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06/11/2002 | FRANCE | N°247209

France | France, Conseil d'État, Section du contentieux, 06 novembre 2002, 247209


Vu la décision en date du 6 novembre 2002 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête présentée pour la SOCIETE CAIXA BANK FRANCE enregistrée sous le n° 247209 et tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 2002 par laquelle la commission bancaire lui a, d'une part, interdit de conclure avec des résidents de nouvelles conventions de comptes à vue libellés en euros prévoyant la rémunération des sommes déposées sur ces comptes, d'autre part, enjoint de dénoncer les clauses de rémunération actuellement incluses dans ces conventions, a sursis à

statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européenn...

Vu la décision en date du 6 novembre 2002 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête présentée pour la SOCIETE CAIXA BANK FRANCE enregistrée sous le n° 247209 et tendant à l'annulation de la décision du 16 avril 2002 par laquelle la commission bancaire lui a, d'une part, interdit de conclure avec des résidents de nouvelles conventions de comptes à vue libellés en euros prévoyant la rémunération des sommes déposées sur ces comptes, d'autre part, enjoint de dénoncer les clauses de rémunération actuellement incluses dans ces conventions, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européenne se soit prononcée sur la question de savoir si, dans le silence de la directive 2000/12/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, l'interdiction faite par un Etat membre aux établissements bancaires régulièrement installés sur son territoire de rémunérer des dépôts à vue et d'autres fonds remboursables constitue une entrave à la liberté d'établissement et, dans l'affirmative, quelle est la nature des raisons d'intérêt général qui pourraient, le cas échéant, être invoquées pour justifier une telle entrave ;

Vu, enregistrée le 20 mars 2003, l'intervention présentée pour la S.A. Banque fédérale des Banques populaires, dont le siège social est ..., la S.A. BNP Paribas, dont le siège social est ..., la S.A. Caisse nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance, dont le siège social est ..., la S.A. Crédit Agricole, dont le siège social est ..., la S.A. CCF, dont le siège social est ..., la S.A. Crédit Lyonnais, dont le siège est ..., la Confédération nationale du Crédit mutuel, dont le siège est ... et la S.A. Société Générale, dont le siège est ..., qui demandent que le Conseil d'Etat rejette la requête n° 247209 de la SOCIETE CAIXA BANK FRANCE ; elles soutiennent que c'est à bon droit que la commission bancaire a écarté le moyen tiré de ce que l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne impliquerait que soit appliquée non pas la loi du pays d'implantation de la filiale, mais celle du pays d'établissement de la société mère et a jugé que l'interdiction de rémunérer les comptes à vue ne constitue pas une entrave à la liberté d'établissement ;

Vu l'arrêt en date du 5 octobre 2004 rendu par la Cour de justice des Communautés européennes ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 novembre 2004, présenté pour la SOCIETE CAIXA BANK FRANCE qui reprend les conclusions de sa requête et demande en outre que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme totale de 10 500 euros, incluant les frais exposés par elle devant la Cour de justice des Communautés européenne, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'il résulte de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes que la décision de la commission bancaire est entachée d'erreur de droit ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 43 ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le règlement du comité de la réglementation bancaire et financière n° 86-13 du 14 mai 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Maud Vialettes, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE CAIXA BANK FRANCE, de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Banque fédérale des banques populaires et autres et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de la commission bancaire,

- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;

Sur les interventions de la S.A. Banque fédérale des Banques populaires, de la S.A. BNP Paribas, de la S.A. Caisse nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance, de la S.A. Crédit Agricole, de la S.A. CCF, de la S.A. Crédit Lyonnais, de la Confédération nationale du Crédit mutuel et de la S.A. Société Générale :

Considérant que ces sociétés ont intérêt au maintien de la décision attaquée ; qu'ainsi leurs interventions sont recevables ;

Sur la légalité de la décision de la commission bancaire :

Considérant que, par un arrêt rendu le 5 octobre 2004, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne s'oppose à la réglementation d'un Etat membre qui interdit à un établissement de crédit, filiale d'une société d'un autre Etat membre, de rémunérer les comptes de dépôts à vue libellés en euros, ouverts par les résidents du premier Etat membre ;

Considérant que, pour engager une procédure disciplinaire à l'encontre de la SOCIETE CAIXA BANK FRANCE, pour lui interdire, par la décision attaquée, de conclure avec des résidents de nouvelles conventions de comptes à vue libellés en euros prévoyant la rémunération des sommes déposées sur ces comptes et pour lui enjoindre de dénoncer les clauses de rémunération déjà incluses dans ces conventions, la commission bancaire s'est fondée sur le fait que la société requérante avait méconnu l'article 2 du règlement n° 86-13 du 14 mars 1986 du comité de la réglementation bancaire et financière, pris en application de l'article L. 312-3 du code monétaire et financier, et aux termes duquel « la rémunération des comptes à vue est interdite » ; qu'en faisant application de ces dispositions, qui édictent une interdiction incompatible avec l'article 43 du traité CE, la commission bancaire a commis une erreur de droit ; que, par suite, la SOCIETE CAIXA BANK FRANCE est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant qu'aucune question ne reste à juger ; qu'il n'y a lieu, dès lors, ni de statuer au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, ni de renvoyer l'affaire devant la commission bancaire ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10500 euros que demande la SOCIETE CAIXA BANK FRANCE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions de la S.A. Banque fédérale des Banques populaires, de la S.A. BNP Paribas, de la S.A. Caisse nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance, de la S.A. Crédit Agricole, de la S.A. CCF, de la S.A. Crédit Lyonnais, de la Confédération nationale du Crédit mutuel et de la S.A. Société Générale sont admises.

Article 2 : La décision de la commission bancaire du 16 avril 2002 est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE CAIXA BANK FRANCE une somme de 10 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CAIXA BANK FRANCE, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à la commission bancaire, à la S.A. Banque fédérale des banques populaires, à la S.A. BNP Paribas, à la S.A. Caisse nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance, à la S.A. Crédit Agricole, à la S.A. CCF, à la S.A. Crédit Lyonnais, à la Confédération nationale du Crédit mutuel et à la S.A. Société Générale.


Synthèse
Formation : Section du contentieux
Numéro d'arrêt : 247209
Date de la décision : 06/11/2002
Sens de l'arrêt : Question préjudicielle cjce
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - BANQUES - INTERDICTION DE RÉMUNÉRER LES DÉPÔTS À VUE - MÉCONNAISSANCE DE L'ARTICLE 43 DU TRAITÉ CE - QUESTION PRÉSENTANT UNE DIFFICULTÉ SÉRIEUSE - EXISTENCE - RENVOI PRÉJUDICIEL À LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES.

13-04 Dans le silence de la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 au sujet de la rémunération des dépôts à vue et des règles applicables aux filiales des établissements de crédit, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne pose la question de savoir si l'interdiction faite par la réglementation française de rémunérer les dépôts à vue doit ou non être regardée comme une entrave à la liberté d'établissement et, dans l'affirmative, si une telle entrave peut être justifiée par des raisons d'intérêt général. Il y a lieu, également, de s'interroger sur la nature des raisons qui pourraient à ce titre être valablement invoquées au regard du droit communautaire. Ces questions soulevant une difficulté sérieuse, il y a lieu d'en saisir la Cour de justice des communautés européennes en application de l'article 234 du traité.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - RENVOI PRÉJUDICIEL À LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES - QUESTION PRÉSENTANT UNE DIFFICULTÉ SÉRIEUSE - EXISTENCE - MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE L'ARTICLE 43 DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE PAR LA RÉGLEMENTATION FRANÇAISE INTERDISANT AUX ÉTABLISSEMENTS BANCAIRES DE RÉMUNÉRER LES DÉPÔTS À VUE.

15-03-02 Dans le silence de la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mars 2000 au sujet de la rémunération des dépôts à vue et des règles applicables aux filiales des établissements de crédit, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne pose la question de savoir si l'interdiction faite par la réglementation française de rémunérer les dépôts à vue doit ou non être regardée comme une entrave à la liberté d'établissement et, dans l'affirmative, si une telle entrave peut être justifiée par des raisons d'intérêt général. Il y a lieu, également, de s'interroger sur la nature des raisons qui pourraient à ce titre être valablement invoquées au regard du droit communautaire. Ces questions soulèvent une difficulté sérieuse.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2002, n° 247209
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Jean-Philippe Thiellay
Rapporteur public ?: M. Lamy
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:247209.20021106
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