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10/11/2004 | FRANCE | N°256031

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 10 novembre 2004, 256031


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 avril et 14 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ENTREPRISE PAUL MILET, dont le siège est la Pointe de Blausasc à L'Escarène (06440), représentée par son représentant légal en exercice, M. Paul X, domicilié en cette qualité audit siège ; l'ENTREPRISE PAUL MILET demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa demande tendant 1) à l'annulation du jugement du 19 novembre

1999 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tenda...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 avril et 14 août 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ENTREPRISE PAUL MILET, dont le siège est la Pointe de Blausasc à L'Escarène (06440), représentée par son représentant légal en exercice, M. Paul X, domicilié en cette qualité audit siège ; l'ENTREPRISE PAUL MILET demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 26 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa demande tendant 1) à l'annulation du jugement du 19 novembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 499 199 F au titre des intérêts moratoires sur le solde d'un marché de travaux publics, assortie des intérêts au taux légal 2) à la condamnation de l'Etat à lui payer ladite somme, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mars 1997 et capitalisation des intérêts à compter du 28 mars 2002 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 300 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 94-679 du 8 août 1994 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Boucher, Auditeur,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Denis Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un différend opposant l'ENTREPRISE PAUL MILET à l'Etat (direction départementale de l'équipement des Alpes-Maritimes) à propos du paiement de travaux supplémentaires effectués par cette entreprise dans le cadre du marché de construction d'une route d'accès au radar du Haut-Montet, les parties ont conclu un accord mettant fin au litige ; que, par un arrêt en date du 26 novembre 2002, que conteste l'ENTREPRISE PAUL MILET, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel interjeté par cette entreprise contre le jugement du tribunal administratif de Nice du 19 novembre 1999 rejetant sa demande tendant au paiement des intérêts moratoires sur le solde du marché litigieux ;

Considérant qu'aux termes de l'article 67 de la loi du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier : Dans le cadre des marchés publics, y compris les travaux sur mémoires et achats sur factures, est réputée non écrite toute renonciation au paiement des intérêts moratoires exigibles en raison du défaut, dans les délais prévus, soit du mandatement des sommes dues, soit de l'autorisation d'émettre une lettre de change-relevé, soit du paiement de celle-ci à son échéance. / La présente disposition est applicable à toute clause de renonciation conclue à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi ;

Considérant que la portée de l'accord par lequel l'ENTREPRISE PAUL MILET et l'Etat ont entendu mettre fin au litige les opposant, devait être interprétée à la lumière de ces dispositions que les parties ont normalement entendu respecter et qui interdisent de façon absolue toute renonciation aux intérêts moratoires dus en raison de retards dans le règlement des marchés publics, que cette renonciation intervienne lors de la passation du marché ou postérieurement à celle-ci ; que, dès lors, en estimant que M. Paul X, en indiquant dans une lettre du 22 août 1996 accepter la conciliation pour solde de tout compte et la renonciation à toute réclamation ultérieure relative au marché litigieux, devait être regardé comme ayant entendu renoncer au paiement des intérêts moratoires sur les sommes en cause, la cour administrative d'appel de Marseille a dénaturé la portée de la transaction intervenue entre les parties ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que l'ENTREPRISE PAUL MILET ne saurait être regardée comme ayant entendu, par la transaction citée ci-dessus, renoncer aux intérêts moratoires sur les sommes qui lui ont été versées par l'Etat en application de cette transaction ; que, par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 19 novembre 1999, le tribunal administratif de Nice s'est fondé sur l'intervention de cette transaction pour rejeter comme irrecevable sa demande tendant au paiement des intérêts moratoires ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'annuler le jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'ENTREPRISE PAUL MILET devant le tribunal administratif de Nice ;

Considérant qu'aux termes de l'article 178 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au marché litigieux : I. L'administration contractante est tenue de procéder au mandatement des acomptes et du solde dans un délai qui ne peut dépasser trente-cinq jours (...) / II. Le défaut de mandatement dans le délai prévu au I ci-dessus fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires, à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date du mandatement du principal (...). / Le défaut de mandatement de tout ou partie des intérêts moratoires lors du mandatement du principal entraîne une majoration de 2 p. 100 du montant de ces intérêts par mois de retard (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ENTREPRISE PAUL MILET a droit, en application de ces dispositions, aux intérêts moratoires sur la somme de 774 892,38 F (118 131,58 euros) taxes comprises qui lui était due par l'Etat à raison de travaux supplémentaires effectués dans le cadre du marché de construction d'une route d'accès au radar du Haut-Montet, à compter du 14 mai 1993, date à laquelle il n'est pas contesté que la somme en cause aurait dû être mandatée, jusqu'au 17 janvier 1997 ; qu'en l'absence de tout mandatement des intérêts moratoires lors du paiement du principal, l'ENTREPRISE PAUL MILET a également droit, à compter du 17 janvier 1997, à la majoration de 2 p. 100 du montant de ces intérêts, prévue par les mêmes dispositions ;

Considérant, en revanche, que les majorations de retard auxquelles donnent lieu les intérêts moratoires sont exclusives de tout autre intérêt ; que les sommes dues au titre de ces majorations ne pourraient constituer une créance productive d'intérêts au taux légal, sur le fondement de l'article 1153 du code civil, que dans le cas et à partir du jour où, les intérêts moratoires ayant été payés sans les majorations de retard, celles-ci auraient cessé de courir ; qu'ainsi, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les intérêts moratoires dus par l'Etat à l'ENTREPRISE PAUL MILET aient été payés, les conclusions de cette dernière tendant au paiement des intérêts au taux légal, capitalisés à compter du 28 mars 2002, sur le montant de ces intérêts moratoires ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 300 euros au titre des frais exposés par l'ENTREPRISE PAUL MILET et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 26 novembre 2002 de la cour administrative d'appel de Marseille et le jugement du 19 novembre 1999 du tribunal administratif de Nice sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à l'ENTREPRISE PAUL MILET les intérêts moratoires, calculés conformément aux dispositions alors applicables de l'article 178 du code des marchés publics, sur la somme de 118 131,58 euros (774 892,38 F) pour la période allant du 14 mai 1993 au 17 janvier 1997. Le montant de ces intérêts sera majoré de 2 p. 100 par mois de retard à compter du 17 janvier 1997.

Article 3 : L'Etat versera à l'ENTREPRISE PAUL MILET une somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ENTREPRISE PAUL MILET est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ENTREPRISE PAUL MILET et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 256031
Date de la décision : 10/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2004, n° 256031
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Julien Boucher
Rapporteur public ?: M. Piveteau
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:256031.20041110
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