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29/07/2002 | FRANCE | N°222824

France | France, Conseil d'État, 8 ss, 29 juillet 2002, 222824


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Demba X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 mars 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 décembre 1998 du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention "vie priv

ée et familiale" sous astreinte de 1 000 F par jour de retard à l'issue d'un déla...

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Demba X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 mars 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 décembre 1998 du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" sous astreinte de 1 000 F par jour de retard à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de la date de prononcé du jugement ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité guinéenne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 26 mai 1998, de la décision du 7 mai 1998 du préfet de police lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ( ...) 3° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tous moyens résider en France depuis plus de dix ans ..." ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle a été pris l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, M. X... justifiait résider habituellement en France depuis septembre 1988 et pouvait donc prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour en application des dispositions précitées du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le préfet de police ne pouvait, sans méconnaître ces dispositions, décider sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêt du 30 décembre 1998 du préfet de police ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes des dispositions du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, ( ...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas" ;
Considérant que M. X... demande en outre qu'il soit ordonné à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard ; que si la présente décision rend impossible l'exécution de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre et impose à l'administration de réexaminer sa demande de titre de séjour, elle n'implique pas par elle-même la délivrance d'une carte de séjour temporaire ; que, par suite, les conclusions de M. X... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 22 mars 2000 et l'arrêté du 30 décembre 1998 par lequel le préfet de police a ordonné la reconduite à la frontière de M. X... sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Demba X..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 8 ss
Numéro d'arrêt : 222824
Date de la décision : 29/07/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03-02-01 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE - LEGALITE INTERNE - ETRANGERS NE POUVANT FAIRE L'OBJET D'UNE MESURE DE RECONDUITE A LA FRONTIERE


Références :

Code de justice administrative L761-1
Loi 98-349 du 11 mai 1998
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 12 bis, art. 25, art. 22 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2002, n° 222824
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: M. Collin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:222824.20020729
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