Vu, 1°), sous le n° 269407, la requête, enregistrée le 2 juillet 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel A, demeurant ..., M. Robert B, demeurant ..., l'EARL BAUDOUY, représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège de l'EARL, Domaine des Cabanes à Saint-Genis-des-Fontaines (66470), la SCEA DOMAINE DE L'ESPARROU, représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège de la SCEA, voie des Flamants Roses à Canet-en-Roussillon (66140), M. Pierre D, demeurant ..., et l'EARL DOMAINE DE LA FOSEILLE, représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège de l'EARL, Domaine de la Foseille à Saleilles (66280) ; M. A et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel du 18 décembre 2003 relatif à l'extension d'un avenant du 3 octobre 2003 à l'accord interprofessionnel triennal conclu le 20 décembre 2000 dans le cadre du comité interprofessionnel des vins du Roussillon à appellation d'origine contrôlée ;
2°) le cas échéant, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation des dispositions de l'article 41 du règlement n° 1493/99/CE du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole modifié ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°), sous le n° 278196, la requête, enregistrée le 2 mars 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Michel A, demeurant I, M. Robert B, demeurant ..., l'EARL BAUDOUY, représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège de l'EARL, Domaine des Cabanes à Saint-Genis-des-Fontaines (66470), la SARL DOMAINE DE L'ESPARROU, représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège de la SARL, Domaine de l'Esparrou, à Canet-en-Roussillon (66140), M. Christophe C, demeurant ..., et l'EARL DOMAINE DE LA FOSEILLE, représentée par son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège de l'EARL, Domaine de la Foseille à Saleilles (66280) ; M. A et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision tacite d'extension d'un avenant du 30 septembre 2004 à l'accord interprofessionnel triennal conclu le 1er octobre 2003 dans le cadre du comité interprofessionnel des vins du Roussillon à appellation d'origine contrôlée ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le règlement n° 1493/99/CE du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole modifié ;
Vu le code rural ;
Vu le décret du 7 août 2002 portant délégation de signature ;
Vu le décret du 13 septembre 2002 portant délégation de signature ;
Vu le décret du 20 février 2003 portant délégation de signature ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Edouard Crépey, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes enregistrées sous les n°s 269407 et 278196 présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 632-3 du code rural, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : Les accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue peuvent être étendus, pour une durée déterminée, en tout ou partie, par l'autorité administrative compétente lorsqu'ils tendent, par des contrats types, des conventions de campagne et des actions communes conformes à l'intérêt général et compatibles avec les règles de la politique agricole commune, à favoriser : / (...) 2° L'adaptation et la régularisation de l'offre (...) ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 632-4 du même code : L'autorité compétente dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la demande présentée par l'organisation interprofessionnelle pour statuer sur l'extension sollicitée. Si, au terme de ce délai, elle n'a pas notifié sa décision, la demande est réputée acceptée ;
Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que, par un avenant conclu le 3 octobre 2003 dans les conditions prévues à l'article 5.1 de l'accord interprofessionnel triennal du 20 décembre 2000, applicable aux années 2001 à 2003, le comité interprofessionnel des vins du Roussillon à appellation d'origine contrôlée a décidé, pour la récolte de 2003, la mise en réserve de la part de la production de Muscat de Rivesaltes excédant le seuil de 25 hectolitres de vin fait par hectare, assortie d'un régime dérogatoire pour les jeunes agriculteurs installés depuis moins de cinq ans ; qu'en application de l'article 5.1 de l'accord triennal du 1er octobre 2003, couvrant les années 2004 à 2006, il a, par un avenant du 30 septembre 2004, prévu, pour la récolte de 2004, la mise en réserve de la part de la production dépassant le seuil de 20 hectolitres par hectare et, pour la récolte de 2003, la libération partielle de la réserve précédemment constituée ; que, sous les numéros 269407 et 278196, M. A et autres ont formé des recours pour excès de pouvoir respectivement dirigés contre l'arrêté du 18 décembre 2003 par lequel les ministres chargés de l'agriculture, de l'économie et du budget ont étendu l'avenant du 3 octobre 2003 à l'ensemble des viticulteurs produisant des vins bénéficiant de l'appellation Muscat de Rivesaltes et des négociants qui en assurent la commercialisation et contre la décision implicite d'acceptation née le 19 décembre 2004 du silence gardé pendant plus de deux mois par les mêmes autorités sur la demande d'extension de l'avenant du 30 septembre 2004 ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'agriculture et de la pêche ;
Sur la légalité externe :
Considérant, d'une part, que Mme E, M. F et M. G disposaient, en vertu des décrets des 7 août 2002, 20 février 2003 et 13 septembre 2002, publiés au Journal officiel avant l'intervention de l'arrêté du 18 décembre 2003, de délégations régulières des ministres respectivement chargés de l'agriculture, de l'économie et du budget pour le signer en leur nom ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence des signataires ne peut être accueilli ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que la demande d'extension de l'accord du 30 septembre 2004 ayant été transmise le 19 octobre 2004, la décision implicite d'acceptation est née le 19 décembre 2004 ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le délai de deux mois n'aurait pas été respecté manque en fait ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 41 du règlement n° 1493/1999/CE du Conseil du 17 mai 1999 portant organisation commune du marché vitivinicole, les Etats membres peuvent, en vue d'améliorer le fonctionnement du marché des vins de qualité produits dans des régions déterminées et des vins de table à indication géographique, mettre en oeuvre les décisions des organismes de filière ayant pour objet la régulation de l'offre et relatives à la mise en réserve ou à la sortie échelonnée des produits, à l'exclusion notamment de toute autre pratique concertée telle que le blocage d'un pourcentage excessif de la récolte annuelle normalement disponible ou, d'une manière générale, les opérations anormales de raréfaction de l'offre ; que M. A et autres soutiennent que les mesures de mise en réserve instituées par les avenants ayant fait l'objet des extensions contestées ont pour effet le blocage d'un pourcentage excessif de la récolte annuelle au sens de ces dispositions dès lors qu'elles auraient pu impliquer - dans l'hypothèse de la saturation, par les exploitants, du seuil réglementaire de production, fixé par le décret d'appellation à 33 hectolitres de vin fait par hectare - le retrait temporaire du marché du quart de la production de 2003 et de 39 % de la production de 2004 ; que, toutefois, il résulte clairement des dispositions de l'article 41 du règlement du 17 mai 1999 que, s'ils ont défini le volume de réserve à ne pas dépasser par référence à la récolte annuelle normalement disponible, ses auteurs n'ont pas entendu interdire la prise en considération de l'état des stocks dans l'appréciation de l'ampleur des mesures qu'appelle la préservation de l'équilibre économique de la filière ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces des dossiers que les stocks de Muscat de Rivesaltes ont progressé de 79 % entre 2000 et 2003, atteignant alors, au 31 août, 131 089 hectolitres ; que, compte tenu de la production de l'année, qui s'est établie à 147 793 hectolitres, les quantités disponibles approchaient ainsi le double de la demande annuelle, évaluée à 145 205 hectolitres ; qu'au 31 août 2004, les stocks s'établissaient encore à un niveau de 133 677 hectolitres, pour une demande anticipée en légère diminution ; qu'en 2003 comme en 2004, la mise en réserve a visé, du fait des ajustements opérés par les viticulteurs sur leur rendements, un volume inférieur à 5 % de la récolte effective ; que, dans ces conditions, les avenants litigieux qui, contrairement à ce que soutiennent les requérants, poursuivent, comme l'exige le règlement communautaire du 17 mai 1999, un objectif d'amélioration du fonctionnement du marché alors même que le Muscat de Rivesaltes qui, toutefois, n'est pas millésimé, doit se boire jeune, ne sauraient être regardés comme contraires aux prescriptions dudit règlement ; que, d'ailleurs, il est constant que si leur mise en oeuvre, qui n'a nullement fait obstacle à l'approvisionnement normal du marché, a permis une stabilisation du volume des stocks, elle ne s'est pas traduite par une hausse du prix de vente au négoce ; qu'ainsi, le moyen doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que les stipulations de l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne prohibant les pratiques concertées entre entreprises et ayant pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ne sont, en vertu de l'article 36 du même traité, applicables au commerce des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Conseil ; que celui-ci a clairement autorisé les Etats membres, par les dispositions de l'article 41 du règlement du 17 mai 1999 rappelées plus haut, à imposer, le cas échéant, aux viticulteurs et négociants la mise en réserve d'une partie de la production ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées seraient illégales en ce que les mesures édictées par les avenants dont elles prévoient l'extension seraient visées par les stipulations de l'article 81 du traité ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que si les auteurs des décisions attaquées n'y ont pas précisé la durée pour laquelle ils avaient entendu étendre les mesures litigieuses de mise en réserve, il ressort des stipulations de l'article 5.1 des accords interprofessionnels triennaux des 20 décembre 2000 et 3 octobre 2003, en application desquelles les avenants contestés ont été conclus, que la durée de validité de ces derniers expirait au plus tard, et en l'absence même de décision expresse, le 1er octobre de l'année suivant celle au cours de laquelle ils avaient été adoptés ; que, par suite, M. A et autres ne sont pas fondés à soutenir que, faute de déterminer la durée pour laquelle était prévue l'extension de ces avenants, l'arrêté du 18 décembre 2003 et la décision implicite du 19 décembre 2004 sont illégaux au regard des dispositions précitées de l'article L. 632-3 du code rural ; qu'en outre, ni le règlement communautaire du 17 mai 1999 ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposaient que soit fixée dès l'origine la date de libération des réserves ainsi constituées ;
Considérant, en quatrième et dernier lieu, que si, en vertu de l'article L. 632-7 du code rural, est nul de plein droit tout contrat de fourniture de produits passé entre personnes physiques ou morales ressortissant à un accord étendu qui n'est pas conforme aux dispositions de cet accord et si, par suite, les décisions attaquées font obstacle à la commercialisation d'une partie des vins qui, déjà produits, n'avaient pas encore été vendus à la date de leur publication, elles n'ont, en revanche, pas pour objet et ne sauraient être regardées comme ayant pour effet de remettre en cause la validité des transactions réalisées avant leur entrée en vigueur ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'elles ont une portée rétroactive et qu'elles sont, dans cette mesure, illégales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2003 et de la décision implicite du 19 décembre 2004 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1 : Les requêtes de M. A et autres sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Michel A, à M. Robert B, à l'EARL BAUDOUY, à la SCEA DOMAINE DE L'ESPARROU, à M. Pierre D, à l'EARL DOMAINE DE LA FOSSEILLE, à M. Christophe C, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'agriculture et de la pêche.