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06/01/2005 | FRANCE | N°276105

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 06 janvier 2005, 276105


Vu la requête, enregistrée le 3 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Pélagie X, actuellement en zone d'attente à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, et tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat prononce le sursis à l'exécution de l'ordonnance en date du 29 décembre 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa requête aux fins de suspension de la décision du 27 décembre 2004 du ministre de l

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Vu la requête, enregistrée le 3 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Pélagie X, actuellement en zone d'attente à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, et tendant à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat prononce le sursis à l'exécution de l'ordonnance en date du 29 décembre 2004 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa requête aux fins de suspension de la décision du 27 décembre 2004 du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ayant rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile ;

elle expose qu'elle a sollicité l'asile dès son arrivée en France le 23 décembre 2004 ; qu'elle serait exposée à des traitements inhumains et dégradants prohibés par l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en République démocratique du Congo ; qu'en effet, elle est la compagne d'un haut dignitaire du régime mêlé à un coup de force qui a échoué en avril 2004 ; qu'elle a été menacée a deux reprises à son domicile en juin et en décembre 2004 par des miliaires en raison des activités de son conjoint ; qu'elle a été aidée par un soldat proche de son mari afin d'éviter d'être emprisonnée ; qu'elle a été blessée par balle au niveau de la cuisse ; qu'elle a été violée lors de la dernière visite des militaires à son domicile ; qu'il y a urgence car elle risque à tout moment d'être renvoyée dans son pays d'origine ;

Vu l'ordonnance du 29 décembre 2004 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Vu, enregistré le 5 janvier 2005 le mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales qui conclut au rejet de la requête par le motif tout d'abord, que l'urgence n'est pas caractérisée ; que le refus d'entrée sur le territoire français et le placement en zone d'attente ne sont pas en eux-mêmes systématiquement créateurs d'une situation d'urgence au regard de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; qu'en se présentant à l'aéroport de Roissy démunie de l'attestation d'accueil nécessaire eu égard au motif du voyage et en ne justifiant pas de moyens d'existence suffisants compte tenu de la durée et de l'objet de son séjour, la requérante s'est elle-même placée dans la situation de refus d'entrée et de placement en zone d'attente ; que l'intéressée ne démontre pas son impossibilité de solliciter un visa préalablement à son entrée sur le territoire français où aucune circonstance ne justifie qu'elle y demeure ; qu'en outre, l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n'est pas constituée ; que la requérante, âgée de 36 ans en 2004 ne justifie ni du patronyme, ni des fonctions occupées par son compagnon haut dignitaire du régime mêlé à un coup d'Etat en avril 2004 ; que la production de la carte de service auprès de la présidence de la République démocratique du Congo de M. Pambu Nzuzi, ne permet pas d'attester que son titulaire serait le compagnon de Mme X ; que le mandat d'amener en date du 16 décembre 2004, également produit, n'est pas invoqué dans la requête en tant que document susceptible d'établir les craintes de l'intéressée en cas de retour dans son pays d'origine ; que les craintes alléguées, en particulier au titre de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne sont pas établies ; qu'elles ne sont ni directes ni personnelles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son préambule et l'article 55 ;

Vu la loi n° 54-290 du 17 mars 1954 autorisant le Président de la République à ratifier la convention de Genève relative au statut des réfugiés, ensemble le décret n° 54-1055 du 14 octobre 1954 portant publication de cette convention ;

Vu la loi n° 70-1076 du 25 novembre 1970 autorisant l'adhésion de la France au protocole relatif au statut des réfugiés signé à New York le 31 janvier 1967 par le Président de l'assemblée générale et par le secrétaire général des Nations Unies, ensemble le décret n° 71-289 du 9 avril 1971 portant publication de ce protocole ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France, modifiée notamment par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003, en particulier ses articles 2, 5 et 35 quater ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, notamment son article 37 ;

Vu l'article 6 de l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 82-442 du 27 mai 1982 pris pour l'application des articles 5, 5-1 et 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, en ce qui concerne l'admission sur le territoire français, modifié en dernier lieu par le décret n° 2004-1237 du 17 novembre 2004, en particulier son article 12 tel qu'il résulte du décret n° 2004-739 du 21 juillet 2004 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-2, L. 523-1, deuxième alinéa et L. 761-1 ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme Pélagie X, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 5 janvier 2005 à 16 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- Maître Roger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme Pélagie LANDU DIAMBU,

- la représentante du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs une atteinte grave et manifestement illégal ; que le respect de ces conditions revêt un caractère cumulatif ;

Considérant qu'il ressort des précisions apportées lors de l'audience publique de référé que la requête de Mme X doit être regardée comme tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ayant rejeté ses conclusions aux fins de suspension de l'exécution de la décision du 27 décembre 2004 par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile, à ce que soit ordonnée la suspension sollicitée et enfin à ce qu'il soit enjoint au ministre de procéder à un réexamen de la demande de l'intéressée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre la requérante au bénéfice de l'aide juridictionnelle au titre de la présente instance ;

Considérant qu'en vertu du premier alinéa du I de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, l'étranger qui arrive en France par la voie aérienne et qui soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile peut être maintenu dans une zone d'attente située dans un aéroport pendant le temps strictement nécessaire, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée ; qu'aux termes de l'article 12 du décret du 27 mai 1982 susvisé : Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, la décision de refus d'entrée en France ne peut être prise que par le ministre de l'intérieur, après consultation de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, ressortissante de la République démocratique du Congo, est arrivée en France par la voie aérienne, en provenance du Gabon, le 23 décembre 2004, sous couvert d'un passeport délivré par le pays dont elle a la nationalité ; que ce passeport était revêtu d'un visa falsifié ; que l'intéressée a sollicité le bénéfice de l'asile politique et a été placée puis maintenue en zone d'attente conformément aux dispositions de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'après audition de la demanderesse par un représentant de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a émis l'avis que la demande lui paraissait manifestement infondée, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés a, par une décision motivée du 27 décembre 2004 refusé à Mme X l'autorisation d'entrer en France au titre de l'asile ; qu'il ne ressort pas de l'ensemble des documents produits et du débat contradictoire dont ils ont fait l'objet lors de l'audience de référé que la décision ministérielle contestée soit entachée d'une illégalité manifeste ; qu'en particulier, il n'est pas établi que la requérante courrait personnellement des risques en cas de retour dans son pays ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision du 27 décembre 2004, prise en application des dispositions de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et de l'article 12 du décret du 27 mai 1982, ne peut être regardée comme ayant porté au droit de Mme X de solliciter le statut de réfugié une atteinte grave et manifestement illégale, justifiant le prononcé de mesures sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que la requérante n'est par suite pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code précité ;

Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, supporte la somme que Maître Roger, demande en appel au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Mme Pélagie X est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Pélagie X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 276105
Date de la décision : 06/01/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jan. 2005, n° 276105
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:276105.20050106
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