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30/12/2003 | FRANCE | N°254318

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 30 décembre 2003, 254318


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février 2003 et 10 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Andra Y, épouse YX, demeurant chez M. Mohamed Tahar YX ... ; Mme YX demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2002 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à l

a frontière ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et la décision...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février 2003 et 10 septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Andra Y, épouse YX, demeurant chez M. Mohamed Tahar YX ... ; Mme YX demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2002 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et la décision distincte du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les observations de Me Copper-Royer, avocat de Mme YX,

- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en vertu de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, rendu applicable au contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière par l'article R. 776-15 du même code, les jugements doivent contenir le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont ils font application ;

Considérant qu'il ressort des motifs du jugement attaqué que, pour rejeter la demande de Mme YX tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2002 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'insuffisance des revenus des enfants de Mme YX pour la prendre en charge et a ainsi entendu faire application des stipulations de l'article 7 bis b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié qu'il n'a cité ni dans les visas du jugement, ni dans ses motifs ; qu'en conséquence, ce jugement, qui ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R 741-2 du code de justice administrative, doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme YX devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de l'arrête de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme YX, de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 20 février 2002, de la décision du préfet de police du même jour lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que, en premier lieu, si Mme YX se prévaut des stipulations de l'article 7 bis b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans sa rédaction issue du troisième avenant en date du 11 juillet 2001, il résulte des dispositions du décret de publication de cet avenant, en date du 20 décembre 2002, qu'il n'est entré en vigueur que le 1er janvier 2003 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, la situation de Mme YX devait être examinée au regard des stipulations de l'accord franco-algérien tel que modifié par ses premier et deuxième avenants ; qu'aux termes de l'article 9 dudit accord, issu de son deuxième avenant : Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis, alinéa 4 (lettre a à d), (...) les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme YX n'est pas entrée en France munie d'un visa de long séjour et qu'ainsi elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait en droit d'obtenir un certificat de résidence en application de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si Mme YX fait valoir que l'arrêté de reconduite à la frontière du 9 avril 2002 entraîne pour sa situation personnelle et familiale des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme YX n'est pas dépourvue d'attache familiale en Algérie dans la mesure où, bien que ses deux fils, de nationalité française, résident en France, sa fille de 20 ans vit en Algérie ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du caractère récent de la vie familiale de Mme YX en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de police en date du 9 avril 2002 n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que Mme YX ne produit à l'appui de ses allégations relatives aux risques qu'elle encourt en cas de retour en Algérie aucun élément ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la décision fixant l'Algérie comme pays de destination aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme YX doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé charge de la gestion d'un service publique prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de Mme YX, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que dès lors les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme YX doivent être également rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 29 novembre 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de Mme YX devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Andra Y épouse YX, au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 254318
Date de la décision : 30/12/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2003, n° 254318
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. de La Verpillière
Rapporteur ?: M. XX
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : COPPER-ROYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:254318.20031230
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