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05/11/2003 | FRANCE | N°255268

France | France, Conseil d'État, 2ème et 1ère sous-sections réunies, 05 novembre 2003, 255268


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars et 26 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Juan Maria A, élisant domicile ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 novembre 2002 accordant son extradition aux autorités espagnoles ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des

droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la convention ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars et 26 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Juan Maria A, élisant domicile ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 novembre 2002 accordant son extradition aux autorités espagnoles ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

Vu la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Artaud-Macari, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le décret attaqué en date du 25 novembre 2002, le Gouvernement a accordé aux autorités espagnoles l'extradition de M. A sur le fondement d'une ordonnance de mise en accusation et d'emprisonnement établie le 2 novembre 2001 par un juge du tribunal central d'instruction n° 5 de l'audience nationale, du chef d'intégration dans une bande terroriste, pour des faits commis à compter du 12 février 1995 ;

Considérant qu'après avoir visé la demande d'extradition présentée par les autorités espagnoles, indiqué les faits reprochés à M. A et mentionné l'avis émis par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau, le décret attaqué énonce que ces faits répondent aux exigences de l'article 61 de la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990, qu'ils sont punissables en droit français, qu'ils ne sont pas prescrits, qu'ils ne revêtent pas un caractère politique et qu'il n'apparaît pas que la demande d'extradition ait été déposée aux fins de poursuivre ou punir l'intéressé pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ; qu'ainsi, le décret attaqué, qui n'avait pas à détailler les faits imputés au requérant, satisfait aux exigences de motivation posées à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Considérant que si M. A soutient que l'association Gestoras Proamnistia, dont il est l'un des responsables nationaux, a pour objet la défense des prisonniers politiques basques et l'adoption d'une amnistie, il ressort des pièces du dossier que les faits matériels qui lui sont imputés, à savoir le soutien financier à des membres de l'organisation terroriste ETA-Kas-Ekin en détention ou dans la clandestinité, le recrutement de membres pour cette organisation, le contrôle de l'exécution de campagnes ayant pour objet la collecte de fonds de manière coercitive et le signalement de personnes désignées comme responsables de l'incarcération de membres de ladite organisation et pouvant ainsi devenir la cible d'actes de terrorisme, constituent en droit français le délit de participation à un groupement formé en vue de la préparation d'actes de terrorisme, prévu et réprimé par les dispositions des articles 421-2-1 et 421-5 du code pénal ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à prétendre que les faits qui lui sont imputés ne seraient pas punissables en droit français et que, par suite, le Gouvernement aurait méconnu les stipulations du 1 de l'article 2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la même convention : L'extradition ne sera pas accordée si l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la Partie requise comme une infraction politique ou comme un fait connexe à une telle infraction ; que la circonstance que les infractions reprochées à M. A, qui ne constituent pas des infractions politiques par leur nature, auraient été commises dans le cadre d'une lutte pour l'indépendance du pays basque ne suffit pas, compte tenu de leur gravité, à les faire regarder comme ayant un caractère politique ; qu'ainsi, le décret attaqué ne méconnaît pas les stipulations précitées ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'extradition de M. A ait été demandée par les autorités espagnoles aux fins de poursuivre l'intéressé en raison de ses opinions politiques ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la convention européenne d'extradition : L'extradition ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de la Partie requérante, soit de la Partie requise ; que, l'extradition du requérant ayant été accordée pour les faits commis à compter du 12 février 1995, l'action publique n'était pas prescrite à la date à laquelle les autorités espagnoles ont demandé cette extradition ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées doit en tout état de cause être écarté ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. A, le système judiciaire espagnol respecte les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine, ainsi que l'exigent les principes généraux du droit de l'extradition ; que le requérant n'apporte aucune précision au soutien de ses allégations selon lesquelles le décret accordant son extradition aux autorités espagnoles aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, si les règles de procédure pénale applicables en Espagne permettent au juge d'instruction de décider le secret de la procédure, la décision ainsi prise peut faire l'objet d'un recours juridictionnel et prend fin, dans tous les cas, avant le terme de la procédure dans des conditions qui permettent à la personne mise en cause de faire valoir contradictoirement ses droits avant d'être jugée ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à prétendre que le décret attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 6 de la même convention ;

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune... ; que M. A, qui ne se prévaut du bénéfice d'aucun droit ou liberté reconnus par les stipulations précitées, ne saurait, en tout état de cause, utilement soutenir que le décret attaqué aurait été pris en méconnaissance de ces stipulations ;

Considérant qu'il résulte des principes généraux applicables à l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d'erreur évidente, de se prononcer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée ; qu'en l'espèce, il n'apparaît pas qu'une erreur évidente ait été commise s'agissant de la réalité des faits reprochés au requérant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 25 novembre 2002 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer la somme que M. A demande pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Juan Maria A et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 2ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 255268
Date de la décision : 05/11/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 nov. 2003, n° 255268
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Lasserre
Rapporteur ?: Mme Anne-Marie Artaud-Macari
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:255268.20031105
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