Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 février et 5 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés par M. Sahbi A, demeurant chez ... et Mme Elisabeth B épouse A, demeurant 21 bis, Grande Rue, à Gray (70100) ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 décembre 2003, par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté son recours contre la décision du 26 mai 2003 du consul général de France à Tunis lui refusant un visa d'entrée en France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 décembre 2003, par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté leur recours dirigé contre la décision du 18 septembre 2003 du consul général de France à Tunis refusant à M. A, ressortissant tunisien, un visa d'entrée en France ;
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de la violation des stipulations combinées des articles 12 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont il résulte que l'homme et la femme d'âge nubile ont le droit, sans avoir à subir de discrimination de quelque nature que ce soit, de se marier et de fonder une famille, ne peut être utilement invoqué à l'encontre du refus de visa attaqué qui n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire aux requérants, qui sont déjà mariés, de fonder une famille et ne crée à leur détriment aucune discrimination ;
Considérant, en deuxième lieu, que si l'article 10 de l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail stipule qu' Un titre de séjour d'une durée de dix ans est délivré de plein droit :/ a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français (...) , ces stipulations ne privent pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale en vigueur relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le refus de visa opposé à M. A violerait l'article 10 de l'accord franco-tunisien précité doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'il est constant que M. A a été condamné le 2 mars 2001 par le tribunal de Gomabalia (Tunisie) à deux ans de prison avec sursis et 500 dinars d'amende pour avoir, le 12 avril 2000, volé une voiture sous la menace d'une arme blanche puis conduit le véhicule sans permis et en état d'ivresse avant de l'abandonner accidenté ; que, d'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que M. A a épousé le 13 octobre 2001 une ressortissante française, Mme B, il n'a jamais résidé en France, où il ne soutient pas avoir d'autre famille ; que, selon les requérants, Mme A s'est plusieurs fois rendue en Tunisie auprès de son époux, qui y est salarié en qualité de pêcheur et subvient aux besoins du couple ; que si Mme A déclare vouloir reprendre en France son métier d'éducatrice , il est constant qu'elle n'y occupe depuis une durée indéterminée aucune activité professionnelle de nature à faire obstacle à ce qu'elle rende visite à son conjoint dans son pays ; que si Mme A soutient que sa situation financière ne lui permettrait pas de telles visites, cette allégation n'est pas corroborée par les pièces du dossier, qui se limitent sur ce point à la production d'un relevé de compte postal ; qu'il suit de là qu'eu égard à la menace que la présence en France de M. A aurait fait peser sur l'ordre public, le ministre des affaires étrangères n'a pas porté au droit de l'intéressé de mener une vie privée et familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ce refus lui a été opposé ; que si Mme A soutient enfin que l'état de santé de son époux nécessiterait sa présence constante auprès de lui elle n'apporte, en tout état de cause, aucune preuve suffisante a l'appui de ses allégations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 24 décembre 2003 du ministre des affaires étrangères ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Sahbi A, à Mme Elisabeth B épouse A et au ministre des affaires étrangères.