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10/08/2005 | FRANCE | N°229617

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 10 août 2005, 229617


Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 septembre 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Malika Y..., épouse ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l

a convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;...

Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2000 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 septembre 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Malika Y..., épouse ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Boucher, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction alors en vigueur : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Malika Y..., épouse Y, de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du 26 juin 1998 par laquelle le PREFET DE POLICE a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que, si Mme Y..., épouse Y, née le 13 octobre 1969, fait valoir qu'elle est entrée en France en 1991, à la suite du décès de son grand-père, pour y rejoindre ses parents ainsi que quatre de ses frères et soeurs, il ressort des pièces du dossier qu'elle était, à la date de l'arrêté litigieux, célibataire et sans enfant et ne justifiait pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, si elle fait également valoir qu'elle a épousé, le 30 juin 2003, un ressortissant marocain avec lequel elle a eu un enfant né le 20 janvier 2002, ces circonstances, postérieures à l'intervention l'arrêté litigieux, sont sans influence sur la légalité de ce dernier ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il suit de là que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 septembre 1999 au motif qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y..., épouse Y, devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 12 juillet 1999, publié au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 23 juillet 1999, le PREFET DE POLICE a donné délégation à M. Jean-Pierre X..., sous-directeur de l'administration des étrangers à la direction de la police générale, signataire de l'arrêté litigieux, aux fins notamment de signer les arrêtés de reconduite à la frontière pris sur le fondement de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si Mme Y..., épouse Y, fait valoir que l'asthme dont elle souffre nécessite un suivi médical, il ne ressort des pièces du dossier ni qu'elle ne serait pas en état de supporter un voyage à destination de son pays d'origine, ni qu'elle ne pourrait recevoir dans ce pays les soins appropriés à son état de santé ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que le PREFET DE POLICE aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté litigieux sur sa situation personnelle ;

Considérant, enfin, que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France ; qu'il suit de là que les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui sont relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, lesquels relèvent à cet égard des règles fixées par l'accord précité ; qu'ainsi, Mme Y..., épouse Y, ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en vertu desquelles, dans leur rédaction alors en vigueur sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 septembre 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y..., épouse Y ; qu'il appartient seulement à cette dernière, dans le cas où le titre de séjour qui lui a été délivré en exécution de ce jugement lui serait retiré, de saisir le préfet territorialement compétent, si elle s'y croit fondée, d'une nouvelle demande de régularisation de sa situation en faisant valoir tant la durée de sa résidence en France que les liens personnels et familiaux qu'elle y a noués depuis l'intervention de l'arrêté litigieux, au regard notamment des stipulations des paragraphes 1 et 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction issue du troisième avenant en date du 11 juillet 2001, publié au Journal officiel de la République française le 26 décembre 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme Y..., épouse Y, demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 29 novembre 2000 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme Y..., épouse Y, devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Malika Y..., épouse Y, et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 229617
Date de la décision : 10/08/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 aoû. 2005, n° 229617
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Julien Boucher
Rapporteur public ?: M. Boulouis

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:229617.20050810
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