Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 mars et 4 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe X, demeurant ... ; M. X demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision en date du 8 novembre 2000 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 9 novembre 1998 du conseil régional des Pays-de-Loire lui infligeant la peine de quatre mois d'interdiction d'exercer la médecine ;
2°) condamne l'Ordre national des médecins à lui verser la somme de 12 000 F sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré présentée le 23 janvier 2003 pour M. X ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le décret n° 79-506 du 28 juin 1979 portant code de déontologie ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Luc-Thaler, avocat de M. X et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Sur les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant que le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ;
En ce qui concerne la participation du rapporteur au délibéré :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 du décret du 26 octobre 1948 relatif au fonctionnement des conseils de l'Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins : La section disciplinaire du Conseil national est saisie des appels des décisions des conseils régionaux en matière disciplinaire (...) ; qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 23 du même décret : (...) Le président de la section disciplinaire désigne un rapporteur parmi les membres de cette section appartenant à l'ordre du praticien mis en cause. Ce rapporteur dirige l'instruction de l'affaire ; il a qualité pour recueillir les témoignages qu'il croit devoir susciter et pour procéder à toutes constatations utiles ; que l'article 26 du même décret, relatif à l'audience disciplinaire dispose : Le président de la section disciplinaire dirige les débats. Le rapporteur présente un exposé des faits (...) l'appelant a le premier la parole. Dans tous les cas le praticien incriminé peut prendre la parole en dernier lieu (...) ;
Considérant que si, en application des dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article 23 précité du décret du 26 octobre 1948 un des membres composant la section disciplinaire est désigné comme rapporteur et peut procéder, dans le cadre et pour les besoins du débat contradictoire entre les parties, à des mesures d'instruction qui ont pour objet de vérifier la pertinence des griefs et observations des parties, de telles attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction ; qu'ainsi, et alors même qu'il incombe par ailleurs au rapporteur, en vertu de l'article 26 du même décret, de faire à l'audience un exposé des faits consistant en une présentation de l'affaire, l'ensemble de ces dispositions n'ont pas pour effet de lui conférer des fonctions qui, au regard du principe d'impartialité comme des autres stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, feraient obstacle à sa participation au délibéré de la section disciplinaire ;
En ce qui concerne le dépôt de la plainte par le président au nom de l'Ordre national des médecins :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 417 du code de la santé publique : (...) Le conseil régional peut être saisi par le Conseil national ou par les conseils départementaux de l'Ordre ou par les syndicats de médecins de son ressort, qu'ils agissent de leur propre initiative ou à la suite de plaintes... ; qu'aux termes de l'article L. 408 du même code : A sa première réunion et à la première réunion qui suit chaque renouvellement, le Conseil national élit en son sein huit membres qui constituent, avec le conseiller d'Etat désigné conformément à l'article précédent, et sous sa présidence, une section disciplinaire (...) ;
Considérant que le président du Conseil national de l'Ordre des médecins, n'est pas membre de la section disciplinaire, laquelle constitue une formation distincte au sein du Conseil national de l'Ordre des médecins ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier qu'avant de demander au Conseil national de saisir le conseil régional du cas de M. X, son président a demandé aux membres de la section disciplinaire de se retirer ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que, le président du Conseil national de l'Ordre des médecins étant l'auteur de la plainte, le principe d'impartialité contenu dans l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été méconnu, doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins :
Considérant qu'en se fondant, pour confirmer la sanction de l'interdiction d'exercer la médecine pendant quatre mois infligée à M. X par le conseil régional des Pays-de-Loire, sur ce que chaque pose d'une prothèse PHAC par ce praticien entraînait à son bénéfice le versement d'une redevance par la société commercialisant cet appareil sans rechercher si les sommes ainsi perçues par ce chirurgien étaient distinctes des droits de propriété intellectuelle qu'il détenait au titre de son brevet relatif à cette prothèse, la section disciplinaire a entaché sa décision d'une erreur de droit ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler cette décision et de renvoyer l'affaire à la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins, laquelle, ainsi qu'il a été dit ci-dessus peut en connaître sans méconnaître le principe d'impartialité ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas dans la présente affaire, la partie perdante, soit condamné à verser au Conseil national de l'Ordre des médecins la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens et d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de condamner le Conseil national de l'Ordre des médecins, auteur de la plainte à verser à M. X la somme de 1 829 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins du 8 novembre 2000 est annulée.
Article 2 : Le Conseil national de l'Ordre des médecins versera à M. X sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 829 euros. Les conclusions du Conseil national de l'Ordre des médecins relatives à l'application de ces dispositions sont rejetées.
Article 3 : L'affaire est renvoyée devant la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe X et au Conseil national de l'Ordre des médecins.