La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2004 | FRANCE | N°251827

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 30 avril 2004, 251827


Vu la requête, enregistrée le 19 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 18 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 30 septembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme X... A et fixant la Turquie comme pays de destination ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des

libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modi...

Vu la requête, enregistrée le 19 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 18 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 30 septembre 2002 décidant la reconduite à la frontière de Mme X... A et fixant la Turquie comme pays de destination ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Artaud-Macari, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité turque, entrée régulièrement en France en dernier lieu le 12 décembre 2001, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 26 juin 2002, de la décision du 12 avril 2002 par laquelle le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier de nombreuses attestations, de l'ensemble des correspondances échangées entre Mme A et sa compagne de nationalité française, et des séjours effectués en France par Mme A, que la vie commune des intéressées, telle qu'elle a été concrétisée par le pacte civil de solidarité que celles-ci ont conclu le 19 février 2002, vient poursuivre une relation ancienne nouée en 1994 ; qu'eu égard à ces circonstances particulières, la mesure décidant la reconduite à la frontière de Mme A porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive par rapport aux buts poursuivis, et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière du 30 septembre 2002 pris à l'encontre de Mme A ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens après annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au PREFET D'ILLE-ET-VILAINE de se prononcer sur la situation de Mme A dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, en premier lieu, qu'il n'y a pas lieu en l'espèce de faire droit aux conclusions de l'avocat de Mme A tendant à ce que soit augmentée la somme mise à la charge de l'Etat par le jugement attaqué au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A en appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est rejetée.

Article 2 : Le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE statuera sur la régularisation de la situation de Mme A, dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au PREFET D'ILLE-ET-VILAINE et à Mme X... A et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 251827
Date de la décision : 30/04/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 avr. 2004, n° 251827
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: Mme Anne-Marie Artaud-Macari
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:251827.20040430
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award