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10/04/2002 | FRANCE | N°223441

France | France, Conseil d'État, 8 / 3 ssr, 10 avril 2002, 223441


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 juillet et 20 novembre 2000, présentés pour la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ dont le siège est ..., les Echets à Miribel (01700), représentée par son président directeur général en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 mai 2000 rejetant les conclusions de sa requête dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 novembre

1997 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la restitution des s...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 juillet et 20 novembre 2000, présentés pour la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ dont le siège est ..., les Echets à Miribel (01700), représentée par son président directeur général en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 mai 2000 rejetant les conclusions de sa requête dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 novembre 1997 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la restitution des sommes payées au titre de la taxe parafiscale perçue au profit du Centre de coordination des centres de recherche en mécanique (COREM) pour les années 1989 à 1993 ;
2°) statuant au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de lui accorder la restitution des taxes litigieuses ;
3°) de condamner le COREM à lui verser une somme de 35 880 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le décret n° 80-854 du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales ;
Vu le décret n° 89-437 du 30 juin 1989 instituant une taxe parafiscale au profit du groupement d'intérêt économique dit comité de coordination des centres de recherche en mécanique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Arrighi de Casanova, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat du Centre de coordination des centres de recherche en mécanique (COREM),
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le Centre de coordination des centres de recherche en mécanique :
Considérant que le pourvoi de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en tant que celle-ci, après avoir annulé pour irrégularité le jugement de première instance, n'a que partiellement fait droit à ses conclusions tendant à la décharge de la taxe parafiscale perçue au profit du Centre de coordination des centres de recherche en mécanique (COREM) pour les années 1989 à 1993, a été présenté sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, contrairement aux dispositions alors en vigueur de l'article 41 de l'ordonnance du 31 juillet 1945 ; que, toutefois, la société a ultérieurement produit un mémoire complémentaire signé d'un avocat au Conseil d'Etat ; que, contrairement à ce que soutient le COREM, cette production a été de nature à régulariser le vice de forme dont le pourvoi était initialement entaché, alors même que la notification de l'arrêt attaqué mentionnait le caractère obligatoire de ce ministère ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 30 juin 1989 : "Il est institué jusqu'au 31 décembre 1993 au profit du Comité de coordination des centres de recherche en mécanique (COREM) une taxe parafiscale destinée à financer des actions tendant au progrès, au transfert et généralement à la diffusion des techniques visant à l'accroissement de la productivité et à l'amélioration de la qualité des produits" ; qu'ainsi que le rappelle l'article 6 de ce décret, la contestation de cette taxe était soumise aux dispositions de l'article 8 du décret susvisé du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales dont le cinquième alinéa dispose que : "La contestation du bien-fondé de la dette doit être présentée avant tout recours juridictionnel au représentant qualifié de l'organisme dans les deux mois de la notification de l'état exécutoire ou du paiement s'il est antérieur à cette notification ( ...)" ;

Considérant que, pour contester la fin de non-recevoir opposée sur ce fondement à celles des conclusions de sa réclamation présentée le 23 février 1994 qui étaient dirigées contre les cotisations de taxe parafiscale versées au titre de la période du 1er janvier 1989 au 30 juin 1993, la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ avait fait valoir que les dispositions du décret du 30 octobre 1980 ne pouvaient régir la contestation d'un prélèvement qui, ayant été illégalement institué de manière rétroactive et n'ayant trouvé de fondement que dans une loi de validation, ne présentait pas, selon la requérante, le caractère d'une taxe parafiscale ; qu'en se bornant à énoncer que "les conclusions relatives aux taxes afférentes à cette période, y compris en tant qu'elles s'appuient sur un moyen tiré du défaut de base légale de la cotisation versée au titre du 1er semestre 1989, ne sont pas recevables", la cour administrative d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision ; que l'arrêt attaqué est, par suite, entaché d'irrégularité, en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre les taxes dues au titre des années 1989 à 1992 et du premier semestre de l'année 1993 ;
Considérant, d'autre part, que la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ a invoqué devant la cour un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du décret précité du 30 octobre 1980 faisant obligation aux organismes au profit desquels sont instituées des taxes parafiscales, avant toute prorogation ou modification de la taxe, de fournir un compte-rendu aux autorités de tutelle ; qu'il est constant que ce moyen visait le renouvellement de la taxe en cause par le décret précité du 30 juin 1989, alors même que, par suite d'une erreur de plume, les écritures de la société mentionnaient les références d'un autre décret ; que, pour écarter ce moyen, l'arrêt attaqué relève que le compte-rendu dont l'inexistence était invoquée a été effectivement fourni le 11 juillet 1988 aux autorités de tutelle par le COREM ; qu'il ressort toutefois du dossier que les indications correspondantes n'ont été portées à la connaissance de la cour par le ministre que dans un mémoire enregistré le 28 avril 2000, jour de la clôture de l'instruction de l'affaire qui était inscrite à l'audience du 2 mai suivant ; qu'en se fondant ainsi sur des éléments dont la requérante n'avait pas été mise à même de discuter la pertinence, la cour a méconnu le caractère contradictoire de la procédure ; qu'ainsi son arrêt est également entaché d'irrégularité en tant qu'il écarte les conclusions dirigées contre la taxe afférente au second semestre de l'année 1993 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ est fondée à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond et, compte tenu de l'annulation pour irrégularité du jugement du tribunal administratif de Paris du 12 novembre 1997 par l'article 1er, non contesté, de l'arrêt attaqué, de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de la demande de première instance de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ, autres que celles auxquelles a fait droit l'article 3, également non contesté, de l'arrêt de la cour ;
Sur les conclusions dirigées contre les taxes afférentes aux années 1989 à 1992 et au premier semestre de l'année 1993 :

Considérant que les prescriptions précitées de l'article 8 du décret du 30 octobre 1980 s'appliquent à la contestation de toute taxe parafiscale, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon les moyens invoqués par le redevable, et quand bien même ce dernier exciperait de l'illégalité du décret ayant institué la taxe ; que l'argumentation analysée ci-dessus de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ ne peut, dès lors, faire échec à la forclusion dont étaient entachées les conclusions de sa réclamation présentée le 23 février 1994, en tant qu'elles visaient les cotisations de taxe parafiscale versées au titre de la période du 1er janvier 1989 au 30 juin 1993 ; qu'il suit de là que les conclusions correspondantes ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions dirigées contre la taxe afférente au second semestre de l'année 1993 :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le COREM :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 6 et 8 du décret du 30 octobre 1980 et de l'article R. 102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur qu' en l'absence de notification d'une décision expresse de rejet de la réclamation dont la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ avait saisi le COREM, aucun délai n'était imparti à l'intéressée pour saisir le tribunal administratif ; que le COREM n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la demande présentée par la société devant le tribunal administratif de Paris, en tant qu'elle concerne la taxe afférente au second semestre de l'année 1993, serait tardive et par suite irrecevable ;
En ce qui concerne le bien-fondé des cotisations :
Quant aux moyens tirés du droit communautaire :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 9 (devenu 23) du traité instituant la Communauté européenne : "La Communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction entre les Etats membres des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 12 (devenu 25) du même traité : "Les Etats membres s'abstiennent d'introduire entre eux de nouveaux droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent ( ...)" ; qu'enfin aux termes du 1 de l'article 95 (devenu 90) du même traité : "Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires. En outre, aucun Etat membre ne frappe les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions ( ...)" ; que les redevables d'une taxe parafiscale ne peuvent utilement se prévaloir, à l'appui d'une demande en décharge de cette taxe, de ce que celle-ci aurait le caractère d'une imposition intérieure instituée en méconnaissance de ces dispositions, que si les cotisations contestées ont été établies, en tout ou en partie, à raison d'opérations portant sur des produits d'autres Etats membres de la Communauté européenne ;

Considérant qu'il résulte de l'article 4 du décret précité du 30 juin 1989 que la taxe perçue au profit du COREM est assise sur le chiffre d'affaires hors taxe total réalisé en France et à l'exportation ; qu'elle n'est prélevée que sur les produits fabriqués ou assemblés en France et qu'elle est appliquée selon le même taux aux produits destinés au marché intérieur français et aux produits destinés à être exportés dans les autres Etats membres de la Communauté européenne ; que, par suite, et alors même que, pour le calcul de la taxe, aucune distinction n'est faite quant à la provenance des matières ou éléments utilisés pour la fabrication ou l'assemblage des produits assujettis, la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ n'est fondée à soutenir ni que cette taxe serait en réalité une taxe d'effet équivalent à un droit de douane, ni qu'elle aurait été perçue en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne ;
Quant aux autres moyens :
Considérant, en premier lieu, que pour contester les cotisations mises à sa charge en application du décret précité du 30 juin 1989 pour la période correspondant au second semestre de l'année 1993, la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de la rétroactivité illégale dont ce décret aurait été entaché en ce qui concerne la période correspondant au premier semestre de l'année 1989 ;
Considérant, en second lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que les dispositions de l'article 4 du décret précité du 30 octobre 1980 faisaient obligation au COREM, qui bénéficiait jusqu'au 30 décembre 1988 de la taxe prévue par le décret n° 84-866 du 27 septembre 1984, de fournir avant toute prorogation ou modification de cette taxe un compte-rendu aux autorités de tutelle ; que, dès lors que le décret du 30 juin 1989 n'avait pas pour objet de modifier cette règle, il ne pouvait légalement intervenir que dans le respect de la procédure ainsi définie ;
Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction que le document fourni au ministre chargé du budget le 11 juillet 1988 par le COREM doit être regardé comme constituant le compte-rendu dont la production était requise, alors même qu'il aurait été établi pour l'information du Parlement en vue de la préparation de la loi de finances, et qu'il n'aurait pas été conforme au modèle normalisé défini par l'arrêté ministériel dont l'intervention est prévue par l'article 4 du décret du 30 octobre 1980, dès lors que cette dernière exigence ne présente pas un caractère substantiel ; qu'il suit de là que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret sur le fondement duquel lui ont été réclamées les cotisations qu'elle conteste aurait été pris en méconnaissance des prescriptions dudit article 4 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société des établissements MORICE TRAITOGAZ ne peut être accueillie ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, par application de ces dispositions, de condamner la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ à verser au Centre de coordination des centres de recherche en mécanique la somme de 3 000 euros ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que le Centre de coordination des centres de recherche en mécanique, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ la somme que celle-ci demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ;
Article 1er : L'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 16 mai 2000 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ tendant à la décharge des cotisations de taxes perçues au profit du COREM et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ est condamnée à verser au Centre de coordination des centres de recherche en mécanique une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES ETABLISSEMENTS MORICE TRAITOGAZ, au Centre de coordination des centres de recherche en mécanique et au ministre de l'économie des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 223441
Date de la décision : 10/04/2002
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

19-08-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - PARAFISCALITE, REDEVANCES ET TAXES DIVERSES - TAXES PARAFISCALES - Procédures contentieuses spéciales - Recours préalable auprès de l'organisme (article 8 du décret du 30 octobre 1980) - Application indépendante des moyens invoqués.

19-08-01 Les prescriptions de l'article 8 du décret du 30 octobre 1980, aux termes duquel "La contestation du bien fondé de la dette doit être présentée avant tout recours juridictionnel au représentant qualifié de l'organisme ..." s'appliquent à toute taxe parafiscale, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon les moyens présentés par le redevable et même si ce dernier excipe de l'illégalité du décret ayant institué la taxe.


Références :

Code de justice administrative L821-2, L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R102
Décret 80-854 du 30 octobre 1980
Décret 84-866 du 27 septembre 1984
Décret 89-437 du 30 juin 1989 art. 1, art. 6, art. 4
Ordonnance 45-1708 du 31 juillet 1945 art. 41
Traité CE du 25 mars 1957 art. 9 (art. 23), art. 12 (art. 25), art. 95 (art. 90)


Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2002, n° 223441
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: M. Arrighi de Casanova
Rapporteur public ?: Mme Mignon

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:223441.20020410
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