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12/05/2006 | FRANCE | N°274321

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 12 mai 2006, 274321


Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alassane A, demeurant chez ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la région Centre, préfet du Loiret, du 14 octobre 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant la Mauritanie comme pays de destination de celle ;ci ;

2°) d'annuler pour ex

cès de pouvoir cet arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance ...

Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alassane A, demeurant chez ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la région Centre, préfet du Loiret, du 14 octobre 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant la Mauritanie comme pays de destination de celle ;ci ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée notamment par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, modifiée notamment par la loi n° 2003 ;1176 du 10 décembre 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Boucher, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 10 décembre 2003, alors en vigueur : L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit à s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la commission des recours. Il dispose d'un délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour pour quitter volontairement le territoire français. / L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article 8 bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée aux articles 19, 22, 23 ou 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire, le préfet abroge l'arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. Il délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 10° de l'article 15 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée et au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour temporaire prévue à l'article 12 ter de cette ordonnance ; qu'aux termes de l'article 8 de la même loi : (…) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève (…) ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. (…) / 3° La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ; / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (…) ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en principe, lorsqu'une demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, un arrêté de reconduite à la frontière ne peut être pris à l'encontre de l'intéressé que si, cette décision étant devenue définitive faute pour lui d'avoir formé un recours contre celle-ci devant la commission de recours des réfugiés, il s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus de renouvellement ou du retrait de l'autorisation de séjour qui lui avait été délivrée ; que, toutefois, lorsque l'admission au séjour de l'intéressé a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952, dont la teneur est aujourd'hui reprise à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un arrêté de reconduite à la frontière peut être pris à son encontre à tout moment au cours de l'instruction de sa demande, sous la seule réserve que cet arrêté ne soit pas mis à exécution avant la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité mauritanienne, entré en France, selon ses dires, le 21 juin 1998, a présenté une première demande de reconnaissance du statut de réfugié, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 août 2000, confirmée par une décision de la Commission de recours des réfugiés du 6 avril 2001 ; que, par une décision du 29 mai 2001, notifiée le 31, le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire national dans le délai d'un mois ; que, M. A n'ayant pas déféré à cette invitation, le préfet de l'Eure a pris à son encontre, le 20 février 2002, un arrêté de reconduite à la frontière ; que, par une décision du 20 août 2003, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande de réexamen présentée par M. A, qui a saisi de ce rejet la Commission de recours des réfugiés ; que, par l'arrêté litigieux du 14 octobre 2004, le préfet de la région Centre, préfet du Loiret, département où l'intéressé avait été interpellé par les forces de gendarmerie, a décidé sa reconduite à la frontière et fixé la Mauritanie comme pays de destination de celle-ci ;

Considérant qu'en relevant, dans les motifs de son arrêté, que M. A avait été débouté de sa demande de réexamen au bénéfice de l'asile par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 20 août 2003, notifiée sous pli recommandé avec demande d'avis de réception et en décidant sa reconduite à la frontière, sans avoir préalablement constaté, soit que l'intéressé n'avait pas formé de recours contre cette décision devant la Commission de recours des réfugiés et s'était maintenu sur le territoire national au-delà du délai d'un mois à compter du refus de renouvellement ou du retrait de son autorisation de séjour, soit que son admission au séjour avait été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952, le préfet de la région Centre, préfet du Loiret, a commis une erreur de droit ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, et alors même qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 31 juillet 2003, le préfet de l'Eure avait refusé l'admission au séjour de l'intéressé sur le fondement du 4° de l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté son recours contre l'arrêté du 14 octobre 2004 du préfet de la région Centre, préfet du Loiret, ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant la Mauritanie comme pays de destination de celle-ci ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans en date du 20 octobre 2004 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 octobre 2004 du préfet de la région Centre, préfet du Loiret, ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant la Mauritanie comme pays de destination de celle-ci.

Article 2 : L'arrêté du 14 octobre 2004 du préfet de la région Centre, préfet du Loiret, ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et fixant la Mauritanie comme pays de destination de celle-ci est annulé.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Alassane A, au préfet de la région Centre, préfet du Loiret, et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 274321
Date de la décision : 12/05/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mai. 2006, n° 274321
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Julien Boucher
Rapporteur public ?: M. Casas

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:274321.20060512
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