Vu la requête enregistrée le 1er septembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 2 août 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 22 juillet 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... épouse Y, et la décision du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;
Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Fanachi, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3º Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y, de nationalité algérienne, a sollicité l'asile territorial qui lui a été refusé par le ministre de l'intérieur par une décision en date du 21 octobre 2002 ; qu'à la suite de cette décision, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, par une décision en date du 2 juin 2003 ; que Mme Y s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 5 juin 2003, de cette décision ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3º du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que pour annuler l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée serait exposée à des risques en cas de retour en Algérie ; qu'en annulant la décision attaquée sur ce motif, qui ne pouvait conduire qu'à l'annulation de la décision distincte fixant le pays de destination, le magistrat délégué a entaché son jugement d'une erreur de droit ; qu'il suit de là que le préfet est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sur l'exception d'illégalité du refus d'asile territorial du 21 octobre 2002 :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme Y soit, du fait de son comportement, soumise à des risques pour sa vie en cas de retour en Algérie ; qu'ainsi le ministre de l'intérieur n'a méconnu ni les dispositions de l'article 13 de la loi précitée, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de lui accorder le bénéfice de l'asile territorial ;
Considérant qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a commis une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de la mesure sur la situation personnelle de Mme Y en refusant de lui accorder l'asile territorial ;
Sur l'exception d'illégalité du refus de séjour du 2 juin 2003 :
Considérant que Mme Y ne relève d'aucune des catégories de personnes pour lesquelles l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 prévoit une délivrance de plein droit d'un titre de séjour ; que, dès lors, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a pu légalement refuser de lui délivrer une carte de séjour sans consulter au préalable la commission prévue à l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant que si la requérante vit depuis plusieurs années avec M. Y qu'elle a épousé en mars 2003, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a porté une atteinte excessive au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de cette mesure sur la vie personnelle de l'intéressée ;
Sur l'arrêté de reconduite à la frontière du 22 juillet 2003 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., signataire de l'arrêté attaqué, disposait d'une délégation du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE pour signer en son nom les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ;
Considérant que le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué manque en fait ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard aux conditions de l'entrée et du séjour en France de Mme Y , l'arrêté attaqué ne porte pas, alors même qu'elle a épousé M. Y avec lequel elle vit depuis plusieurs années, une atteinte disproportionnée au respect de sa vie familiale ; que pour les mêmes motifs, il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de sa décision sur la vie personnelle de l'intéressée ;
Sur le moyen articulé à l'encontre de la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée soit, du fait de son comportement, soumise à des risques pour sa vie en cas de retour en Algérie ; qu'ainsi le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant l'Algérie comme pays de renvoi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté en date 22 juillet 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y et la décision fixant l'Algérie comme pays de destination ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble du 2 août 2003 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme Y devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, à Mme Nassima Z... épouse Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.