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10/01/2005 | FRANCE | N°245781

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 10 janvier 2005, 245781


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 1997 au secrétariat de la commission spéciale de cassation des pensions, présentée par M. Pierre YX, demeurant ... ; M. YX demande à la commission spéciale de cassation des pensions :

1°) d'annuler l'article 2 de la décision en date du 14 janvier 1997 par lequel la commission supérieure des soins gratuits a laissé à sa charge la somme de 3 622,50 F (552,25 euros), correspondant à des actes médicaux dont elle a estimé qu'ils avaient été pratiqués hors du champ d'application de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'inval

idité et des victimes de la guerre ;

2°) statuant au fond après annulat...

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 1997 au secrétariat de la commission spéciale de cassation des pensions, présentée par M. Pierre YX, demeurant ... ; M. YX demande à la commission spéciale de cassation des pensions :

1°) d'annuler l'article 2 de la décision en date du 14 janvier 1997 par lequel la commission supérieure des soins gratuits a laissé à sa charge la somme de 3 622,50 F (552,25 euros), correspondant à des actes médicaux dont elle a estimé qu'ils avaient été pratiqués hors du champ d'application de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

2°) statuant au fond après annulation de la décision attaquée, d'ordonner le remboursement à son profit de ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 1994 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 F (1 219,59 euros) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la commission supérieure des soins gratuits a, d'une part, par l'article 1er de sa décision du 14 janvier 1997, annulé la décision en date du 28 mars 1995 de la commission départementale des Ardennes confirmant la décision en date du 4 février 1994 du directeur inter-départemental des anciens combattants et des victimes de guerre de Lorraine-Champagne-Ardennes refusant la prise en charge à hauteur de 3 622,50 F (552,25 euros) de soins gratuits pratiqués par le docteur Pierre YX ainsi que cette dernière décision et, d'autre part, statuant après évocation sur la prise en charge par l'Etat de ces soins, a, par l'article 2 de sa décision, refusé le mandatement de cette somme ; que le docteur YX se pourvoit en cassation contre l'article 2 de cette décision de la commission supérieure des soins gratuits ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : L'Etat doit gratuitement aux titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au titre du présent code, les prestations médicales (...) nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement les accidents et complications résultant de la blessure ou de la maladie qui ouvre droit à pension ; qu'en vertu de l'article L. 118 du même code, la commission supérieure des soins gratuits statue en appel sur les décisions des commissions contentieuses des soins gratuits concernant les contestations auxquelles donnent lieu ces dispositions ; que, selon les dispositions combinées des articles D. 90 et D. 91 dudit code, ladite commission supérieure comprend, avec voix délibérative, trois représentants du ministre des anciens combattants et victimes de guerre, dont l'un assure la présidence, et un représentant du ministre de l'économie et des finances ; qu'y siègent, en outre, avec voix délibérative, deux représentants du corps médical et deux représentants des pensionnés ; que la commission s'adjoint, avec voix consultative, le chef du service central des soins gratuits ou son représentant, un représentant des pharmaciens, un représentant des médecins stomatologistes, un représentant des infirmiers et un représentant des masseurs-kinésithérapeutes ; que le représentant des pharmaciens a voix délibérative dans les affaires concernant un pharmacien, en remplacement d'un des représentants du corps médical ;

Considérant, d'autre part, qu'en vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger, toute personne appelée à siéger dans une juridiction doit se prononcer en toute indépendance et sans recevoir quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit ; que, dès lors, la présence de fonctionnaires de l'Etat parmi les membres d'une juridiction ayant à connaître de litiges auxquels celui-ci peut être partie ne peut, par elle-même, être de nature à faire naître un doute objectivement justifiée sur l'impartialité de celle-ci ;

Considérant qu'il suit de là que, eu égard à ses attributions et aux conditions de son fonctionnement, la circonstance que la commission supérieure des soins gratuits comprenne quatre représentants de l'Etat, dont trois représentants du ministre des anciens combattants et des victimes de guerre, qui peuvent être des fonctionnaires en activité ou honoraires, n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce que cette juridiction soit regardée comme impartiale ;

Considérant toutefois, qu'il peut être porté atteinte au principe d'impartialité qui s'applique à toute juridiction lorsque, sans que des garanties appropriées assurent son indépendance, les fonctions exercées par un représentant de l'Etat appelé à siéger au sein de la commission supérieure des soins gratuits le font participer à l'activité des services en charge des questions de soins gratuits soumises à la juridiction ; qu'il suit de là que la participation du chef de service central des soins gratuits ou de son représentant, même avec simple voix consultative, aux délibérations de la commission supérieure des soins gratuits est susceptible d'entacher d'irrégularité les décisions de cette dernière ; qu'il ressort des énonciations de la décision attaquée que le chef du bureau des soins médicaux gratuits du ministère des anciens combattants et des victimes de guerre a siégé, lors de la séance litigieuse du 14 janvier 1997 de la commission supérieure des soins gratuits, dont la décision attaquée doit ainsi être regardée comme ayant été rendue en méconnaissance du principe d'impartialité ; que, par suite, M. YX est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'article 2 de cette décision lui refusant la prise en charge de 3 622,50 F (552,25 euros) d'honoraires ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Sur la prise en charge des mémoires présentés par le docteur YX :

Considérant, en premier lieu, que M. YX n'invoque pas utilement les dispositions de l'article D. 60 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre relatives aux modalités d'exécution de certains actes médicaux soumis à entente préalable dès lors que le refus de mandatement proposé par le médecin contrôleur ne porte que sur des visites à domicile, qui ne sont pas soumises à une telle procédure ;

Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte d'aucune disposition que les contrôles auxquels sont soumis les soins dispensés par les médecins au titre de l'article L. 115 du même code doivent suivre une procédure contradictoire ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les contrôles en cause ont été effectués par un praticien, le docteur Ravard, régulièrement nommé médecin-contrôleur par un arrêté en date du 10 juillet 1967 du ministre des anciens combattants et des victimes de guerre et inscrit au conseil départemental de l'ordre des médecins de la Moselle à compter du 16 septembre de la même année ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne peut être soutenu que le refus proposé constituerait une discrimination illégale entre le requérant et le pharmacien qui était tenu de délivrer les médicaments prescrits par le requérant et dont le coût a été pris en charge ;

Considérant, en cinquième lieu, que, si le requérant établit, par les pièces qu'il produit, que ses visites auprès de M. ZY et de M. AY ont été effectuées en tant que médecin traitant ou à la suite d'une demande de ses patients, en revanche, les actes facturés sur le carnet de soins gratuits de Mme BY, dont le requérant n'est pas le médecin traitant, lors de quatre visites effectuées au domicile de celle-ci à Paris, les trois visites effectuées auprès de M. CY sans avoir été justifiées par un appel de ce dernier, la visite à domicile en urgence effectuée sans nécessité auprès de M. Y et, enfin, les soins pratiqués par le requérant, rhumatologue, auprès de M. DY, qui sont sans lien avec le syndrome dépressif pour lequel ce patient est pensionné ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; qu'il y a lieu, par suite, de prendre en charge, en application des dispositions précitées de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, en sus des mémoires présentés par le docteur YX et déjà mandatés, la somme de 221,05 euros (1 450 F) et de refuser la prise en charge de la somme de 331,30 euros (2 172,50 F) correspondant aux actes susmentionnés pratiqués hors du champ d'application de ces dispositions ; que cette première somme sera augmentée des intérêts au taux légal dus à compter du 25 mars 1994 ;

Sur les conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement d'une somme correspondant aux frais engagés par le requérant et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de regarder comme tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions sus-analysées présentées par M. YX ; que, par application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros correspondant aux frais engagés par M. YX et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de la décision de la commission supérieure des soins gratuits du 14 janvier 1997 est annulé.

Article 2 : La direction interdépartementale des anciens combattants de Lorraine-Champagne-Ardennes prendra à sa charge la somme de 221,05 euros (1 450 F) au titre de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 1994.

Article 3 : L'Etat versera à M. YX la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. YX est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre YX et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 245781
Date de la décision : 10/01/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jan. 2005, n° 245781
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: M. Olléon

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:245781.20050110
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