La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2005 | FRANCE | N°250473

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 05 janvier 2005, 250473


Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 24 août 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 21 août 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Andi Y et fixant l'Albanie comme pays de renvoi ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Andi Y devant ce

tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de...

Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 24 août 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 21 août 2002 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Andi Y et fixant l'Albanie comme pays de renvoi ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Andi Y devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi du 25 juillet 1952 modifiée ;

Vu le décret du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Andi Y, ressortissant albanais, entré irrégulièrement sur le territoire français, le 19 août 2002, s'est embarqué pour l'Ile de Jersey dans le but de se rendre en Angleterre ; qu'après une mesure de refoulement de l'Ile de Jersey, il a été renvoyé à Saint-Malo où il a été interpellé muni de faux papiers d'identité ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet de police peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 31 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : L'admission en France d'un demandeur d'asile ne peut être refusée que si (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente et qu'aux termes du second alinéa de l'article 32 bis de la même ordonnance : L'étranger présent sur le territoire dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° et 4° de l'article 31 bis bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée aux articles 19, 22, 23 ou 26 ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office ;

Considérant que si, peu après son arrestation à Saint-Malo le 20 août 2002, M. Y a fait connaître son intention de demander l'asile en ne faisant d'ailleurs valoir les motifs qu'ultérieurement, il ressort des pièces du dossier, et notamment des déclarations de l'intéressé, que celui-ci revenait sur le territoire français, après y être déjà entré clandestinement à deux reprises depuis son départ d'Albanie le 12 août 2002 sans présenter, à ces occasions, de demande d'admission au statut de réfugié et qu'il tentait, lors de son interpellation, de se rendre en Angleterre ; qu'eu égard à ces circonstances, la demande présentée par l'intéressé le 20 août 2002 a pu, à bon droit, être regardée comme ayant eu pour seul objet de faire échec, dans un but dilatoire, à la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre ; qu'il suit de là que le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE pouvait, légalement, par l'arrêté attaqué en date du 21 août 2002, dont il a décidé le sursis à exécution jusqu'à la décision de refus de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en application des dispositions précitées, décider de la reconduite à la frontière de M. Y ; que le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a retenu une méconnaissance de l'article 12 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée pour annuler l'arrêté du 21 août 2002 ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y devant le tribunal administratif de Rennes ;

Sur l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y :

Considérant, en premier lieu, que le signataire de l'arrêté attaqué, M. Rémy Y, secrétaire général de la préfecture de l'Ille-et-Vilaine a reçu, en vertu de l'arrêté du 15 juillet 2002 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 31 juillet 2002, délégation à fin de signer (...) tous arrêtés (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Ille-et-Vilaine à l'exception des arrêtés de conflits ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que cet arrêté indique que l'intéressé est entré irrégulièrement sur le territoire et n'est pas en possession d'un titre de séjour en cours de validité et qu'aucune atteinte n'est portée aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, cet arrêté, alors même qu'il mentionne à la suite d'une erreur purement matérielle que M. Y serait entré en France le 12 août au lieu du 19 août, est suffisamment motivé au regard des prescriptions de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de l'illégalité de la procédure de placement en garde à vue et, par voie de conséquence, de la décision de maintien en rétention administrative dont M. Y a été l'objet, est, en tout état de cause, inopérant à l'encontre de la décision attaquée ;

Sur la décision distincte fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'en invoquant une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. Y doit être regardé comme présentant également des conclusions tendant à l'annulation de la décision distincte fixant son pays d'origine comme pays à destination duquel il doit être reconduit ; que l'arrêté attaqué qui dispose, dans son article 1er, que M. Y sera reconduit à destination de l'Albanie comporte une telle décision ;

Considérant que si M. Y, ressortissant albanais, a, lors de son interpellation, affirmé, à l'appui de sa demande d'admission au statut de réfugié, qui a, d'ailleurs, été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 août 2002, courir des risques personnels, en cas de retour dans son pays d'origine, du fait de ses liens avec un parti politique démocratique et y avoir subi des menaces et des mauvais traitements, toutefois, il n'a fourni, à l'appui de ses allégations, aucune pièce, ni aucune précision et n'a justifié d'aucune circonstance particulière de nature à faire légalement obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être rejeté ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE est fondé à demander l'annulation du jugement du 24 août 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté en date du 21 août 2002 du PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE ordonnant la reconduite à la frontière de M. Y ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes du 24 août 2002 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Andi Y devant ce tribunal est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE, à M. Andi Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 250473
Date de la décision : 05/01/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jan. 2005, n° 250473
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Tuot
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:250473.20050105
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award