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28/11/2003 | FRANCE | N°252106

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 28 novembre 2003, 252106


Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ; le PREFET DE LA SAVOIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 28 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 7 octobre 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Yamina A ainsi que sa décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de renvoi ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif

de Grenoble ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de...

Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ; le PREFET DE LA SAVOIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 28 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 7 octobre 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme Yamina A ainsi que sa décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de renvoi ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme von Coester, Auditeur,

- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 13 août 2002, de la décision du PREFET DE LA SAVOIE du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; que Mme A était ainsi dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'aux termes de l'article 9 de la même convention : 1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant... 2. Les Etats parties respectent le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'aux termes de l'article 10-1 : Conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence ; qu'enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, .../ 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la santé publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant, d'une part, que les stipulations de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés et que celles de l'article 10 de la même convention ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'un arrêté de reconduite à la frontière ; que Mme A ne peut donc utilement se prévaloir de ces stipulations pour demander l'annulation de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ;

Considérant, d'autre part, que si Mme A fait valoir que son ancien mari, qui bénéficie d'un droit de visite à l'égard de ses enfants et s'occupe régulièrement de ces derniers, vit en France, que son père vit en France, et que l'arrêté attaqué aurait pour effet de laisser ses enfants isolés en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B, père des deux enfants de Mme A, ait maintenu des contacts réguliers avec ces derniers après le divorce du couple en avril 1999 ; qu'en outre, l'intéressé, qui s'est remarié, n'était pas titulaire d'un titre de séjour à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, et alors que Mme A, qui a de la famille en Algérie, ne justifie pas être dans l'impossibilité d'emmener ses enfants avec elle, l'arrêté attaqué n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler les décisions du PREFET DE LA SAVOIE, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur l'exception d'illégalité dirigée contre le refus d'asile territorial :

Considérant que la décision du 14 juin 2002 du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, refusant à Mme A l'asile territorial, n'avait pas à être motivée ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle a été prise à l'issue d'une procédure régulière ;

Considérant que si Mme A fait valoir qu'elle était personnellement menacée en Algérie à la suite de l'assassinat de son frère en 1995 par un groupe terroriste dans la région de Rélizane, où elle résidait, elle n'apporte pas les éléments de nature à établir la réalité des risques personnels allégués ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales aurait, en lui refusant l'asile territorial, commis une erreur manifeste d'appréciation et violé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'exception d'illégalité dirigée contre le refus du PREFET DE LA SAVOIE de lui accorder un titre de séjour :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du 13 août 2002 du PREFET DE LA SAVOIE, refusant à Mme A un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire français, qui est suffisamment motivée, aurait été prise sans examen particulier de la situation de l'intéressée ;

Considérant que, pour les raisons déjà exposées ci-dessus, le PREFET DE LA SAVOIE n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ni méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ou celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, pour les raisons précédemment exposées, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi méconnaîtrait les dispositions de l'article 27 bis, dernier alinéa, de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ou les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 7 octobre 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A et la décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de renvoi ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser la somme que Mme A demande pour les frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 28 octobre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Grenoble ainsi que les conclusions qu'elle a présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SAVOIE, à Mme Yamina A et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 252106
Date de la décision : 28/11/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2003, n° 252106
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mme Suzanne Von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:252106.20031128
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