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05/05/2006 | FRANCE | N°271808

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 05 mai 2006, 271808


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAR ; le PREFET DU VAR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 18 mai 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X... A et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Nice ;

Vu le

s autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de ...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAR ; le PREFET DU VAR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a annulé son arrêté du 18 mai 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. X... A et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Nice ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Touvet, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête du PREFET DU VAR :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au PREFET DU VAR le 13 août 2004 ; que, dès lors, la requête d'appel, enregistrée le 3 septembre 2004 est recevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, pour accueillir la demande d'annulation de M. A dirigée contre l'arrêté du 18 mai 2004 par lequel le PREFET DU VAR a ordonné sa reconduite à la frontière, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice s'est notamment fondé sur l'avis médical circonstancié du docteur B du 16 juin 2004 et a relevé que l'administration n'avait pas répliqué à la transmission de cette pièce nouvelle ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, par une télécopie envoyée le 21 juin 2004 au tribunal, avant l'audience fixée à cette même date, qui n'est pas visée ni mentionnée par le jugement attaqué, le préfet a transmis au tribunal les observations du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales relatives à ce certificat médical ; que, dès lors, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A devant le tribunal administratif de Nice ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée en vigueur à la date de l'arrêté contesté : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité croate, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 2 octobre 2003, de la décision du PREFET DU VAR du 30 septembre 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de la même ordonnance : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (…) 11° A l'étranger, résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (…) ; qu'aux termes de son article 26 : I - Sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes, ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion, y compris dans les hypothèses mentionnées au dernier alinéa de l'article 25 : (…) 5° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (…). Ces mêmes étrangers ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 ;

Considérant qu'il ressort d'un certificat médical du docteur B, neurochirurgien, expert auprès des tribunaux, en date du 16 juin 2004, que M. A a subi deux interventions neurochirurgicales rachidiennes en 1996 et 1997 ; que, selon ce certificat médical, l'état de santé de M. A nécessite des soins et des traitements spécifiques et un suivi médical régulier dont la poursuite est impossible dans son pays d'origine, et dont l'interruption pourrait entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que ces indications ne sont pas suffisamment contredites par les observations ambiguës du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales selon lesquelles, au vu des précisions apportées par ce dernier certificat médical, il ne semble pas que l'état de santé de M. A nécessite un suivi hospitalier spécialisé au long cours ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir qu'au regard des dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945, son état de santé faisait obstacle à la mesure litigieuse et à demander l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2004 du PREFET DU VAR ordonnant sa reconduite à la frontière ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 21 juin 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 18 mai 2004 du PREFET DU VAR ordonnant la reconduite à la frontière de M. A est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAR, à M. X... A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 271808
Date de la décision : 05/05/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mai. 2006, n° 271808
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur public ?: M. Séners

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:271808.20060505
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