fourniture ou du service aux frais et risques du titulaire soit en cas d'inexécution par ce dernier d'une prestation qui, par sa nature, ne peut souffrir aucun retard, soit si la résiliation du marché prononcée en vertu de l'article 28 prévoit cette mesure ... 4. L'augmentation des dépenses, par rapport au prix du marché, résultant de l'exécution des prestations aux frais et risques du titulaire est à sa charge. La diminution des dépenses ne lui profite pas." ; que l'article 8.2 du cahier des clauses administratives particulières applicable au marché, qui renvoie à l'article 32 précité, précise : "En cas d'incapacité du titulaire à exécuter les prestations dans le délai de 10 jours à compter de la date mentionnée à l'article 2 du présent cahier des clauses administratives particulières, il pourra être fait appel à un autre fournisseur ; cette mesure expose le titulaire défaillant à supporter les frais. Dans le cas où le prix demandé serait plus élevé que celui prévu au marché, la différence serait automatiquement déduite de la plus proche facture mise en paiement au profit du titulaire défaillant" ;

Considérant que la cour administrative d'appel a souverainement constaté d'une part, qu'en décidant de ne pas assurer l'exécution du lot n° 4 prévu au marché, la société Offset Service n'avait pas respecté ses obligations contractuelles et, d'autre part, que le centre national avait alors confié la réalisation des travaux d'impression à l'Imprimerie nationale en lui adressant sur le fondement de l'article 4 du décret susvisé du 4 décembre 1961, un bon commande ;
Considérant qu'en déduisant de l'absence de passation d'un marché avec l'Imprimerie nationale, l'impossibilité, pour le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE, de se prévaloir des stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales, auxquelles renvoient celles du cahier des clauses administratives particulières, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 14 décembre 1998 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat peut, lorsqu'il annule une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; qu'il y a lieu, par application de ces dispositions, de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les premiers juges ont à bon droit estimé que le mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 14 mars 1995 ne constituait pas une intervention mais un nouveau mémoire présenté au nom de la société Offset-Service suite à sa mise en règlement judiciaire, par ses mandataires judiciaires ; que, dès lors, le tribunal administratif n'avait pas à se prononcer sur la recevabilité d'une intervention ;
Au fond :

Considérant qu'il résulte de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières annexé au contrat que les documents composant le lot n° 4 devaient être livrés par la société Offset-Service au plus tard le 31 juillet 1990 ; qu'en vertu du même article, le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE s'engageait à respecter un délai minimum de quinze jours entre ses commandes et les livraisons y afférentes ; qu'il résulte de l'instruction que l'envoi par le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE des supports destinés à l'imprimerie a été échelonné jusqu'au mois de juin 1990 ; que les derniers d'entre eux sont parvenus à la société Offset-Service le 16 juin 1990, soit un mois et demi avant la date de livraison prévue au contrat ; que le délai susmentionné a donc été respecté ; qu'il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction que la circonstance que le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE n'aurait pas versé l'avance forfaitaire prévue à l'article 6 dudit cahier des clauses administratives particulières, aurait entraîné pour la société Offset-Service une difficulté de nature à l'empêcher de respecter ses obligations contractuelles ; que par suite, et contrairement à ce que soutient la société Offset-Service, l'inexécution d'une partie des travaux mis à sa charge en application du marché litigieux n'est pas imputable au CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Offset Services, la circonstance qu'elle se soit vue placer, en cours d'instance, en redressement puis en liquidation judiciaire, ne faisait pas obstacle à ce que le juge administratif statue sur les indemnités dues par elle ;
Considérant, d'une part, qu'eu égard à la nécessité dans laquelle se trouvait le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE de procurer aux étudiants, dès la rentrée de 1990, les cours nécessaires au bon déroulement de leurs études, la prestation demeurée inexécutée par la société Offset-Service ne pouvait plus souffrir aucun retard ; que d'autre part, les travaux d'impression du lot n° 4 devant être livrés, ainsi qu'il a été dit, au plus tard le 31 juillet 1990, le délai de dix jours mentionné à l'article 8.2 précité du cahier des clauses administratives particulières était dépassé lorsque, le 3 septembre 1990, le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE a décidé de recourir à un autre fournisseur ; qu'ainsi, le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE était fondé à faire application à l'encontre de son cocontractant des dispositions précitées du cahier des clauses administratives générales et du cahier des clauses administratives particulières et à déduire de la somme de 206 045,20 F due par lui à la société Offset-Service le surcoût occasionné par la commande passée à l'Imprimerie nationale ; que par suite, les conclusions de la société Offset-Service tendant à ce que le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE soit condamné à lui verser la somme de 250 000 F en réparation du préjudice financier doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société Offset-Service a commis une faute dans l'exécution du marché qui la liait au CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE ; qu'en conséquence de cette faute, le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE, contraint de recourir aux services d'un autre prestataire, a dû engager des dépenses auprès de l'Imprimerie nationale pour un montant non contesté de 1 801 259 F ; que dès lors, en demandant que la société Offset-Service soit condamnée à lui verser une somme 958 858,90 F correspondant à la différence entre le prix facturé par l'Imprimerie nationale et le montant prévu par le marché passé avec la société Offset-Service pour la réalisation des mêmes documents (842 400,10 F), le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE a correctement appliqué les stipulations contractuelles ;
Considérant, en revanche, que la somme d'un montant non contesté de 206 045,20 F, correspondant au règlement des travaux du lot n° 3 exécutés par la société Offset-Service est due à celle-ci par le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE ; qu'ainsi, la somme dont la société Offset-Service est redevable envers le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE s'établit à 752 813,70 F, résultant de la différence entre le surcoût lié à l'intervention de l'Imprimerie nationale (958 858,90 F) et la somme due par le CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE à la société Offset-Service au titre des travaux du lot n° 3 (206 045,20 F) ; que la société Offset-Service est fondée à demander dans cette mesure la réformation du jugement attaqué ; que la somme de 752 813,70 F portera intérêt à compter du 20 mars 1995 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 7 décembre 2001 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la société Offset-Service à payer au CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE la somme de 15 000 F qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 14 décembre 1998 est annulé.
Article 2 : La somme de 958 858,90 F mise à la charge de la société Offset-Service par le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 20 mars 1995 est ramenée à 752 813,70 F. Cette somme est assortie des intérêts à compter du 20 mars 1995. Les intérêts échus le 7 décembre 2001 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 20 mars 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Offset-Service devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au CENTRE NATIONAL D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE, à la société Offset-Service, à la SCP Laureau Jeannerot, à Me X... et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Formation : 7 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 204618
Date de la décision : 28/12/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

39-03-01-02-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION TECHNIQUE DU CONTRAT - CONDITIONS D'EXECUTION DES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS EN L'ABSENCE D'ALEAS - MARCHES - RETARDS D'EXECUTION


Références :

Code de justice administrative L821-2, L761-1
Décret 61-1318 du 04 décembre 1961 art. 4


Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2001, n° 204618
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Casas
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:204618.20011228
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