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19/11/2004 | FRANCE | N°263444

France | France, Conseil d'État, 6eme et 1ere sous-sections reunies, 19 novembre 2004, 263444


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 janvier 2004 et 12 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL CENTRALE DES CARRIERES , dont le siège est Long Pré BP 255 au Lamentin (97285), représentée par son gérant en exercice ; la SARL CENTRALE DES CARRIERES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 4 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement du 18 septembre 2000 du tribunal administratif de Fort de France en tant qu'il a rejeté les conclusio

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 janvier 2004 et 12 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL CENTRALE DES CARRIERES , dont le siège est Long Pré BP 255 au Lamentin (97285), représentée par son gérant en exercice ; la SARL CENTRALE DES CARRIERES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt en date du 4 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement du 18 septembre 2000 du tribunal administratif de Fort de France en tant qu'il a rejeté les conclusions de l'Association de sauvegarde du patrimoine martiniquais dirigées contre l'arrêté du 21 juin 1996 du préfet de la Martinique autorisant la SARL CENTRALE DES CARRIERES à ouvrir et exploiter une carrière à ciel ouvert sur le territoire de la commune de Rivière-Salée et, d'autre part, annulé l'arrêté préfectoral du 21 juin 1996 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

Vu le décret n° 94-486 du 9 juin 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SARL CENTRALE DES CARRIERES,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :

Considérant qu'aux termes du septième alinéa de l'article 16-2 de la loi du 19 juillet 1976, dont les dispositions sont désormais reprises au III de l'article L. 515-2 du code de l'environnement : La commission départementale des carrières examine les demandes d'autorisation d'exploitation de carrières (...) et émet un avis motivé sur celles-ci ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'en application de ces dispositions la commission départementale des carrières de la Martinique a débattu, lors de sa réunion du 19 janvier 1996, de la demande d'autorisation présentée par la SARL CENTRALE DES CARRIERES et que la demande d'autorisation a recueilli cinq votes favorables et cinq votes défavorables ; qu'ainsi, faute de majorité, la commission départementale des carrières n'a pu émettre l'avis prévu par les dispositions législatives précitées ; que dans de telles conditions, l'absence d'avis de la commission et, à plus forte raison, l'absence de motivation de son avis ne sont pas de nature à vicier la procédure suivie ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'une erreur de droit en se fondant, pour annuler l'arrêté du 21 juin 1996 par lequel le préfet de la Martinique a autorisé la SARL CENTRALE DES CARRIERES à exploiter une carrière à ciel ouvert sur le territoire de la commune de Rivière-Salée, sur ce que l'avis rendu par la commission départementale des carrières, n'était pas motivé ; que la SARL CENTRALE DES CARRIERES est fondée à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur l'intervention de l'association France Nature Environnement :

Considérant que l'association France Nature Environnement a intérêt à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Martinique du 21 juin 1996 ; que son intervention est par suite recevable ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Martinique :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, le moyen tiré de ce que la consultation de la commission départementale des carrières aurait été entachée d'irrégularité doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, l'avis informant le public de l'ouverture de l'enquête publique doit être affiché à la mairie ainsi que dans le voisinage de l'installation projetée ; que s'il ne résulte pas de l'instruction que l'avis relatif à l'ouverture de l'enquête publique sur le projet d'exploitation de carrière de la SARL CENTRALE DES CARRIERES ait été affiché dans le voisinage de l'installation projetée, une telle omission n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à avoir empêché les personnes intéressées de prendre connaissance du projet et de formuler des observations, dès lors, d'une part, que le site concerné est très faiblement urbanisé et que, d'autre part, les formalités d'affichage en mairie et de publication dans la presse ont bien été accomplies ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact, dont le contenu doit, selon les termes du 4° de l'article 3 du décret du 21 septembre 1977, être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement , ait comporté des insuffisances de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie ;

Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que l'autorisation accordée méconnaîtrait les orientations de la charte du parc naturel régional de la Martinique n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant, enfin, qu'il ne résulte de l'instruction ni que la carrière que la SARL CENTRALE DES CARRIERES a obtenu l'autorisation d'exploiter présente, pour les intérêts visés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, des dangers ou inconvénients d'une gravité telle qu'ils ne pourraient être prévenus par les prescriptions figurant dans l'arrêté attaqué, ni que le préfet de la Martinique ait entaché celui-ci d'une erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Association de sauvegarde du patrimoine martiniquais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Fort-de-France a, par le jugement attaqué, rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 1996 du préfet de la Martinique ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Association de sauvegarde du patrimoine martiniquais le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL CENTRALE DES CARRIERES et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 4 décembre 2003 est annulé.

Article 2 : L'intervention de l'association France Nature Environnement est admise.

Article 3 : La requête d'appel de l'Association de sauvegarde du patrimoine martiniquais est rejetée.

Article 4 : L'Association de sauvegarde du patrimoine martiniquais versera à la SARL CENTRALE DES CARRIERES une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL CENTRALE DES CARRIERES , à l'Association de sauvegarde du patrimoine martiniquais, à l'association France Nature Environnement et au ministre de l'écologie et du développement durable.


Synthèse
Formation : 6eme et 1ere sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 263444
Date de la décision : 19/11/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

01-03-02-07 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCÉDURE - PROCÉDURE CONSULTATIVE - MODALITÉS DE LA CONSULTATION - COMMISSION DÉPARTEMENTALE DES CARRIÈRES - PARTAGE ÉGAL DES VOIX AYANT EMPÊCHÉ LA COMMISSION DE RENDRE UN AVIS ET, A FORTIORI, UN AVIS MOTIVÉ - CIRCONSTANCE DE NATURE À VICIER LA PROCÉDURE - ABSENCE.

01-03-02-07 Une demande d'autorisation d'exploitation de carrière débattue par une commission départementale des carrières a recueilli autant de votes favorables que défavorables. Dès lors, faute de majorité, la commission départementale des carrières n'a pu émettre l'avis prévu par les dispositions du 7ème alinéa de l'article 16-2 de la loi du 19 juillet 1976 reprises à l'article L. 515-2 du code de l'environnement. Dans de telles conditions, l'absence d'avis de la commission et, à plus forte raison, l'absence de motivation de son avis ne sont pas de nature à vicier la procédure suivie.


Références :



Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2004, n° 263444
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:263444.20041119
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