La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/07/2005 | FRANCE | N°271871

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 27 juillet 2005, 271871


Vu la requête introductive et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre 2004 et 17 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Abdelbaki YX, demeurant ... ; M. YX demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 26 août 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2004 par lequel le préfet de l'Isère a décidé sa reconduite à la frontière et la décision d

istincte fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision ...

Vu la requête introductive et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre 2004 et 17 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Abdelbaki YX, demeurant ... ; M. YX demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 26 août 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2004 par lequel le préfet de l'Isère a décidé sa reconduite à la frontière et la décision distincte fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 640 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers ;

Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 relatif à l'asile territorial ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de Mme Anne-Françoise Roul, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le juge de première instance a répondu à l'ensemble des moyens présentés devant lui, et notamment au moyen tiré de que le ministre des affaires étrangères n'aurait pas rendu un avis préalablement à la décision du ministre de l'intérieur refusant à M. YX le bénéfice de l'asile territorial ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de réponse par le juge de première instance à un moyen soulevé devant lui manque en fait ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. YX, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 25 mars 2003, de la décision du préfet de l'Isère du 14 mars 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur la légalité externe :

Considérant que l'arrêté du préfet de l'Isère du 2 août 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. YX comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; que, par suite, M. YX n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée ;

Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Sur l'exception d'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur du 12 novembre 2002 lui refusant l'asile territorial :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 12 novembre 2002 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'asile territorial a été prise sur un avis du ministre des affaires étrangères rendu le 26 septembre 2002 et signé par Mme Hélène Y, chef du bureau de l'asile territorial, qui a reçu régulièrement délégation à cette fin par le décret du 25 avril 2002 publié au Journal officiel le 27 avril 2002 ; que, dès lors, la décision du 12 novembre 2002 n'est pas entachée d'incompétence ;

Considérant que, si M. YX soutient qu'en raison de son activité commerciale, il est menacé en cas de retour en Algérie, il ne ressort pas des pièces du dossier, qui sont insuffisantes pour établir la réalité des risques allégués, que le ministre de l'intérieur, en refusant de lui accorder l'asile territorial, ait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision du préfet de l'Isère du 14 mars 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié par le troisième avenant, entré en vigueur le 1er janvier 2003 : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;

Considérant que, si M. YX, entré en France en septembre 2001, fait valoir qu'il est très bien intégré sur le territoire français, que son épouse reçoit des soins appropriés à son état de santé, et que ses deux enfants, dont l'un est né en France, y sont scolarisés, il ressort toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de ce que M. YX ne fait état d'aucun élément faisant obstacle à ce qu'il retourne dans son pays d'origine avec son épouse, d'ailleurs elle-même sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière, et leurs enfants, le préfet de l'Isère, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure a été prise ; qu'ainsi, le préfet de l'Isère n'a méconnu ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant que l'article 12 quater de l'ordonnance précitée du 2 novembre 1945 prévoit que : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour. La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ; que selon l'article 12 bis de la même ordonnance : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 de l'ordonnance, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, la décision du préfet de l'Isère du 14 mars 2003 refusant à M. YX la délivrance d'un titre de séjour n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, dès lors, contrairement à ce qu'il soutient, M. YX n'était pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour ou un certificat de résidence en application du 7° de l'article 12 bis ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Sur les autres moyens dirigés contre l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, pour les motifs ci-dessus énoncés, que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. YX serait entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation individuelle du requérant ni qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entaché d'une erreur de droit ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que s'il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. YX porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère en prenant l'arrêté attaqué, aurait méconnu les stipulations précitées, doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi :

Considérant que, si M. YX soutient qu'il a fait l'objet de plusieurs menaces en Algérie liées à son activité commerciale, il ne ressort pas des pièces du dossier, qui sont insuffisantes pour établir la réalité des risques allégués en cas de retour dans son pays d'origine, que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. YX n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. YX une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de M. YX, n'implique ni que lui soit délivré un titre de séjour ni que le préfet doive réexaminer sa situation ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. YX demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. YX est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Abdelbaki YX, au préfet de l'Isère et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 271871
Date de la décision : 27/07/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jui. 2005, n° 271871
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Leroy
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:271871.20050727
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award