Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande au Conseil d'Etat l'annulation du jugement du 28 août 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 24 juillet 2000 décidant la reconduite à la frontière de M. Ahmed X... et le rejet de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... a été notifié par voie postale à l'intéressé le 21 août 2000 ; que la demande tendant à l'annulation dudit arrêté présentée par M. X... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 27 août 2000, soit avant l'expiration du délai de sept jours prévu par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ; que, par suite, le moyen invoqué par le PREFET DU VAL-D'OISE tiré de la tardiveté de la demande doit être écarté ;
Sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité marocaine, entré irrégulièrement en France en 1990, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification, le 15 juin 1998, de la décision du 11 juin 1998 par laquelle le PREFET DU VAL-D'OISE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; que, par suite, il se trouvait dans le cas prévu au I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., né en 1956 à Douar Le Kassabi, au Maroc, est entré en France une première fois en 1973 ; qu'il a exercé une activité salariée entre 1974 et 1979 ; qu'il produit une attestation provisoire de séjour en date du 14 décembre 1979 ; que, retourné au Maroc en 1980, il soutient qu'il a été empêché de revenir en France par les autorités marocaines ; que si ses allégations sur ce dernier point ne sont pas établies, il est revenu en France en 1990 et y est demeuré depuis lors ; qu'il vit avec une ressortissante marocaine titulaire d'une carte de résident ; qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et en particulier à l'ancienneté de la première entrée en France de M. X... et à la durée de ses deux séjours sur le territoire français, le second ininterrompu depuis 1990, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a pu estimer que l'arrêté du PREFET DU VAL-D'OISE ordonnant la reconduite de l'intéressé à la frontière était entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une telle mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ; que le PREFET DU VAL-D'OISE n'est, par suite, pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à verser à M. X... une somme de 1 200 euros au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du PREFET DU VAL-D'OISE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-D'OISE, à M. Ahmed X... et au ministre de l'intérieur.