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07/03/2005 | FRANCE | N°257697

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 07 mars 2005, 257697


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 13 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Eric X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 10 avril 2003 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite refusant de le placer en position de retraite avec pension à jouissance différée à compter du 6 juillet 2003, de lui accorder le bénéfice du pécule prévu

l'article 71 de la loi du 13 juillet 1972 et de faire droit à sa demande d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 13 octobre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Eric X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 10 avril 2003 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite refusant de le placer en position de retraite avec pension à jouissance différée à compter du 6 juillet 2003, de lui accorder le bénéfice du pécule prévu à l'article 71 de la loi du 13 juillet 1972 et de faire droit à sa demande de congé de reconversion du 6 janvier 2003 au 5 juillet 2003 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 février 2005, présentée pour M. X ;

Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée notamment par la loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le décret n° 75-1208 du 22 décembre 1975 modifié ;

Vu le décret n° 2001-407 du 7 mai 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Boucher, Auditeur,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par la décision attaquée du 10 avril 2003, prise après avis de la commission des recours des militaires, le ministre de la défense a rejeté la demande de M. X tendant, sur le fondement des articles 69, 71 et 30-2 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, d'une part à faire valoir ses droits à la retraite avec pension à jouissance différée à compter du 6 juillet 2003, d'autre part, au bénéfice d'un pécule et enfin, à l'octroi d'un congé de reconversion du 6 janvier 2003 au 5 juillet 2003 ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense :

Considérant que M. X a obtenu, par un arrêté en date du 7 mai 2003, antérieur à l'introduction de sa requête, son admission à la retraite à compter du 15 juillet 2003 ; qu'ainsi, ses conclusions tendant à l'annulation du rejet de sa demande de mise à la retraite avec pension à jouissance différée à compter du 6 juillet 2003 sont sans objet et, par suite, irrecevables en tant que ce rejet porte sur la période postérieure au 15 juillet 2003 ; qu'elles sont, en revanche, recevables en ce qui concerne la période du 6 au 15 juillet ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Piotre, directeur-adjoint du cabinet civil et militaire du ministre de la défense, signataire, au nom du ministre, de la décision attaquée, bénéficiait à cet effet, par arrêté du 20 juin 2002, d'une délégation régulièrement publiée ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit être écarté ;

Considérant qu'il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que l'avis motivé de la Commission des recours des militaires doive être communiqué à l'auteur du recours préalablement à l'intervention de la décision du ministre de la défense ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise aux termes d'une procédure irrégulière ne saurait être accueilli ;

Sur la légalité de la décision attaquée en tant qu'elle refuse le bénéfice d'une mise à la retraite avec pension à jouissance différée à compter du 6 juillet 2003 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête sur ce point ;

Considérant qu'aux termes de l'article 69 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires : Le militaire de carrière est placé en position de retraite (...) c) dès qu'il a acquis des droits à pension de retraite à jouissance différée, sur demande agréée. Toutefois, dans la limite du contingent annuel fixé par corps dans les conditions prévues par le statut particulier, les demandes sont satisfaites dans l'ordre croissant des âges ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans la limite du contingent annuel fixé pour chaque corps, le ministre est tenu de faire droit aux demandes de mise à la retraite de militaires ayant acquis des droits à pension à jouissance différée, en faisant droit aux demandes dans l'ordre croissant des âges jusqu'à épuisement du contingent annuel, et que c'est seulement au-delà du contingent annuel qu'il lui appartient d'apprécier, en fonction de l'intérêt du service, s'il y a lieu d'agréer les demandes de mise à la retraite ;

Considérant que M. X avait acquis des droits à pension de retraite à jouissance différée ; qu'il n'est pas contesté que sa demande pouvait être satisfaite dans la limite du contingent de mise à la retraite des officiers de l'armée de l'air pour l'année 2003 ; qu'ainsi, en refusant de faire droit à sa demande à compter du 6 juillet 2003, le ministre de la défense a commis une erreur de droit ;

Sur la légalité la décision attaquée en tant qu'elle refuse le bénéfice d'un pécule :

Considérant que l'article 71 de la loi du 13 juillet 1972 dispose que : Les militaires de carrière mis à la retraite avec le bénéfice d'une pension de retraite à jouissance différée et appartenant aux armes et aux corps combattants des armées peuvent, dans la limite d'un contingent annuel fixé par arrêté interministériel, recevoir, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, un pécule déterminé en fonction de la solde perçue en fin de service ; qu'aux termes de l'article 71-1 de la même loi : L'admission à la retraite avec pension à jouissance différée et le bénéfice du pécule sont accordés de plein droit à l'officier de carrière qui a dépassé dans son grade le niveau d'ancienneté fixé par le statut particulier de son corps en application du dernier alinéa de l'article 40 de la présente loi, s'il présente sa demande dans un délai de trois mois à partir de la date à laquelle il a atteint ce niveau ; que le cinquième alinéa de l'article 40 de la même loi dispose que : Les statuts particuliers peuvent subordonner l'accès des officiers à certains grades à la condition que les intéressés n'aient pas dépassé dans le grade inférieur un niveau d'ancienneté déterminé (...) ;

Considérant que, selon l'article 19 du décret du 22 décembre 1975 portant statut particulier des corps des officiers de l'air, des officiers mécaniciens de l'air et des officiers des bases de l'air : Les officiers qui ont été promus au grade de commandant au cours de la même année sont promus lieutenants-colonels : / a) Au choix : / A quatre ans de grade, pour un tiers d'entre eux ; / A cinq ans de grade, pour un second tiers ; / b) A l'ancienneté, à six ans de grade, pour les autres (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dernières dispositions que le statut particulier des officiers de l'air ne subordonne l'accès des commandants au grade de lieutenant-colonel au respect d'aucun délai au-delà duquel les intéressés ne pourraient plus y accéder ; que, dans ces conditions, le bénéfice des dispositions de l'article 71 de la loi du 13 juillet 1972 n'est jamais un droit pour les commandants du corps des officiers de l'air ; qu'ainsi le refus du ministre de la défense d'accorder à M. X le bénéfice des dispositions de l'article 71 de la loi du 13 juillet 1972 n'avait pas à être motivé au titre de l'article premier de la loi du 11 juillet 1979 et n'est pas entaché d'une erreur de droit ;

Sur la légalité la décision attaquée en tant qu'elle refuse le bénéfice d'un congé de reconversion :

Considérant qu'aux termes de l'article 30-2 introduit dans la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires par l'article 5 de la loi du 19 décembre 1996 relative aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées : Le militaire de carrière ou sous contrat, quittant définitivement les armées, peut bénéficier, pendant une durée maximum de douze mois consécutifs, de congés de reconversion lui permettant de suivre les actions de formation adaptées à son projet professionnel (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le congé de reconversion qu'elles instituent ne constitue pas un droit pour le militaire qui en sollicite le bénéfice ; que, pour accorder ou refuser un tel congé, le ministre de la défense, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation, tient compte du projet de reconversion présenté par l'intéressé ainsi que des besoins des armées et de la gestion des effectifs ;

Considérant que le ministre s'est notamment fondé, pour refuser à M. X le congé de reconversion qu'il sollicitait, sur le motif qu'il n'était pas établi que ce congé s'inscrivait dans un projet professionnel nécessitant une formation complémentaire, eu égard à la spécialité détenue par le requérant au sein de l'armée de l'air ; que, ce faisant, il n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; que dès lors qu'il résulte des pièces du dossier que le ministre aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce motif, la circonstance, à la supposer établie, que l'autre motif sur lequel est fondée la décision attaquée serait erroné en droit est sans influence sur la légalité de cette décision ;

Considérant que le moyen tiré, par M. X, de la méconnaissance du principe d'égalité entre agents publics n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, et en tout état de cause, il ne peut qu'être écarté ;

Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander l'annulation de la décision attaquée du ministre de la défense en tant qu'elle a refusé de faire droit à sa demande de mise à la retraite avec pension à jouissance différée pour la période du 6 au 15 juillet 2003 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision du ministre de la défense en date du 10 avril 2003 est annulée en tant qu'elle a refusé à M. X le bénéfice d'une mise à la retraite avec pension à jouissance différée pour la période du 6 au 15 juillet 2003.

Article 2 : L'Etat versera 2 500 euros à M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Eric X et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 257697
Date de la décision : 07/03/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mar. 2005, n° 257697
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Julien Boucher
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:257697.20050307
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