La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2006 | FRANCE | N°277815

France | France, Conseil d'État, 7eme sous-section jugeant seule, 13 septembre 2006, 277815


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 20 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 novembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son recours contre le jugement du 1er octobre 2002 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 170 000 francs en réparation du préjudice qui serait résulté pour lu

i des renseignements incomplets qui lui auraient été délivrés par le ser...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 20 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 12 novembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son recours contre le jugement du 1er octobre 2002 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 170 000 francs en réparation du préjudice qui serait résulté pour lui des renseignements incomplets qui lui auraient été délivrés par le service départemental de l'Office national des anciens combattants du Cher concernant l'allocation de préparation à la retraite des anciens combattants d'Afrique du Nord ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 916,33 euros avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an en réparation du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 modifiée de finances pour 1992 ;

Vu la loi n° 94-1162 du 29 décembre 1994 modifiée de finances pour 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Boucher, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, ancien combattant d'Afrique du Nord en situation de chômage de longue durée et en fin de droits, qui bénéficiait de l'allocation différentielle du fonds de solidarité en application de l'article 125 de la loi du 30 décembre 1991 de finances pour 1992, a opté, sur proposition de l'administration, pour l'allocation de préparation à la retraite instituée par l'article 79 de la loi du 29 décembre 1994 de finances pour 1995 ; qu'il a recherché la responsabilité de l'Etat, devant le tribunal administratif d'Orléans, à raison de la faute qu'aurait commise le service départemental du Cher de l'Office national des anciens combattants en ne l'informant pas complètement de ce que, en optant pour ce nouveau dispositif, il subirait un abattement sur ses droits à pension de retraite complémentaire ; que, par un arrêt en date du 12 novembre 2004, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 25 916,33 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ; que M. A se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au Conseil d'Etat que l'arrêt attaqué a été notifié à M. A le 24 décembre 2004 ; qu'ainsi, son pourvoi, enregistré le 21 février 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, a été formé dans le délai de deux mois imparti par l'article R. 821-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, doit être rejetée la fin de non-recevoir tirée, par le ministre de la défense, de la tardiveté de la requête ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il ressort tant des pièces du dossier que des constatations de l'arrêt attaqué que, ni dans la lettre du 12 décembre 1994 émanant du service départemental du Cher de l'Office national des anciens combattants, ni dans le formulaire signé le 11 juillet 1995 par M. A, ni dans aucun autre document remis à ce dernier, il ne lui a été donné aucune information sur la circonstance que l'option pour l'allocation de préparation à la retraite était susceptible d'emporter des conséquences négatives sur ses droits à pension de retraite complémentaire ; que, dans ces conditions, en estimant que l'administration n'avait pas délivré à l'intéressé des renseignements incomplets, de nature à l'induire en erreur sur les conséquences de son choix, la cour administrative d'appel de Nantes a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; que, dès lors, M. A est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que ni la lettre du 12 décembre 1994 adressée à M. A par le service départemental du Cher de l'Office national des anciens combattants, ni le formulaire, signé le 11 juillet 1995, par lequel il a opté pour l'allocation de préparation à la retraite, ni aucun autre document remis à l'intéressé ne faisait état des conséquences que cette option était susceptible d'emporter sur ses droits à pension de retraite complémentaire ; que, dans ces conditions, et alors même qu'elle avait invité M. A à se mettre en rapport avec les services compétents pour préparer la mise en oeuvre de l'allocation de préparation à la retraite, l'administration, qui a délivré à l'intéressé des renseignements incomplets, l'induisant ainsi en erreur sur les conséquences de son choix, a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a exonéré l'Etat de toute responsabilité ; que, toutefois, en négligeant de s'informer personnellement sur les conséquences de l'option pour l'allocation de préparation à la retraite, le requérant a lui-même commis une faute de nature, dans les circonstances de l'espèce, à atténuer la responsabilité de l'Etat à hauteur de 20 % du préjudice subi ;

Sur le préjudice :

Considérant que le ministre de la défense ne conteste pas sérieusement l'évaluation, par M. A, de la perte de droits à pension de retraite complémentaire qu'il a subie en raison de son option pour l'allocation de préparation à la retraite, soit 25 916,33 euros ; que, dès lors, compte tenu du partage de responsabilité indiqué précédemment, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. A la somme de 20 733 euros ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. A a droit aux intérêts de la somme de 20 733 euros à compter de la date de réception, le 17 juillet 1998, de sa demande d'indemnité adressée au préfet du Cher ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 20 avril 2005 ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 12 novembre 2004 et le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 1er octobre 2002 sont annulés.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A la somme de 20 733 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 1998. Les intérêts échus le 20 avril 2005 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif d'Orléans est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard A et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 7eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 277815
Date de la décision : 13/09/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 sep. 2006, n° 277815
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Julien Boucher
Rapporteur public ?: M. Casas
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:277815.20060913
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award