La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2002 | FRANCE | N°219746

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 13 février 2002, 219746


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 avril et 4 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL FORCE OUVRIERE DES PERSONNELS DE PREFECTURE dont le siège est ..., représenté par son secrétaire général dûment habilité ; le SYNDICAT NATIONAL FORCE OUVRIERE DES PERSONNELS DE PREFECTURE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant à ce que soit rapportée la circulaire n° 175 C du 5 a

oût 1999 relative à la mise en oeuvre dans les préfectures du règlement in...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 avril et 4 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL FORCE OUVRIERE DES PERSONNELS DE PREFECTURE dont le siège est ..., représenté par son secrétaire général dûment habilité ; le SYNDICAT NATIONAL FORCE OUVRIERE DES PERSONNELS DE PREFECTURE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande tendant à ce que soit rapportée la circulaire n° 175 C du 5 août 1999 relative à la mise en oeuvre dans les préfectures du règlement intérieur des personnels techniques et de service, ensemble d'annuler ladite circulaire et ledit règlement intérieur ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F (2 287 euros) au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
Vu le décret n° 70-251 du 21 mars 1970 ;
Vu le décret n° 90-715 du 1er août 1990 ;
Vu le décret n° 94-725 du 24 août 1994 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Guinard, avocat du SYNDICAT NATIONAL FORCE OUVRIERE DES PERSONNELS DE PREFECTURE,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le SYNDICAT NATIONAL FORCE OUVRIERE DES PERSONNELS DE PREFECTURE a demandé au ministre de l'intérieur, par un recours gracieux en date du 8 octobre 1999 reçu le 11 octobre, le retrait de certaines dispositions de la circulaire n° 175 C du 5 août 1999 portant règlement intérieur des personnels techniques et de service dans les préfectures ; que le silence gardé par le ministre sur cette demande a fait naître le 11 février 2000 une décision implicite de rejet dont le syndicat requérant demande l'annulation, ensemble celle de la circulaire précitée et du règlement intérieur que cette circulaire demande aux préfets de mettre en oeuvre ;
Sur les dispositions relatives à la durée hebdomadaire du travail :
Considérant que la détermination de la durée hebdomadaire du travail pour les fonctionnaires et agents de l'Etat n'est pas au nombre des matières réservées à la compétence du législateur par l'article 34 de la Constitution ou par d'autres dispositions constitutionnelles ; qu'elle revêt ainsi un caractère réglementaire ; que, dans l'exercice de sa compétence, le Premier ministre a, par l'article 1er du décret du 24 août 1994, en vigueur à la date d'intervention de la circulaire et du règlement intérieur contestés, fixé à trente-neuf heures la durée hebdomadaire du travail dans la fonction publique de l'Etat ; que, toutefois, le premier alinéa de l'article 2 du décret a ouvert à un arrêté conjoint du ministre intéressé, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget, pris après avis des comités techniques paritaires compétents, le soin de définir, le cas échéant, "des conditions d'aménagement des horaires applicables à certaines catégories de personnels du département ministériel concerné, lorsque les conditions de travail de ces agents justifient un tel aménagement" ; qu'il est spécifié au second alinéa du même article que les horaires, ainsi aménagés "qui pourront faire l'objet d'une définition annuelle, doivent aboutir, en moyenne, au cours d'une année" à une durée hebdomadaire égale à la durée hebdomadaire du travail fixée à l'article 1er du décret ;

Considérant que la section 1 du chapitre 2 du règlement intérieur annexé à la circulaire, tout en rappelant conformément à l'article 1er du décret du 24 août 1994, que la durée hebdomadaire du travail est fixée à 39 heures pour les personnels techniques et de service exerçant leurs fonctions auprès des membres du corps préfectoral, énonce que "les aménagements d'horaire de ces agents doivent aboutir, en moyenne, au cours d'un mois, à une durée hebdomadaire égale à la durée hebdomadaire du travail" ; que, dans la mesure où de telles dispositions procèdent à des aménagements de la durée hebdomadaire du travail, elles ne pouvaient être légalement édictées sous la seule signature du ministre de l'intérieur et nécessitaient conformément aux prescriptions de l'article 2 du décret du 24 août 1994 l'intervention d'un arrêté conjoint de ce ministre, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ; que le syndicat requérant est, par suite, fondé à demander l'annulation des dispositions de la section 1 du chapitre 2 du règlement intérieur relatives aux aménagements apportés à la durée hebdomadaire du travail ;
Sur les autres dispositions contestées :
Considérant que le syndicat requérant soutient qu'en prévoyant "que les membres du corps préfectoral ne font appel aux personnels techniques et de service, en dehors des jours ouvrables, qu'à raison de nécessités liées à l'exercice de leurs obligations professionnelles" et qu'"en dehors de ces circonstances, tout agent a droit au repos hebdomadaire du dimanche", la circulaire attaquée méconnaîtrait la règle du repos dominical définie par l'article L. 221-5 du code du travail ;
Considérant toutefois qu'il appartient à l'autorité administrative agissant en tant que chef de service, de déterminer, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires, les horaires de travail des agents placés sous ses ordres en fonction des nécessités du service public ; que si ces nécessités l'imposent, elle peut légalement prévoir que ces horaires incluent des dimanches et des jours fériés ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire alors en vigueur n'avait trait au repos hebdomadaire des agents publics ; qu'il ressort des affirmations non contredites du ministre de l'intérieur que les dispositions précitées du règlement intérieur sont justifiées par la spécificité des missions du corps préfectoral et notamment par leurs obligations de représentation ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance, par le règlement intérieur de la règle du repos dominical doit être écarté ;

Considérant que si le syndicat requérant soutient qu'en ouvrant la possibilité d'imposer aux agents assurant la conduite d'une automobile, un régime d'astreintes pendant les fins de semaine et les jours fériés, la circulaire attaquée ajoute illégalement des dispositions nouvelles à la réglementation existante, telle qu'elle est prévue notamment par le décret du 21 mars 1970, il appartient toutefois au ministre de l'intérieur, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement des services placés sous son autorité ; que la mise en place d'un régime d'astreinte pour les agents assurant la conduite d'une automobile trouve sa justification dans les fonctions spécifiques des membres du corps préfectoral qui doivent faire face, en dehors des heures et jours ouvrables, à des événements non programmés ; que les dispositions litigieuses du règlement intérieur ne méconnaissent pas les droits statutaires des agents concernés tels qu'ils sont fixés par le décret susvisé du 21 mars 1970 ; que, par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que lesdites dispositions, seraient entachées d'illégalité ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25, premier alinéa, de la loi du 13 juillet 1983 : "Les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit (.)" et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 1er août 1990 relatif aux dispositions statutaires communes applicables aux corps des agents des services techniques des administrations de l'Etat : " Les membres des corps des agents des services techniques des services extérieurs concourent à l'exécution des tâches de service intérieur et peuvent être chargés de fonctions d'huissier" ; que le syndicat requérant soutient qu'en prévoyant que les missions confiées aux personnels techniques et de service "ressortissent soit à des activités à caractère spécifiquement public, soit, les jours ouvrables exclusivement, à l'aide apportée aux membres du corps préfectoral dans leur vie quotidienne", la circulaire attaquée méconnaît les dispositions précitées de la loi du 13 juillet 1983 et du deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 1er août 1990 ;
Considérant qu'il incombe à l'autorité ministérielle de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement des services placés sous son autorité ; qu'au nombre de ces mesures figure la définition des missions et des tâches confiées aux différents agents ; que la définition, par le règlement intérieur, des missions des personnels techniques et de service ne relève nullement d'un cumul d'activités au sens des dispositions de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 ; que la circulaire attaquée, qui prévoit par ailleurs que l'ensemble des tâches ainsi définies "ne peuvent excéder par leur ampleur ce qui peut être normalement exigé d'un agent dans le cadre de la durée légale du travail, ni par leur nature ce qui est nécessaire à l'exercice dans de bonnes conditions de la représentation de l'Etat, eu égard aux compétences des agents concernés" n'a pas ajouté aux obligations résultant de la réglementation existante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat requérant n'est fondé à demander l'annulation que des seules dispositions du règlement intérieur relatives aux aménagements apportés à la durée hebdomadaire du travail ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu d'accorder au SYNDICAT NATIONAL FORCE OUVRIERE DES PERSONNELS DE PREFECTURE la somme de 2 287 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Sont annulées les dispositions de la section 1 du chapitre 2 du règlement intérieur annexé à la circulaire du ministre de l'intérieur du 5 août 1999 qui sont relatives aux aménagements apportés à la durée hebdomadaire du travail ainsi que la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant le recours gracieux en tant qu'il vise ces dispositions.
Article 2 : L'Etat versera au SYNDICAT NATIONAL FORCE OUVRIERE DES PERSONNELS DE PREFECTURE la somme de 2 287 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT NATIONAL FORCE OUVRIERE DES PERSONNELS DE PREFECTURE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL FORCE OUVRIERE DES PERSONNELS DE PREFECTURE et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 219746
Date de la décision : 13/02/2002
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

36-07-11 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES - OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES - Durée du travail (régime du décret du 24 août 1994) - Aménagement des horaires nécessitant un arrêté interministériel - Existence - Calcul de durée moyenne hebdomadaire du travail sur une base mensuelle et non annuelle - Conséquence - Incompétence du ministre de l'intérieur pour en décider seul.

36-07-11 L'article 1er du décret du 24 août 1994 fixe à trente-neuf heures la durée hebdomadaire du travail dans la fonction publique de l'Etat. Toutefois, le premier alinéa de l'article 2 du décret a ouvert à un arrêté conjoint du ministre intéressé, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget, pris après avis des comités techniques paritaires compétents, le soin de définir, le cas échéant, "des conditions d'aménagement des horaires applicables à certaines catégories de personnels du département ministériel concerné, lorsque les conditions de travail de ces agents justifient un tel aménagement". Il est spécifié au second alinéa du même article que les horaires ainsi aménagés, "qui pourront faire l'objet d'une définition annuelle, doivent aboutir, en moyenne, au cours d'une année", à une durée hebdomadaire égale à la durée hebdomadaire du travail fixée à l'article 1er du décret. Circulaire du ministre de l'intérieur énonçant, après avoir rappelé, conformément à l'article 1er du décret du 24 août 1994, que la durée hebdomadaire du travail est fixée à 39 heures pour les personnels techniques et de service exerçant leurs fonctions auprès des membres du corps préfectoral, que "les aménagements d'horaire de ces agents doivent aboutir, en moyenne, au cours d'un mois, à une durée hebdomadaire égale à la durée hebdomadaire du travail". Dans la mesure où de telles dispositions procèdent à des aménagements de la durée hebdomadaire du travail, elles ne pouvaient être légalement édictées sous la seule signature du ministre de l'intérieur et nécessitaient, conformément aux prescriptions de l'article 2 du décret du 24 août 1994, l'intervention d'un arrêté conjoint de ce ministre, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget.


Références :

Circulaire du 05 août 1999 décision attaquée annulation partielle
Code de justice administrative L761-1
Code du travail L221-5
Constitution du 04 octobre 1958 art. 34
Décret 70-251 du 21 mars 1970
Décret 90-715 du 01 août 1990 art. 1
Décret 94-725 du 24 août 1994 art. 1, art. 2
Loi 83-634 du 13 juillet 1983 art. 25


Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2002, n° 219746
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. El Nouchi
Rapporteur public ?: M. Bachelier
Avocat(s) : Me Guinard, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:219746.20020213
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award