Vu la requête, enregistrée le 12 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Ghalamallah X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 26 juillet 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé le jugement du tribunal administratif de Lille du 26 septembre 2000 ordonnant le sursis à exécution de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 8 décembre 1995 prononçant son expulsion du territoire français ;
2°) de rejeter le recours formé par le ministre de l'intérieur devant la cour contre ce jugement ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F (2 286,74 euros) pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Bourgeois, Auditeur ;
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, qu'en estimant qu'aucun des moyens invoqués par M. X... ne paraissait, en l'état du dossier, de nature à justifier l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 8 décembre 1995 prononçant son expulsion du territoire français et en rejetant, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté, la cour administrative d'appel de Douai, qui n'a pas commis d'erreur de droit, s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, laquelle, en l'absence de dénaturation, ne peut être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, en second lieu, que l'arrêt attaqué doit être regardé comme rejetant également les conclusions de M. X... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du ministre de l'intérieur en date du 2 mai 2000 rejetant la demande de l'intéressé tendant à l'abrogation de l'arrêté du 8 décembre 1995 ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour qu'eu égard au comportement témoigné, après l'intervention de cet arrêté, par M. X..., qui est marié à une ressortissante française depuis 1990 et père de trois enfants de nationalité française sur lesquels il exerce conjointement avec la mère l'autorité parentale, la cour a dénaturé les faits de l'espèce en estimant que le moyen tiré de ce que la décision du 2 mai 2000 méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne paraissait pas, en l'état du dossier, sérieux et de nature à justifier l'annulation de cette décision ; que, dès lors, M. X... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que la cour a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du 2 mai 2000 ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire, dans la mesure indiquée ci-dessus, au titre de la procédure de sursis à exécution engagée par M. X... ;
Considérant que l'exécution de la décision du ministre de l'intérieur en date du 2 mai 2000 risquerait d'avoir des conséquences difficilement réparables pour M. X... ; que, comme il a été dit ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier que le juge saisi du principal non seulement annule cette décision, mais aussi adresse à l'auteur de celle-ci l'une des injonctions prévues aux articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ; que, dès lors, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de surseoir à l'exécution de la décision du 2 mai 2000 et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, à un nouvel examen de la demande de M. X... tendant à l'abrogation de l'arrêté du 8 décembre 1995 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à payer à M. X... la somme de 1 500 euros pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 26 juillet 2001 est annulé en tant que la cour a rejeté les conclusions de M. X... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision du ministre de l'intérieur en date du 2 mai 2000.
Article 2 : Jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lille et tendant à l'annulation de la décision du 2 mai 2000, il sera sursis à l'exécution de cette décision.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, à un nouvel examen de la demande de M. X... tendant à l'abrogation de l'arrêté du 8 décembre 1995.
Article 4 : L'Etat est condamné à payer la somme de 1 500 euros à M. X....
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Ghalamallah X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.