Vu la requête, enregistrée le 19 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE ROCHE, dont le siège est ..., représentée par le président de son directoire ; la SOCIETE ROCHE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler a) la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur la demande de la SOCIETE ROCHE en date du 20 décembre 2001 tendant à l'abrogation des dispositions du a) du deuxième alinéa de l'article R. 245-1 du code de la sécurité sociale prises pour l'application de l'article L. 245-1 dudit code portant sur la contribution dite taxe sur les frais de publicité due par les entreprises assurant l'exploitation en France d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques dans leur rédaction issue de l'article 5 du décret n° 97-635 du 31 mai 1997 en tant qu'elles prescrivent de retenir dans le total des charges comptabilisées au cours du dernier exercice clos au titre des frais de prospection et d'information des praticiens qui constituent l'assiette de la taxe sur les frais de publicité les frais de toute nature engagés au titre des visites auprès non seulement des praticiens mais aussi des établissements de santé, des établissements de cure ou de prévention et des dispensaires , b) la décision en date du 18 mars 2001 du ministre de l'emploi et de la solidarité rejetant sa demande d'abrogation des dispositions précitées et c) la disposition contenue dans les paragraphes 1 et 7 de l'instruction datée du 3 avril 2001 que le ministre de l'emploi et de la solidarité a adressée au directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) selon laquelle les frais de visite médicale auprès des établissements de santé, des établissements de cure ou de prévention et des dispensaires ainsi qu'auprès des associations gérant des structures de soins alternatives à l'hospitalisation doivent être intégrés dans l'assiette de la contribution, quel que soit l'interlocuteur du visiteur médical dans ces conditions ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Salins, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE ROCHE a saisi le Premier ministre et le ministre de l'emploi et de la solidarité, par courriers en date du 20 décembre 2001, d'une demande tendant à l'abrogation des dispositions du a) de l'article R. 245-1 du code de la sécurité sociale au motif qu'elles étendraient l'assiette de la taxe instituée par l'article L. 245-1 du même code aux frais exposés par les visiteurs médicaux à l'occasion de visites auprès de ceux des membres du personnel des établissements de santé, établissements de cure ou de prévention et dispensaires qui ne sont pas des prescripteurs et dans cette seule mesure ; qu'elle conteste la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur cette demande et confirmée par la lettre du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 18 mars 2002 ; qu'elle demande, en outre, l'annulation des paragraphes 1 et 7 de l'instruction en date du 3 avril 2001 du ministre de l'emploi et de la solidarité au directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale en tant que le paragraphe 1 étend les frais pris en compte pour le calcul de cette taxe aux frais exposés lors de visites à des personnes qui ne sont pas des prescripteurs et en tant que le paragraphe 7 de cette instruction inclut parmi les établissements concernés les structures de soins alternatives à l'hospitalisation ;
Sur les conclusions dirigées contre le refus d'abroger les dispositions du a) de l'article R. 245-1 du code de la sécurité sociale :
Considérant que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de situations de fait ou de droit postérieures à cette date ; que c'est à la date à laquelle l'autorité se prononce sur la demande d'abrogation dont elle a été saisie qu'il convient de se placer pour apprécier si cette demande était fondée ;
Considérant que l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale met à la charge des entreprises assurant l'exploitation en France de spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie ou des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités une contribution, couramment dénommée taxe sur les frais de publicité , qui est assise, en application des dispositions de l'article L. 245-2 de ce code dans leur rédaction, alors en vigueur, issue de la loi du 19 décembre 1997, sur le total des charges comptabilisées au cours du dernier exercice clos au titre des frais de prospection et d'information des praticiens afférents à l'exploitation en France des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agréés à l'usage des collectivités ; qu'il résulte de ces dispositions que les charges à prendre en compte pour le calcul de cette taxe sont celles qui se rapportent aux visites effectuées auprès des seules personnes qui ont le pouvoir de prescrire c'est-à-dire les médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 245-1 du même code, pris pour l'application de ces dispositions, dans sa rédaction issue du décret du 31 mai 1997 : Les charges mentionnées au premier alinéa de l'article L. 245-2 s'entendent des charges à prendre en compte pour la détermination du résultat net comptable en tant qu'elles ont été exposées au titre de l'information et de la prospection médicale afférentes directement ou indirectement à l'exploitation en France des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agréés à l'usage des collectivités au cours du dernier exercice clos antérieurement au 1er décembre de chaque année./ Elles comprennent notamment : a) les frais de toute nature, notamment les salaires et charges sociales et fiscales y afférents, les dépenses de transport et autres frais engagés par les réseaux de visiteurs médicaux et toute autre catégorie de personnes visitant des praticiens, des établissements de santé, des établissements de cure ou de prévention et des dispensaires ; que les dispositions du a) de ce deuxième alinéa doivent être interprétées, à la lumière de celles du premier alinéa de cet article et de l'article L. 245-2, comme n'incluant dans l'assiette de la taxe que les frais de visite auprès de membres du personnel des établissements qu'il cite ayant le pouvoir de prescrire ; que, dans ces conditions, ces dispositions ne sont pas contraires à celles de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, la SOCIETE ROCHE n'est pas fondée à contester le refus opposé à sa demande d'abrogation de ces dispositions ;
Sur les conclusions dirigées contre les §1 et 7 de l'instruction du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 3 avril 2001 :
Considérant que l'interprétation que, par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en ouvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter ;
Considérant que la lettre du 3 avril 2001 adressée par le ministre de l'emploi et de la solidarité au directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui est chargée du recouvrement et du contrôle de cette taxe perçue au nom de l'Etat, en réponse à des questions posées par ce dernier sur l'interprétation des dispositions de l'article R. 245-1 du code de la sécurité sociale, se présente comme une instruction donnée par le ministre au directeur ; que, eu égard au caractère impératif des réponses apportées à ces questions, notamment aux paragraphes 1 et 7, ces dispositions font grief ;
Considérant, d'une part, qu'en prescrivant, au paragraphe 1 de cette instruction d'étendre les frais de visite médicale auprès des établissements de santé, des établissements de cure ou de prévention et des dispensaires pris en compte pour le calcul de la taxe, aux frais de visite auprès d'interlocuteurs non prescripteurs de ces établissements, le ministre de l'emploi et de la solidarité a incompétemment modifié les dispositions précitées des articles L. 245-2 et R. 245-1 du code de la sécurité sociale ; que, dès lors, et dans cette mesure, la SOCIETE ROCHE est fondée à demander l'annulation des dispositions incriminées du paragraphe 1 de cette instruction ;
Considérant, d'autre part, que le paragraphe 7 de la même instruction impose à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale d'inclure dans les bases de cette taxe les dépenses de prospection et d'information engagées auprès des structures de soins alternatives à l'hospitalisation ; que, eu égard à leurs missions, ces structures doivent être regardées comme des collectivités à l'usage desquelles des médicaments sont agréés pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale ; que le ministre de l'emploi et de la solidarité a donc exactement interprété les dispositions des articles L. 245-2 et R. 245-1 du code de la sécurité sociale en décidant que les frais de prospection et d'information des praticiens qui exercent dans ces structures sont pris en compte pour le calcul de la taxe sur les frais de publicité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ROCHE est seulement fondée à demander l'annulation du paragraphe 1 de l'instruction du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 3 avril 2001, en tant qu'il étend les frais pris en compte pour le calcul de l'assiette de la taxe sur les frais de publicité aux frais de visite des personnels des établissements de santé, des établissements de cure ou de prévention et des dispensaires qui ne sont pas des prescripteurs ;
Sur les conclusions de la SOCIETE ROCHE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce où la SOCIETE ROCHE n'est pas représentée par un avocat, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à lui payer la somme qu'elle demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle aurait exposés ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le paragraphe 1 de l'instruction du ministre de l'emploi et de la solidarité au directeur de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale en date du 3 avril 2001 est annulé en tant qu'il inclut dans l'assiette de la taxe les frais de visite auprès des personnes employées par des établissements de santé, des établissements de cure ou de prévention et des dispensaires qui ne sont pas des prescripteurs.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE ROCHE est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ROCHE, au Premier ministre et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.