Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU JURA ; le PREFET DU JURA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 octobre 2002 par lequel le vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 5 septembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Karima X... épouse Y ;
2°) de rejeter la demande de Mme Y devant le tribunal administratif de Besançon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 modifiée par la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993, notamment son article 23 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de Mme Karima X...,
- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ... ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Karima X... épouse Y, de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 5 août 2002, de la décision 1er août 2002, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas visé au 3° de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : ... 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ; ... Les étrangers mentionnés aux 1° à 6° ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance ... ;
Considérant qu'il ressort du certificat de nationalité n° R.O. 330/02 établi le 13 août 2002 par le tribunal d'instance de Lons-Le-Saunier, que Mme Y, de nationalité algérienne, est mère d'un enfant de nationalité française né à Dole (Jura) le 3 janvier 2002 ; que Mme Y a épousé le père de cet enfant le 7 juin 1999 avec lequel elle vit ; qu'elle exerce à l'égard de celui-ci l'autorité parentale ; qu'il ressort enfin des pièces du dossier que l'enfant réside en France depuis sa naissance ; qu'il suit de là qu'en décidant le 5 septembre 2002 la reconduite à la frontière de Mme Y, le PREFET DU JURA a méconnu les dispositions précitées du 5° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU JURA n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté du 5 septembre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y ;
Sur les conclusions de Mme Y et de la SCP Bachellier-Potier de la Varde tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mme Y a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Bachellier-Potier de la Varde, avocat de Mme Y, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à la SCP Bachellier- Potier de la Varde la somme de 750 euros ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête du PREFET DU JURA est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Bachellier-Potier de la Varde, avocat de Mme Y, une somme de 750 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU JURA, à Mme Karima X... épouse Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.