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26/04/2006 | FRANCE | N°248341

France | France, Conseil d'État, 2eme et 7eme sous-sections reunies, 26 avril 2006, 248341


Vu l'ordonnance en date du 27 juin 2002, enregistrée le 3 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351 ;2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par Mme Viviane A, demeurant ... ;

Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 24 mai 2002, présentée par Mme Viviane A et tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 183 000 euros à titre de dommages-in

térêts en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite de son...

Vu l'ordonnance en date du 27 juin 2002, enregistrée le 3 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351 ;2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par Mme Viviane A, demeurant ... ;

Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 24 mai 2002, présentée par Mme Viviane A et tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 183 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite de son licenciement de son poste de secrétaire à l'ambassade de France à Dakar et que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83 ;634 du 13 juillet 1983, ensemble la loi n° 84 ;16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 69-697 du 18 juin 1969, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne-Marie Artaud-Macari, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Boutet, avocat de Mme A,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A a été engagée par l'ambassadeur de France à Dakar (Sénégal), le 1er janvier 1995, pour exercer les fonctions de secrétaire à la chancellerie diplomatique ; que son contrat de travail, conclu pour une durée d'un an, a été renouvelé à trois reprises, les 1er janvier 1996, 1997 et 1998 ; que l'ambassadeur de France à Dakar à mis fin à ce contrat à compter du 14 août 1998 au motif que l'intéressée aurait à cette date atteint l'âge de 55 ans, correspondant à l'âge de départ à la retraite prévu par la législation sénégalaise ;

Considérant que Mme A, de nationalité française, se trouvait, en raison de la nature des fonctions qu'elle exerçait, soumise aux dispositions du décret du 18 juin 1969 portant fixation du statut des agents contractuels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à caractère administratif de nationalité française en service à l'étranger et de l'arrêté interministériel du même jour portant application de ce décret aux agents contractuels du ministère des affaires étrangères en service dans les missions diplomatiques et les postes consulaires ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre des affaires étrangères, la juridiction administrative est compétente pour connaître des litiges relatifs à un tel contrat ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l'exception de ceux réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut. » et qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat alors en vigueur : « Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : (…) 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l'Etat à l'étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse (…) » ;

Considérant qu'il résulte des dispositions législatives précitées que les contrats passés par l'Etat en vue de recruter des agents non-titulaires doivent, sauf disposition législative spéciale contraire, être conclus pour une durée déterminée et ne peuvent être renouvelés que par reconduction expresse ; que, par suite, dans le cas où, contrairement à ces prescriptions, le contrat de recrutement d'un agent non-titulaire comporte une clause de tacite reconduction, cette stipulation ne peut légalement avoir pour effet de conférer au contrat dès son origine une durée indéterminée ; que le maintien en fonction à l'issue du contrat initial a seulement pour effet de donner naissance à un nouveau contrat, conclu lui aussi pour une période déterminée et dont la durée est soit celle prévue par les parties, soit, à défaut, celle qui était assignée au contrat initial ; que, par suite, le contrat de Mme A signé le 1er janvier 1995 doit être réputé avoir été conclu pour une durée de trois ans, nonobstant le fait que son article 2 indiquait une durée inférieure ; que, faute d'avoir été dénoncé avant sa date légale d'expiration, soit le 31 décembre 1997, ledit contrat doit être réputé avoir été renouvelé pour une durée qui, quels qu'aient été les termes de l'avenant du 1er janvier 1998, ne pouvait être inférieure à trois ans ;

Considérant que la décision par laquelle il a été mis fin au contrat de Mme A à compter du 14 août 1998, est fondée sur la circonstance que l'intéressée avait atteint l'âge de la retraite prévue par le droit sénégalais, soit 55 ans, alors que l'article 10 du décret du 18 juin 1969 précité prévoit pour les agents contractuels qu'il régit, une limite d'âge fixée à 65 ans ; que, par suite, le motif invoqué par l'ambassadeur de France à Dakar pour résilier le contrat de Mme A ne pouvait fonder légalement sa décision qui est ainsi entachée d'illégalité ; qu'il suit de là qu'en résiliant le contrat de Mme A avant sa date d'expiration, l'ambassadeur de France à Dakar a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice financier subi par Mme A en en fixant le montant à 25 000 euros ; que, si Mme A présente également une demande d'indemnisation au titre des revenus qui lui seront versés à l'occasion de la liquidation de sa pension de retraite, il résulte de l'instruction que l'intéressée n'avait pas encore atteint l'âge requis pour être admise à faire valoir ses droits à la retraite ; que, par suite, le préjudice allégué présente un caractère seulement éventuel et ne saurait donc donner lieu à réparation ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans la présente instance ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Boutet, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de celui-ci la somme de 1 000 euros ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme A une indemnité égale à 25 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du contrat de cette dernière à compter du 14 août 1998.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Boutet la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que la SCP Boutet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Viviane A et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 2eme et 7eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 248341
Date de la décision : 26/04/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 avr. 2006, n° 248341
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mme Anne-Marie Artaud-Macari
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : SCP BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:248341.20060426
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