Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 10 août 2000 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A.R.L. SEGELEIS, dont le siège est à Orsonnette (63340) ; la S.A.R.L. SEGELEIS demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 2 février 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête aux fins de réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1988 et des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de chacune des années 1987 et 1988, ainsi que des pénalités majorant ces impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la S.A.R.L. SEGELEIS,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre l'arrêt attaqué :
Considérant que, pour écarter le moyen tiré par la S.A.R.L. SEGELEIS de ce que les impositions contestées par elle auraient été établies à l'issue d'une procédure de redressement irrégulière du fait d'une insuffisante motivation de la notification de redressements qui lui a été adressée le 16 mars 1990, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur la circonstance que la société, n'ayant pas produit devant elle ce document, ne l'avait pas mise "en mesure d'apprécier la portée de son moyen" ; qu'en statuant ainsi, alors que, si elle s'estimait imparfaitement éclairée par les extraits de la notification reproduits par la société dans ses mémoires, il lui incombait d'exercer son pouvoir de direction de l'instruction en invitant l'intéressée à verser au dossier l'original ou une photocopie de l'intégralité de ladite notification, la cour administrative d'appel a entaché l'arrêt attaqué d'irrégularité ; que la S.A.R.L. SEGELEIS est, par suite, fondée à demander que ledit arrêt soit annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2, premier alinéa, du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions de la requête présentée devant la cour administrative d'appel par la S.A.R.L. SEGELEIS :
En ce qui concerne la régularité du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
Considérant que le tribunal administratif a répondu de manière expresse et suffisamment motivée au moyen tiré par la société de ce que la notification de redressements qui lui a été adressée le 16 mars 1990 n'aurait pas satisfait aux prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que, les motifs du jugement comportant des appréciations d'où il résultait que l'expertise sollicitée par la société n'aurait eu aucun objet utile, le tribunal a pu ne rejeter qu'implicitement la demande d'une telle mesure d'instruction ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement dont elle fait appel serait entaché d'omissions de statuer ;
En ce qui concerne les impositions litigieuses, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la notification de redressements :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les droits et pénalités litigieux, qui représentent la majeure partie du complément de taxe sur la valeur ajoutée assigné à la S.A.R.L. SEGELEIS au titre de la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1988 et des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de chacune des années 1987 et 1988, procèdent de ce qu'à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, les recettes de la discothèque qu'elle exploite à Orsonnette (Puy-de-Dôme), provenant de la vente des boissons consommées par la clientèle en sus de celle à laquelle donne droit le ticket d'entrée, ont été rehaussées par l'administration, qui, écartant comme non probant l'enregistrement de recettes journalières globales dont le détail n'était retracé sur aucun document justificatif présenté au cours de la vérification, a reconstitué de manière extra-comptable cette fraction du chiffre d'affaires ; que la S.A.R.L. SEGELEIS n'a pas accepté ce redressement ; que, par suite, ainsi que l'admet le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui ne se prévaut plus d'un avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que le tribunal administratif a jugé irrégulier, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé dudit redressement ;
Considérant que la S.A.R.L. SEGELEIS a produit, en première instance, des "fiches de bar" retraçant, selon ses dires, le détail des ventes de boissons dont elle a comptabilisé la recette journalière totale au cours des années 1987 et 1988 ; que l'administration fait valoir que ces documents sont d'une authenticité incertaine, mais ne conteste pas que, comme l'affirme la société, les mentions qu'ils comportent concordent avec les tarifs pratiqués dans l'établissement, ainsi qu'avec les quantités de boissons consommées telles qu'elles ressortent des achats comptabilisés et des variations de stocks sur lesquels la vérificatrice a, elle-même, assis sa reconstitution ; que, dans ces conditions, l'administration ne peut, en tout état de cause, être regardée comme établissant la pertinence de cette reconstitution et le bien-fondé des rehaussements qu'en conséquence, elle a opérés, et d'où sont résultés les droits litigieux ;
Considérant qu'il suit de là que la S.A.R.L. SEGELEIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont elle fait appel, le tribunal administratif a refusé de lui accorder la réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée à elle assigné au titre de la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1988, et des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de chacune des années 1987 et 1988, à concurrence des droits et pénalités assis sur des "recettes omises" d'un montant, hors taxe, de 425 195 F pour l'année 1987 et de 639 055 F pour l'année 1988 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à la S.A.R.L. SEGELEIS la somme de 2 000 euros, en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 2 février 2000 et le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 mai 1997 sont annulés.
Article 2 : Il est accordé à la S.A.R.L. SEGELEIS réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné au titre de la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1988 et des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de chacune des années 1987 et 1988, à concurrence des droits et pénalités assis sur des "recettes omises" d'un montant, hors taxe, de 425 195 F pour l'année 1987 et de 639 055 F pour l'année 1988.
Article 3 : L'Etat versera à la S.A.R.L. SEGELEIS, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. SEGELEIS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.