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06/03/2006 | FRANCE | N°256696

France | France, Conseil d'État, 10ème ssjs, 06 mars 2006, 256696


Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ISERE ; le PREFET DE L'ISERE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 9 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 11 février 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. C...B...et son arrêté du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble ;<

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Vu les autres pièces du dossier ;

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Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ISERE ; le PREFET DE L'ISERE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 9 avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 11 février 2003 décidant la reconduite à la frontière de M. C...B...et son arrêté du même jour fixant l'Algérie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M.B..., de nationalité algérienne, a demandé, le 17 août 2000, le bénéfice de l'asile territorial auprès de la préfecture de l'Isère ; que cette demande a été rejetée par une décision du ministre de l'intérieur en date du 14 août 2002 ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° si l'étranger, auquel la délivrance a le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est maintenu sur le territoire plus d'un mois après la décision rejetant sa demande de titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision de refus d'asile territorial litigieuse : "Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;

Considérant que si M. B...soutient qu'il courrait des risques graves en cas de retour en Algérie, son demi-frère, avocat, ancien procureur de la République qui avait en charge des affaires de terrorisme ayant été assassiné en Algérie en 1994, il ne produit toutefois à l'appui de ses allégations que des témoignages qui ne sont pas, à eux seuls, de nature à établir la réalité des risques personnels encourus par l'intéressé dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le ministre de l'intérieur aurait, en rejetant sa demande d'asile territorial, commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile doit être écarté ;

Considérant que c'est dès lors à tort que, pour annuler les décisions du PREFET DE L'ISERE décidant sa reconduite à la frontière et fixant l'Algérie comme pays de destination, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur l'illégalité de la décision du 14 août 2002 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui accorder le droit d'asile résultant, selon lui, de l'appréciation manifestement erronée portée sur la situation personnelle de M.B... au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.B... devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur les autres moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant le bénéfice de l'asile territorial :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...B...a bénéficié d'un délai suffisant pour préparer son audition à la préfecture de l'Isère ; que son dossier de demande d'asile territorial a été transmis par le PREFET DE L'ISERE au ministre de l'intérieur et que celui-ci a reçu l'avis du ministre des affaires étrangères ; que MmeA..., signataire de la décision de rejet de la demande d'asile territorial, bénéficiait d'une délégation de signature du ministre de l'intérieur, publiée au Journal officiel du 9 novembre 2001 ; que cette décision n'avait pas à être motivée ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur les risques encourus par l'intéressé en cas de retour en Algérie ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la décision du ministre de l'intérieur lui refusant le bénéfice de l'asile territorial serait entachée d'illégalité doivent être écartés ;

Sur les moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant le titre de séjour :

Considérant que, par un arrêté du 1er octobre 2002, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le PREFET DE L'ISERE a donné à M. Dominique Blais, secrétaire général, délégation pour signer notamment les actes relatifs au séjour des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE L'ISERE, en prenant la décision refusant un titre de séjour à M. B..., n'ait pas procédé à un examen de sa situation personnelle et se soit cru lié par la décision du ministre de lui refuser le bénéfice de l'asile territorial ; que le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de prendre sa décision, qui est suffisamment motivée ; que cette décision de refus de séjour n'était entachée d'aucune erreur manifeste de l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M.B... au regard des risques encourus en Algérie, dès lors que celui-ci n'établissait pas, ainsi qu'il a été dit, qu'il encourrait des risques personnels et actuels en cas de retour dans son pays d'origine ; que cette décision, compte tenu de la brièveté du séjour de M. B...en France, du fait qu'il est célibataire et que sa famille réside en Algérie, ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi l'exception d'illégalité de la décision refusant le titre de séjour doit être écartée ;

Sur les moyens tirés de l'illégalité des décisions ordonnant la reconduite à la frontière et fixant le pays de destination :

Considérant que les décisions par lesquelles le PREFET DE L'ISERE a ordonné la reconduite à la frontière de M. B...et fixé l'Algérie comme pays de destination énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent ; qu'elles sont, par suite, suffisamment motivées ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE L'ISERE a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M.B... avant d'ordonner sa reconduite à la frontière et de fixer le pays de renvoi ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'estimant lié par la décision du ministre de l'intérieur de rejeter la demande d'asile territorial de M. B...doit être écarté ;

Considérant que, pour les raisons indiquées ci-dessus, il ne ressort des pièces du dossier ni que la décision de reconduite à la frontière prise à l'encontre de M. B...méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni que la décision fixant l'Algérie comme pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de cette convention ou les dispositions de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 précitée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à demander l'annulation du jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble du 5 décembre 2003 annulant ses décisions du 28 juillet 2003 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que la présente décision qui rejette la requête de M. B...n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions présentées tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ne sont, dés lors, pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble du 9 avril 2003 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ISERE, à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 10ème ssjs
Numéro d'arrêt : 256696
Date de la décision : 06/03/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mar. 2006, n° 256696
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:256696.20060306
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