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26/11/2003 | FRANCE | N°255812

France | France, Conseil d'État, Président de la section du contentieux, 26 novembre 2003, 255812


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril et 6 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Nubiola A épouse B, demeurant ... ; Mme Nubiola A épouse B demande au président de la section du contentieux du Conseil d' Etat :

1°) d'annuler le jugement du 13 février 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2002 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière

et de la décision distincte du même jour fixant le pays de destination ;

2°) ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril et 6 juin 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Nubiola A épouse B, demeurant ... ; Mme Nubiola A épouse B demande au président de la section du contentieux du Conseil d' Etat :

1°) d'annuler le jugement du 13 février 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2002 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A épouse B,

- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...);

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A épouse B, de nationalité colombienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 4 juin 2002, de la décision du préfet des Hauts-de-Seine du 4 juin 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'irrégularité en écartant comme inopérant à l'encontre de la décision de reconduite à la frontière un moyen tiré des risques encourus par Mme A épouse B en cas de retour dans son pays d'origine ; que la requérante ne saurait utilement critiquer l'appréciation portée, dans un motif surabondant de cette partie du jugement, sur la réalité des risques allégués par Mme A épouse B ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A épouse B n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre la décision de la reconduire à la frontière ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant que la lettre de notification de l'arrêté de reconduite à la frontière du 27 août 2002 informe Mme A épouse B qu'elle sera reconduite à destination, prioritairement, du pays dont elle a la nationalité ; qu'ainsi, Mme A épouse B est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre la décision de la renvoyer en Colombie au motif que ni l'arrêté du 27 août 2002, ni sa notification n'avaient fixé le pays de destination ; que, par suite, le jugement doit être annulé sur ce point ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de Mme A épouse B devant le tribunal administratif de Paris dirigées contre la décision fixant la Colombie comme pays de destination de la reconduite ;

Considérant que Mme A épouse B fait valoir qu'un de ses frères aurait été contraint de collaborer avec la guérilla locale à compter de 1996 ; que, le 31 juillet 1999, le groupe paramilitaire Autodéfense Unies de Colombie aurait enlevé puis tué son frère et sa nièce ; que, par la suite, une autre de ses nièces aurait disparu ; que, toutefois, si elle soutient qu'elle a été menacée par des appels téléphoniques, elle n'établit pas être exposée personnellement à des persécutions en cas de retour en Colombie ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que la décision fixant la Colombie comme pays de destination méconnaîtrait tant l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions susanalysées de la demande de Mme A épouse B devant le tribunal administratif de Paris doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à Mme A épouse B la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, en date du 13 février 2003, est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A épouse B dirigées contre la décision fixant la Colombie comme pays de destination de la reconduite à la frontière.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A épouse B devant le tribunal administratif de Paris, dirigées contre la décision fixant la Colombie comme pays de destination de la reconduite à la frontière, sont rejetées ainsi que le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Nubiola A épouse B, au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : Président de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 255812
Date de la décision : 26/11/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 nov. 2003, n° 255812
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de La Verpillière
Rapporteur ?: M. Guillaume Robillard
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:255812.20031126
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