La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2006 | FRANCE | N°282470

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 19 mai 2006, 282470


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le SYNDICAT « LES ENTREPRISES DU MEDICAMENT » (LEEM), dont le siège est ... (75782) ; le SYNDICAT « LES ENTREPRISES DU MEDICAMENT » demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2005 ;486 du 17 mai 2005 pris pour l'application de l'article L. 162 ;17 ;7 du code de la sécurité sociale et modifiant le code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'arti

cle L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dos...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le SYNDICAT « LES ENTREPRISES DU MEDICAMENT » (LEEM), dont le siège est ... (75782) ; le SYNDICAT « LES ENTREPRISES DU MEDICAMENT » demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2005 ;486 du 17 mai 2005 pris pour l'application de l'article L. 162 ;17 ;7 du code de la sécurité sociale et modifiant le code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 avril 2006, présentée pour le SYNDICAT « LES ENTREPRISES DU MEDICAMENT » ;

Vu la Constitution, notamment son préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2000 ;321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Veil, Auditeur,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat du SYNDICAT « LES ENTREPRISES DU MEDICAMENT » (LEEM),

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 162 ;17 ;7 du code de la sécurité sociale : « S'il s'avère, postérieurement à l'inscription d'un médicament sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 162 ;17, que l'entreprise qui exploite le médicament n'a pas fourni, en en signalant la portée, des informations connues d'elle avant ou après l'inscription et que ces informations conduisent à modifier les appréciations portées par la commission mentionnée à l'article L. 5123 ;3 du code de la santé publique notamment pour ce qui concerne le service médical rendu ou l'amélioration du service médical rendu par ce médicament, le comité économique des produits de santé peut prononcer, après que l'entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations, une pénalité financière à l'encontre de ladite entreprise. / Le montant de la pénalité ne peut être supérieur à 5 % du chiffre d'affaires total hors taxes réalisé en France par l'entreprise au cours du dernier exercice clos. / Les modalités d'application du présent article, notamment la nature des informations concernées, les règles et délais de procédure, les modes de calcul de la pénalité financière et la répartition de son produit entre les organismes de sécurité sociale, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat (…) » ;

Considérant que le décret du 17 mai 2005 dont le SYNDICAT « LES ENTREPRISES DU MEDICAMENT » demande l'annulation a été pris pour l'application de ces dispositions ;

Sur l'article R. 163 ;22 :

Considérant qu'en précisant que les informations mentionnées à l'article L. 162 ;17 ;7 du code de la sécurité sociale sont les informations de caractère scientifique de nature à modifier l'appréciation portée par la commission mentionnée à l'article R. 163 ;15 du même code, l'article R. 163 ;22 introduit dans ce code par le décret attaqué n'a pas imposé aux entreprises concernées des obligations qui, par leur imprécision ou leur caractère vague, ne pourraient pas être respectées ; qu'il ressort des pièces du dossier que les informations en cause font de manière usuelle l'objet d'un suivi régulier par les sociétés du secteur pharmaceutique ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'en mettant à la charge des entreprises une obligation qu'elles ne sont pas en mesure d'assumer, le décret attaqué méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines doit être écarté ;

Sur l'article R. 163 ;24 :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 163 ;24, inséré dans le code de la sécurité sociale par le même décret : « Dans un délai d'un mois après la saisine mentionnée à l'article R. 163 ;23, la commission mentionnée à l'article R. 163 ;15, au vu le cas échéant des observations transmises par l'entreprise exploitant le médicament, transmet sa position au comité économique des produits de santé et à l'entreprise exploitant le médicament. / Si le comité économique des produits de santé envisage de prononcer une pénalité, il informe dans un délai d'un mois suivant la réception de la position de la commission, par lettre recommandée avec avis de réception, l'entreprise exploitant le médicament de son intention de lui infliger une pénalité financière. Dans le délai de quinze jours suivant la réception de cette information, l'entreprise peut présenter des observations écrites au comité économique des produits de santé ou demander, dans le même délai, à être entendue par le comité. / Le montant de la pénalité financière est calculé, sur la base du chiffre d'affaires hors taxes total réalisé par l'entreprise au cours du dernier exercice clos et dans la limite de 5 % de ce chiffre d'affaires, en fonction de la gravité des conséquences sur la santé publique et des conséquences économiques pour l'assurance maladie qu'a entraîné ou pourrait entraîner, compte tenu de leur importance quantitative et qualitative, l'absence de fourniture des données ou leur fourniture tardive (…) » ;

En ce qui concerne la procédure préalable au prononcé de la sanction :

Considérant qu'en énonçant que l'entreprise peut présenter des observations écrites au comité économique des produits de santé ou demander, dans le même délai, à être entendue par lui, le décret attaqué n'a eu ni pour objet ni pour effet d'exclure la possibilité de présenter, le cas échéant, des observations écrites et orales ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, qui pose le principe d'une procédure contradictoire comportant ces deux types d'observations, doit être écarté ; que doit pareillement être écarté le moyen tiré de ce que le décret litigieux serait illégal pour n'avoir pas rappelé la possibilité pour l'entreprise en cause de se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix ;

En ce qui concerne le montant de la sanction :

Considérant que le retard dans la fourniture des informations requises par l'article L. 162 ;17 ;7 du code de la sécurité sociale a des effets identiques, du point de vue de la santé publique, à l'absence de transmission de ces informations ; que l'auteur du décret attaqué n'a donc pas étendu les éléments constitutifs de l'infraction définis par le législateur en prévoyant que les conséquences de l'absence de fourniture des données ou leur fourniture tardive devaient être prises en compte pour la fixation du montant de la pénalité ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 162 ;17 ;7 du code de la sécurité sociale ne peut qu'être écarté ;

Considérant que le pouvoir conféré à l'autorité administrative d'infliger à une entreprise une pénalité pouvant atteindre 5 % de son chiffre d'affaires résulte directement de l'article L. 162 ;17 ;7 de la sécurité sociale ; que, dans ces conditions, le syndicat requérant, qui ne soutient pas que cette disposition législative serait elle ;même incompatible avec des engagements internationaux, ne peut utilement soutenir que le décret attaqué aurait méconnu le principe de proportionnalité des sanctions en retenant un tel plafond ; que, pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce qu'une entreprise pourrait être pénalisée plus fortement qu'une autre uniquement en vertu de son chiffre d'affaires, en méconnaissance du principe d'égalité, ne peut qu'être écarté ; qu'au demeurant, il résulte de l'article R. 163 ;24 que le montant de la sanction est déterminé en tenant compte de la gravité de l'infraction commise, le chiffre d'affaires n'étant pris en compte que pour la définition de la limite maximale de ce montant ;

Considérant, toutefois, que le troisième alinéa de l'article R. 163 ;24 issu du décret attaqué énonce que le montant de la pénalité est calculé « sur la base du chiffre d'affaires hors taxes total réalisé par l'entreprise au cours du dernier exercice clos et dans la limite de 5 % de ce chiffre d'affaires », alors qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 162 ;17 ;7 « Le montant de la pénalité ne peut être supérieur à 5 % du chiffre d'affaires total hors taxes réalisé en France par l'entreprise au cours du dernier exercice clos » ; que, si le fait qu'un texte réglementaire reprenne une disposition figurant dans la loi n'est pas, par lui ;même de nature à en affecter la légalité, en l'espèce, le décret attaqué a modifié la limite définie par le législateur en se référant au chiffre d'affaires total de l'entreprise en cause, alors que l'article L. 162 ;17 ;7 ne retient que celui qu'elle a réalisé en France ; qu'ainsi, le syndicat requérant est fondé à soutenir que le décret attaqué est, sur ce point, entaché d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT « LES ENTREPRISES DU MEDICAMENT » n'est fondé à demander l'annulation du décret attaqué qu'en tant qu'il prévoit que la pénalité prononcée par le comité économique des produits de santé peut être supérieure à 5 % du chiffre d'affaires total hors taxes réalisé en France par l'entreprise concernée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement au syndicat requérant de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er du décret n° 2005 ;486 du 17 mai 2005 est annulé, en tant qu'il comporte, au troisième alinéa de l'article R. 163 ;24 inséré dans le code de la sécurité sociale, les mots : « sur la base du chiffre d'affaires hors taxes total réalisé par l'entreprise au cours du dernier exercice clos et dans la limite de 5 % de ce chiffre d'affaires ».

Article 2 : L'Etat versera au SYNDICAT « LES ENTREPRISES DU MEDICAMENT » la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT « LES ENTREPRISES DU MEDICAMENT » est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT « LES ENTREPRISES DU MEDICAMENT » (LEEM), au Premier ministre et au ministre de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 282470
Date de la décision : 19/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - LOI - VIOLATION - DÉFAUT DE FOURNITURE D'INFORMATION PAR UN LABORATOIRE PHARMACEUTIQUE AU SUJET DE MÉDICAMENTS FIGURANT SUR LA LISTE MENTIONNÉE AU PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE L - 162-17 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE - FIXATION DE LA PÉNALITÉ PAR L'ARTICLE R - 163-24 DU MÊME CODE.

01-04-02-02 Le troisième alinéa de l'article R. 163-24 du code de la sécurité sociale, issu du décret du 17 mai 2005 énonce que le montant de la pénalité due en cas de défaut de fourniture d'information par un laboratoire pharmaceutique au sujet de médicaments figurant sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 162-17 est calculé « sur la base du chiffre d'affaires hors taxes total réalisé par l'entreprise au cours du dernier exercice clos et dans la limite de 5 % de ce chiffre d'affaires», alors qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 162-17-7, « le montant de la pénalité ne peut être supérieur à 5 % du chiffre d'affaires total hors taxes réalisé en France par l'entreprise au cours du dernier exercice clos ». Le décret attaqué a ainsi modifié la limite définie par le législateur en se référant au chiffre d'affaires total de l'entreprise en cause, alors que l'article L. 162-17-7 ne retient que celui qu'elle a réalisé en France. Illégalité sur ce point du décret.

SÉCURITÉ SOCIALE - CONTENTIEUX ET RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - SANCTIONS - PÉNALITÉ PRÉVUE PAR L'ARTICLE R - 163-24 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN CAS DE DÉFAUT DE FOURNITURE D'INFORMATION PAR UN LABORATOIRE PHARMACEUTIQUE AU SUJET DE MÉDICAMENTS FIGURANT SUR LA LISTE MENTIONNÉE AU PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE L - 162-17 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE - ILLÉGALITÉ.

62-05-02 Le troisième alinéa de l'article R. 163-24 du code de la sécurité sociale, issu du décret du 17 mai 2005 énonce que le montant de la pénalité due en cas de défaut de fourniture d'information par un laboratoire pharmaceutique au sujet de médicaments figurant sur la liste mentionnée au premier alinéa de l'article L. 162-17 est calculé « sur la base du chiffre d'affaires hors taxes total réalisé par l'entreprise au cours du dernier exercice clos et dans la limite de 5 % de ce chiffre d'affaires», alors qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 162-17-7, « le montant de la pénalité ne peut être supérieur à 5 % du chiffre d'affaires total hors taxes réalisé en France par l'entreprise au cours du dernier exercice clos ». Le décret attaqué a ainsi modifié la limite définie par le législateur en se référant au chiffre d'affaires total de l'entreprise en cause, alors que l'article L. 162-17-7 ne retient que celui qu'elle a réalisé en France. Illégalité sur ce point du décret.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 mai. 2006, n° 282470
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Sébastien Veil
Rapporteur public ?: M. Stahl
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:282470.20060519
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award