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08/04/2005 | FRANCE | N°253162

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 08 avril 2005, 253162


Vu 1°), sous le n° 253162, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier 2003 et 7 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ISALU, dont le siège est RN 193 à Furiani (20600), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE ISALU demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, en tant qu'il a déclaré la collectivité territoriale de Corse responsable à hauteur de 50 % seulement des conséquences dommageables des inondations qu'elle a subies et limité en conséquence l'indemnité qui lui avait ét

allouée, l'arrêt du 28 août 2002 par lequel la cour administrative d'appel d...

Vu 1°), sous le n° 253162, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier 2003 et 7 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ISALU, dont le siège est RN 193 à Furiani (20600), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE ISALU demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, en tant qu'il a déclaré la collectivité territoriale de Corse responsable à hauteur de 50 % seulement des conséquences dommageables des inondations qu'elle a subies et limité en conséquence l'indemnité qui lui avait été allouée, l'arrêt du 28 août 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, à la demande de la collectivité territoriale de Corse, a annulé le jugement du 24 septembre 1998 du tribunal administratif de Bastia déclarant la collectivité territoriale de Corse entièrement responsable des conséquences dommageables des inondations des locaux de la SARL ISALU survenues les 23 septembre 1993, 1er novembre 1993, 21 juillet 1994, et 5 et 6 novembre 1994, et la condamnant à verser à cette société une indemnité de 1 319 302,60 F en principal, en tant que ledit jugement a omis de statuer sur les conclusions de la collectivité territoriale de Corse tendant à ce que l'Etat soit appelé à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, a déclaré la collectivité territoriale susmentionnée responsable à hauteur de 50 % des conséquences dommageables précitées et a porté l'indemnité réparatrice de ces dommages à la somme de 219 145 euros ;

2°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Corse la somme de 3 588 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2°) sous le n° 253163, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier 2003 et 7 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCI ISOJARDIN, dont le siège est RN 193 Immeuble Isalu à Furiani (20600) ; la SCI ISOJARDIN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler, en tant qu'il a déclaré la collectivité territoriale de Corse responsable à hauteur de 50 % seulement des conséquences dommageables des inondations qu'elle a subies et limité en conséquence l'indemnité qu'il lui avait été allouée, l'arrêt du 28 août 2002, par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, à la demande de la collectivité territoriale de Corse, a annulé le jugement du 24 septembre 1998 du tribunal administratif de Bastia déclarant la collectivité territoriale de Corse entièrement responsable des conséquences dommageables des inondations des locaux de la SCI ISOJARDIN survenues les 23 septembre 1993, 1er novembre 1993, 21 juillet 1994, et 5 et 6 novembre 1994, et la condamnant à verser à cette société une indemnité de 346 856,30 F en principal, en tant que ledit jugement a omis de statuer sur les conclusions de la collectivité territoriale de Corse tendant à ce que l'Etat soit appelé à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, a déclaré la collectivité territoriale susmentionnée responsable à hauteur de 50 % des conséquences dommageables précitées et a porté l'indemnité réparatrice de ces dommages à la somme de 34 367 euros ;

2°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Corse la somme de 3 588 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marisol Touraine, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIETE ISALU et de la SCI ISOJARDIN,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées des SOCIETES ISALU et ISOJARDIN sont relatives aux conséquences dommageables d'un même ouvrage public ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;

Considérant que les sociétés requérantes, propriétaires des locaux situés sur le territoire de la commune de Furiani, en bordure de la route nationale 193, dont la responsabilité a été transférée à la collectivité territoriale de Corse à compter du 1er janvier 1993 ont été victimes d'inondations les 23 septembre et 1er novembre 1993, ainsi que les 21 juillet, 5 et 6 novembre 1994 ; que par deux jugements en date du 24 septembre 1998, le tribunal administratif de Bastia a déclaré la collectivité territoriale de Corse entièrement responsable de ces inondations et l'a condamnée à verser la somme de 1 319 302 F (201 126 euros) à la SOCIETE ISALU et la somme de 346 856 F (52 878 euros) à la SOCIETE ISOJARDIN, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 1997 et capitalisation à la date du 18 juin 1998 ; que, saisie en appel par la collectivité territoriale de Corse, la cour administrative d'appel de Marseille a, par deux arrêts en date du 28 août 2002, rejeté ses conclusions tendant à la mise en cause de la responsabilité de l'Etat, réévalué le préjudice subi par les SOCIETES ISALU et ISOJARDIN à respectivement 438 291 euros et 68 734 euros et limité à 50 % la part des conséquences dommageables des inondations devant être mise à la charge de la collectivité territoriale de Corse ; que les sociétés requérantes demandent la cassation de ces arrêts en tant qu'ils ont atténué la responsabilité de la collectivité territoriale de Corse et limité en conséquence le montant des indemnités qui leur avaient été allouées ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes ;

Considérant qu'en se bornant à affirmer, pour réduire la responsabilité de la collectivité territoriale de Corse à 50 % des conséquences dommageables des inondations subies par les SOCIETES ISALU et ISOJARDIN, que si ces sociétés peuvent se prévaloir du fait que les inondations dont elles ont été victimes ne sont pas sans lien avec l'ouvrage public routier, il s'agit toutefois d'un lien de causalité partagé avec d'autres facteurs, non imputables à la collectivité territoriale de Corse, sans préciser quels étaient, selon elle, ces facteurs et leur lien éventuel avec les inondations en cause, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché ses arrêts d'une insuffisance de motivation ; que les SOCIETES ISALU et ISOJARDIN sont ainsi fondées à demander, pour ce motif, l'annulation des arrêts attaqués, en tant qu'ils ont déclaré la collectivité territoriale de Corse responsable à hauteur de 50 % seulement du préjudice subi par les sociétés du fait des inondations qui les ont affectées et limité en conséquence le montant des indemnités qui leur étaient allouées ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant, d'une part, que la collectivité territoriale de Corse conteste les conclusions du rapport d'expertise demandé par le juge des référés du tribunal administratif de Bastia le 9 mars 1995 et aux termes desquelles le sous-dimensionnement des ouvrages destinés à permettre un écoulement normal des pluies à hauteur de la route nationale 193 et les caractéristiques techniques de celle-ci, qui formerait un barrage à l'écoulement des eaux et jouerait un rôle de déversoir, seraient la cause des inondations répétées qui affectent le terrain où sont établies les SOCIETES ISALU et ISOJARDIN ; qu'elle n'apporte cependant aucun élément susceptible d'infirmer ces conclusions ; que, en particulier, si elle invoque un autre rapport établi à sa demande par un bureau d'études spécialisé dans l'hydraulique fluviale, celui-ci ne permet pas d'établir que d'autres facteurs seraient à l'origine des inondations en cause dans le présent litige ;

Considérant, d'autre part, que la collectivité territoriale de Corse n'établit pas que les sociétés victimes des inondations avaient connaissance, lors de leur installation, du caractère inondable de la zone et ont alors commis une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;

Considérant que, de l'ensemble de ce qui précède, il résulte que la collectivité territoriale de Corse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Bastia l'a déclarée seule responsable des dommages subis par les SOCIETES ISALU et ISOJARDIN ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que la cour administrative d'appel de Marseille a, sans que cela soit contesté, évalué le préjudice global subi par la SOCIETE ISALU à 438 291 euros et celui subi par la SCI ISOJARDIN à 68 734 euros ; qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la collectivité territoriale de Corse à verser à ces sociétés la totalité de ces sommes, assorties des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction des requêtes des SOCIETES ISALU et ISOJARDIN devant le tribunal administratif de Bastia soit le 30 mai 1997 ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par les SOCIETES ISALU et ISOJARDIN le 18 juin 1998 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en appel et devant le Conseil d'Etat :

Considérant qu'il y a lieu, en vertu de ces dispositions, de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Corse le versement de la somme de 2 500 euros à chacune des SOCIETES ISALU et ISOJARDIN au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 2 et 3 et, en ce qui concerne les sociétés, les articles 5 des arrêts de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 28 août 2002 sont annulés.

Article 2 : La condamnation de la collectivité territoriale de Corse en réparation du préjudice subi est portée à 438 291 euros envers la SOCIETE ISALU et à 68 734 euros envers la SOCIETE ISOJARDIN, avec intérêts à compter du 30 mai 1997. Les intérêts échus à la date du 18 juin 1998 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes des intérêts.

Article 3 : Les jugements du tribunal administratif de Bastia en date du 24 septembre 1998 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La collectivité territoriale de Corse versera la somme de 2 500 euros à la SOCIETE ISALU et la somme de 2 500 euros à la SOCIETE ISOJARDIN en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ISALU, à la SOCIETE ISOJARDIN, à la collectivite territoriale de Corse et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 253162
Date de la décision : 08/04/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 avr. 2005, n° 253162
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Marisol Touraine
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:253162.20050408
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