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27/06/2005 | FRANCE | N°224192

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 27 juin 2005, 224192


Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 14 août et 14 décembre 2000 et le 15 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 23 mai 2000 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision de la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Lorraine du 10 décembre 1998 prononçant à son encontre la sanction de l'interdictio

n d'exercer la pharmacie pendant six mois ;

2°) de mettre à la charge d...

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 14 août et 14 décembre 2000 et le 15 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 23 mai 2000 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision de la chambre de discipline du conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Lorraine du 10 décembre 1998 prononçant à son encontre la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pendant six mois ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 F (3 048,98 euros) au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi du 4 août 1995 portant amnistie ;

Vu la loi du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Gounin, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens ;

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par la décision attaquée, la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a rejeté l'appel formé par M. A contre la décision de la chambre de discipline du conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Lorraine qui, saisie de deux plaintes formulées par M. Robert B et par la présidente du conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Lorraine, a prononcé à son encontre la sanction d'interdiction d'exercer la pharmacie pendant une durée de six mois pour défaut d'exercice personnel de la profession de pharmacien et pour divers manquements relevés dans le fonctionnement de l'officine ;

Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens :

Considérant que la procédure disciplinaire diligentée à l'encontre de M. A a été engagée sur le fondement de deux plaintes formées respectivement par le président du conseil régional de l'ordre de pharmaciens de Lorraine et par M. B, pharmacien antérieurement associé à M. A pour l'exploitation d'une officine située rue Gambetta à Nancy ; que ni le président du conseil régional de l'ordre ni M. B n'étant placés sous l'autorité hiérarchique du ministre chargé de la santé, la circonstance qu'ait siégé avec voix consultative au sein de la section disciplinaire du Conseil national un représentant de ce ministre n'a porté atteinte ni au caractère équitable du procès ni aux autres droits garantis à M. A par l'effet des stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 579 du code de la santé publique : Le pharmacien titulaire d'une officine doit exercer personnellement sa profession ; qu'aux termes de l'article R. 5015-13 du même code : L'exercice personnel auquel est tenu le pharmacien consiste pour celui-ci à exécuter lui-même les actes professionnels, ou à en surveiller lui-même l'exécution s'il ne les accomplit pas lui-même ;

Considérant que si M. A a fait valoir devant la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens qu'en vertu d'un arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 27 mai 1999 devenu définitif il a été relaxé de la poursuite pénale engagée à son encontre, l'autorité de chose jugée qui s'attache à cet arrêt ne s'imposait au juge disciplinaire qu'au regard des constatations opérées par le juge pénal quant à la matérialité des faits commis et à leur qualification pénale ; qu'elle ne faisait pas légalement obstacle à ce que le juge disciplinaire, dans le respect des obligations pesant ainsi sur lui, qualifie ces mêmes faits et sanctionne M. A en cas de manquement aux prescriptions régissant l'exercice de la profession de pharmacien ; que la section disciplinaire, en énonçant que l'arrêt précité ne s'imposait pas à elle en tant qu'il avait prononcé la relaxe de M. A du chef de défaut d'exercice personnel, n'a entaché la décision attaquée ni d'insuffisance de motivation ni d'erreur de droit ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si M. A et M. B ont établi en mars 1993 une première version des statuts d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée au sein de laquelle ils entendaient s'associer, prévoyant que M. A aurait la double qualité d'associé et de salarié exerçant quinze heures de présence hebdomadaire, ils ont renoncé à poursuivre l'enregistrement des statuts ainsi conçus ; qu'ils ont en novembre 1993 établi puis transmis aux autorités ordinales une seconde version des statuts de leur société dont il résultait que ces praticiens auraient tous deux la qualité de pharmaciens associés exploitant l'officine, alors même que M. A ne détenait que 10 % du capital social de cette société ; que c'est en cette même qualité que les deux praticiens inscrits au tableau de l'ordre ont souscrit auprès du préfet de Meurthe-et-Moselle la déclaration prévue par l'article L. 574 du code de la santé publique ; que les juges du fond ont toutefois constaté, ainsi que le juge pénal l'avait lui-même constaté, que M. A a en pratique cessé d'exercer personnellement sa profession dans l'officine dont il demeurait co-titulaire, sans solliciter sa radiation du tableau de l'ordre ; qu'à l'occasion d'une inspection effectuée en février 1996, il a été constaté que des spécialités étaient délivrées par des personnes dépourvues de qualité pour exercer une telle fonction, que les entrées et sorties de produits stupéfiants n'étaient pas réglementairement suivies et que certaines substances susceptibles d'être détournées à l'usage de toxicomanes avaient été délivrées dans des conditions irrégulières ;

Considérant qu'en déduisant de ces faits, souverainement constatés et non dénaturés, que M. A avait manqué à son obligation d'exercice personnel résultant des dispositions des articles L. 579 et R. 5015-13 du code de la santé publique et devait en outre répondre disciplinairement des manquements ainsi commis dans l'exploitation de l'officine, sans que ce praticien puisse utilement se prévaloir ni de ce qu'il avait réduit voire cessé son activité et qu'il n'exerçait plus ainsi de contrôle effectif sur la gestion de l'officine ni de ce qu'il n'était pas à jour de ses cotisations dues à l'ordre, la section disciplinaire n'a entaché sa décision ni de contradiction de motifs ni d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique ;

Considérant que si la section disciplinaire a implicitement mais nécessairement jugé que les manquements retenus à l'encontre de M. A échappaient au bénéfice de l'amnistie résultant de la loi du 3 août 1995, il ressort des constatations opérées par les juges du fond que les faits reprochés à ce praticien se sont prolongés jusqu'en 1996 soit au delà de la date à laquelle l'amnistie a produit effet ; qu'en outre ces manquements, étant de nature à mettre gravement en cause la santé des personnes, portaient atteinte à l'honneur professionnel et, à ce titre, étaient exclus de l'amnistie ; que, par suite, c'est sans erreur de qualification juridique que M. A ne s'est pas vu reconnaître le bénéfice de la loi du 3 août 1995 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas une partie perdante dans la présente instance, verse à M. A la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre A, au président du conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Lorraine, au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et au ministre de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 224192
Date de la décision : 27/06/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2005, n° 224192
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Yves Gounin
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:224192.20050627
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