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28/07/2004 | FRANCE | N°261385

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 28 juillet 2004, 261385


Vu l'ordonnance en date du 23 octobre 2003, enregistrée le 29 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par la SOCIETE VIATRIS ;

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par la SOCIETE VIATRIS, dont le siège est Avenue du Président J-F Kennedy, BP 100 à Mérignac cedex (33701) ; la SOCIETE VIATRIS dem

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1°) d'annuler la décision implicite du di...

Vu l'ordonnance en date du 23 octobre 2003, enregistrée le 29 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par la SOCIETE VIATRIS ;

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2003 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par la SOCIETE VIATRIS, dont le siège est Avenue du Président J-F Kennedy, BP 100 à Mérignac cedex (33701) ; la SOCIETE VIATRIS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite du directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé rejetant son recours gracieux formé le 5 juin 2003 contre ses décisions en date des 6 et 24 mars 2003 en tant qu'elles inscrivent la spécialité Poliodine solution dermique comme générique de la spécialité de référence Bétadine dermique 10 % , ensemble ces deux décisions ;

2°) de mettre à la charge de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé le paiement à la société requérante de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine de Salins, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'après avoir, par décision du 30 janvier 2003, identifié la Poliodine solution dermique exploitée par les laboratoires Gifrer (ci-après Poliodine Gifrer ) et pour laquelle une autorisation de mise sur le marché a été délivrée le 3 janvier 1990, en qualité de générique de la spécialité de référence Bétadine dermique 10 % (ci-après Bétadine ) pour l'exploitation de laquelle la société Asta Medica, devenue depuis lors la SOCIETE VIATRIS, a obtenu une autorisation de mise sur le marché le 31 juillet 1973 qui a été renouvelée et modifiée depuis lors, le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a, par décision du 6 mars 2003 modifiée par une nouvelle décision du 24 mars 2003, inscrit la Poliodine Gifrer au répertoire des spécialités génériques en application des dispositions de l'article R. 5143-8 du code de la santé publique ; que la SOCIETE VIATRIS demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux dernières décisions ainsi que de la décision par laquelle le directeur de l'agence a implicitement rejeté le recours gracieux qu'elle avait formé à leur encontre le 2 juin 2003 ;

Sur la légalité externe des décisions attaquées :

Considérant qu'en vertu de l'article R. 5143-8 du code de la santé publique, les spécialités répondant à la définition de la spécialité générique énoncée à l'article L. 5121-1 sont, dans un premier temps, identifiées par décision du directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé prise après avis de la commission prévue à l'article R. 5140, et dans un second temps, après communication à cette même autorité de la date de leur commercialisation, inscrites immédiatement au répertoire des produits génériques, par une décision publiée au Journal officiel ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la commission des autorisations de mise sur le marché, dont les dispositions précitées de l'article R. 5143-8 prévoient la consultation seulement avant l'identification de la spécialité comme générique, a émis un avis favorable à l'identification de la Poliodine Gifrer comme générique de la Bétadine lors de sa séance du 28 novembre 2002 ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que l'identification de la Poliodine Gifrer comme générique de la Bétadine et son inscription au répertoire des spécialités génériques seraient irrégulières en raison du défaut de consultation de cette commission doivent être écartés ;

Considérant, d'autre part, que si la décision du 6 mars 2003 publiée au Journal officiel le 11 avril suivant comporte une erreur matérielle en ce qu'il mentionne dans la dénomination du nouveau groupe générique créé que Povidone iodée 10 % s'administre par voie orale alors que son administration se fait par voie cutanée, cette erreur a été rectifiée par la décision du 24 mars 2003 publiée au Journal officiel du 18 avril ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, cette dernière décision ne comporte aucune erreur dans la désignation de la société qui exploite la Bétadine ;

Sur la légalité interne de ces décisions :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 5121-1 du même code : on entend par : (...) 5° Sans préjudice des dispositions des articles L. 611-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, spécialité générique d'une spécialité de référence, celle qui a la même composition qualitative et quantitative en principe actif, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées. La spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques constituent un groupe générique et qu'aux termes de l'article R. 5143-9 de ce code : I. Pour l'application de l'article L. 601-6 (L. 5121-1), on entend par : / - biodisponibilité : la vitesse et l'intensité de l'absorption dans l'organisme, à partir d'une forme pharmaceutique, du principe actif ou de sa fraction thérapeutique destinée à devenir disponible au niveau des sites d'action ; / - bioéquivalence : l'équivalence des biodisponibilités. / II. Le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé peut exonérer des études de biodisponibilité chez l'homme visant à démontrer sa bioéquivalence avec une spécialité de référence, une spécialité dont il est prouvé qu'elle satisfait à l'un ou l'autre des critères suivants : / (...) soit son principe actif, au regard notamment de sa toxicité ou d'exigences spécifiques de concentrations plasmatiques, n'est pas susceptible d'entraîner des différences significatives en termes d'efficacité thérapeutique ou d'effets indésirables ;

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que les décisions attaquées porteraient atteinte au principe d'égalité en empêchant la fixation d'un tarif de responsabilité équitable entre les deux spécialités Poliodine Gifrer et Bétadine n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des décisions d'autorisation de mise sur le marché de chacune de ces deux spécialités que leurs compositions quantitative et qualitative en principe actif, notions qui ne sauraient se confondre avec la fraction thérapeutique du principe actif libérée par chacune d'elle, sont identiques et qu'il est constant qu'elles ont la même forme pharmaceutique ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant, pour dispenser les laboratoires Gifrer de produire des études de biodisponibilité démontrant la bioéquivalence des deux spécialités, que la Poliodine Gifrer satisfaisait au critère fixé par les dispositions précitées de l'article R. 5143-9 du code de la santé publique ; que si la société Asta Medica avait en 2000 déposé auprès de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé les résultats d'une étude comparative tendant à démontrer des différences importantes de vitesses d'activité bactéricide entre la Poliodine Gifrer et la Bétadine , les contrôles opérés par les laboratoires de l'agence à la suite de cette intervention et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils n'auraient pas été réalisés en conformité avec les normes en vigueur, ont montré que les différences d'activité entre les deux spécialités n'étaient pas significatives ; qu'ainsi, les moyens tirés de l'illégalité de la décision identifiant la Poliodine Gifrer comme un générique de la Bétadine ne sont pas fondés ;

Considérant, enfin, qu'il résulte des dispositions du 5° de l'article L. 5121-1 et de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique et des textes pris pour leur application que l'inscription d'une spécialité au répertoire des spécialités génériques a pour effet d'autoriser les pharmaciens qui assurent la dispensation des médicaments au public à vendre en priorité les spécialités génériques de ces groupes et emporte donc des conséquences directes sur la distribution de ces médicaments ; qu'aux termes de l'article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle : Sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet : (...)/c) l'offre, la mise dans le commerce (...) du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet ; que si, ces dernières dispositions combinées avec celles du 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique n'interdisent pas, par principe, l'inscription dans un groupe générique d'une spécialité de référence protégée par l'un des titres prévus aux articles L. 611-2 et L. 611-3 du code de la propriété intellectuelle, elles imposent à l'autorité administrative, avant de procéder à l'inscription d'une spécialité générique dans le même groupe que cette spécialité de référence, de s'assurer, au vu des pièces produites par les fabricants intéressés, que les droits attachés au titre de propriété intellectuelle ont été concédés en application de l'article L. 613-8 de ce dernier code ;

Considérant que la société requérante ne conteste pas avoir été informée de l'intention de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé d'identifier la Poliodine Gifrer en tant que générique de la Bétadine ; qu'en réponse, la société Asta Medica s'est bornée à faire valoir devant l'agence que les deux spécialités n'étaient pas bioéquivalentes, sans faire état de ce que, depuis 1996, à la suite d'une modification de son procédé de fabrication, la Bétadine était protégée par un brevet européen, dont elle détenait une licence d'exploitation ; que, eu égard aux conditions indiquées ci-dessus dans lesquelles l'agence prononce l'inscription au répertoire des spécialités génériques, la SOCIETE VIATRIS ne peut utilement se prévaloir, à titre subsidiaire et de façon d'ailleurs purement hypothétique, de ce que l'inscription de la Poliodine Grifrer au répertoire des spécialités génériques, dans le groupe des génériques dont la Bétadine est la spécialité de référence, méconnaîtrait les droits attachés au brevet qui protège cette dernière spécialité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE VIATRIS n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 6 mars 2003 par laquelle le directeur général de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a inscrit la Poliodine Gifrer au répertoire des spécialités génériques comme générique de la Bétadine pas plus que de celle en date du 24 mars 2003 qui, confirmant cette première décision, a corrigé une erreur matérielle qui y figurait ni de la décision par laquelle le directeur général de l'agence a implicitement rejeté le recours gracieux formé contre ces deux décisions ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme soit mis à la charge de l'Etat, doivent être également rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la SOCIETE VIATRIS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE VIATRIS, à l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, à la société Laboratoires Gifrer-Barbezat et au ministre de la santé et de la protection sociale.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 261385
Date de la décision : 28/07/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2004, n° 261385
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mme Catherine de Salins
Rapporteur public ?: M. Devys

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:261385.20040728
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