La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/10/2003 | FRANCE | N°261353

France | France, Conseil d'État, 30 octobre 2003, 261353


Vu la requête, enregistrée le 27 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour LA SOCIÉTÉ KENTUCKY, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice qui demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

- d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris en date du 10 octobre 2003 rejetant sa demande d'injonction au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

- d'enjoindre au préfet de police de prendre, dans un délai de quinze jours, toute mesure nÃ

©cessaire pour assurer l'exécution de l'ordonnance du président du tribunal de gr...

Vu la requête, enregistrée le 27 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour LA SOCIÉTÉ KENTUCKY, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice qui demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

- d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris en date du 10 octobre 2003 rejetant sa demande d'injonction au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;

- d'enjoindre au préfet de police de prendre, dans un délai de quinze jours, toute mesure nécessaire pour assurer l'exécution de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 22 mars 2000 ordonnant l'expulsion de tous les occupants sans titre de l'immeuble appartenant à la société KENTUCKY sis ... ;

- à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de prendre, dans le même délai, toute mesure nécessaire pour permettre l'expulsion des occupants irréguliers des locaux concernés par l'arrêté du préfet de Paris du 17 juin 2003 ;

- de condamner l'Etat à une astreinte de 1000 euros par jour de retard en cas d'inexécution à l'expiration du délai imparti par l'ordonnance à intervenir ;

- de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du CJA ;

il soutient que l'ordonnance est insuffisamment motivée et dénature les conclusions ; que le transfert de propriété n'est pas intervenu ; qu'il existe un risque pénal lié à l'impossibilité de réaliser les travaux prescrits par l'administration ; que l'occupation affecte la situation financière de la société qui ne peut plus disposer librement de l'immeuble ; qu'aucune solution de relogement, même provisoire, n'a été proposée par l'administration depuis quatre ans, alors que notamment des réquisitions d'office étaient possibles ; qu'en l'état de dégradation de l'immeuble, les occupants sans titre courent plus de risques en y demeurant qu'en en étant expulsés ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance du 22 mars 2000, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a ordonné l'expulsion de 62 personnes, dont 39 enfants, occupant sans droit ni titre l'immeuble dont la société requérante est propriétaire au ... ; que le concours de la force publique, requis en août 2000 puis en septembre 2002, a été refusé pour des motifs tirés de considérations liées à l'ordre public ; qu'entre temps, le 4 avril 2001, la société avait adressé au maire de Paris une déclaration d'intention d'aliéner, à la suite de laquelle ce dernier a exercé son droit de préemption ; que le jugement du 29 octobre 2002 par lequel le juge de l'expropriation a fixé le prix de l'immeuble a fait l'objet d'un appel de la société KENTUCKY devant la cour d'appel de Paris qui l'examinera à l'audience du 18 décembre 2003 ;

Considérant que le juge des référés ne peut prononcer une injonction en application de l'article L. 521-2 précité que si le demandeur justifie d'une situation d'urgence, laquelle s'apprécie objectivement ;

Considérant que ni les pertes de revenus locatifs ni l'incidence de l'occupation sans droit ni titre d'une partie de l'immeuble sur sa valeur vénale - susceptibles d'ouvrir droit à indemnité - ne sont à elles seules de nature à caractériser une situation d'urgence au sens et pour l'application de cet article ; que celle-ci ne résulte pas davantage de l'obstacle qui serait mis à des projets non précisés par l'appelante, autres que celui de poursuivre une cession annoncée par elle en avril 2001 et qui a donné lieu à une procédure de préemption touchant à son terme ; qu'il importe peu, à cet égard, que le transfert de propriété n'ait pas eu lieu à ce jour, transfert dont le juge des référés n'a nullement fait état dans son ordonnance qui ne saurait donc être utilement critiquée sur ce point ; que l'urgence d'une exécution matérielle de l'évacuation de l'immeuble ne saurait se déduire non plus de l'intérêt même des occupants sans droit ni titre dès lors qu'en l'état de l'instruction, et notamment des arrêtés préfectoraux du 14 novembre 2002 et 17 juin 2003 ordonnant l'exécution de travaux, il n'apparaît pas que le retard mis à l'expulsion de ces occupants fasse peser des menaces immédiates sur leur sécurité ; qu'enfin le risque pénal invoqué par la requérante, qui se dit placée dans l'impossibilité de réaliser ces travaux, ne saurait être apprécié sans égard à la circonstance que le concours de la force publique n'a pas été accordé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doit être rejeté, selon la procédure de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, l'appel de la société Kentucky contre l'ordonnance du 10 octobre 2003, suffisamment motivée et exempte de dénaturation des conclusions, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande d'injonction au motif que l'urgence n'était pas établie ;

Considérant que l'article L. 761-1 du code fait obstacle à ce que l'Etat soit condamné à verser à la requérante la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ KENTUCKY est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIÉTÉ KENTUCKY.

Copie pour information en sera adressée au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 261353
Date de la décision : 30/10/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 30 oct. 2003, n° 261353
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:261353.20031030
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award