La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2006 | FRANCE | N°246931

France | France, Conseil d'État, Section du contentieux, 27 octobre 2006, 246931


Vu 1°), sous le n° 246931, la requête, enregistrée le 15 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le DEPARTEMENT DU MORBIHAN, représenté par le président du conseil général, domicilié en cette qualité à l'Hôtel du département, rue Saint-Tropez à Vannes (56009 Cedex) ; le DEPARTEMENT DU MORBIHAN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 février 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 15 novembre 2000 du tribunal administratif de Rennes en tant notamment qu'il condamnait le centre h

ospitalier de Quimper à lui payer la somme de 173 368,84 F (26 429,91 euros...

Vu 1°), sous le n° 246931, la requête, enregistrée le 15 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le DEPARTEMENT DU MORBIHAN, représenté par le président du conseil général, domicilié en cette qualité à l'Hôtel du département, rue Saint-Tropez à Vannes (56009 Cedex) ; le DEPARTEMENT DU MORBIHAN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 février 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 15 novembre 2000 du tribunal administratif de Rennes en tant notamment qu'il condamnait le centre hospitalier de Quimper à lui payer la somme de 173 368,84 F (26 429,91 euros) avec intérêts de droit à compter du 29 mai 2000, en raison du préjudice que lui a causé le versement de traitements entre le 1er janvier 1992 et le 2 août 2005 à la suite de l'accident survenu à Mme Catherine A le 28 mars 1989 et rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier soit condamné à lui verser une somme de 367 396,74 F (56 009,30 euros) ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par le centre hospitalier de Quimper devant la cour administrative d'appel de Nantes et de condamner ledit centre hospitalier à lui payer une somme de 56 009,30 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2000 et capitalisation des intérêts ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 octobre 2006, présentée pour le DEPARTEMENT DU MORBIHAN ;

Vu 2°), sous le n° 247011, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mai et 13 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, dont le siège est sis au Centre de gestion des pensions, rue du Vergne à Bordeaux (Cedex 33059) ; la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 février 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 15 novembre 2000 du tribunal administratif de Rennes en tant notamment qu'il condamnait le centre hospitalier de Quimper à lui verser la somme de 849 383,36 F (129 487,66 euros) avec intérêts au taux légal en réparation du préjudice que lui a causé le versement du capital représentatif de la rente allouée par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales à Mme Catherine A à lui suite de l'accident survenu le 28 mars 1989, et a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à lui verser cette somme ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par le centre hospitalier de Quimper devant la cour administrative d'appel de Nantes et de condamner ledit centre hospitalier à lui payer la somme de 124 216,88 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 mai 1999 et capitalisation des intérêts ;

....................................................................................

Vu 3°), sous le n° 247071, la requête, enregistrée le 21 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le DEPARTEMENT DU MORBIHAN, représenté par le président du conseil général, domicilié en cette qualité à l'Hôtel du département, rue Saint-Tropez à Vannes (56009 Cedex) ; le DEPARTEMENT DU MORBIHAN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 février 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 15 novembre 2000 du tribunal administratif de Rennes en tant notamment qu'il condamnait le centre hospitalier de Quimper à lui payer une somme de 173 368,84 F (26 429,91 euros) avec intérêts de droit à compter du 29 mai 2000, en raison du préjudice que lui a causé le versement de traitements entre le 1er janvier 1992 et le 2 août 2005 à la suite de l'accident survenu à Mme Catherine A le 28 mars 1989, et a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier soit condamné à lui verser une somme de 367 396,74 F (56 009,30 euros) ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par le centre hospitalier de Quimper devant la cour administrative d'appel de Nantes et de condamner ledit centre hospitalier à lui payer une somme de 56 009,30 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2000 et capitalisation des intérêts ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 octobre 2006, présentée pour le DEPARTEMENT DU MORBIHAN ;

....................................................................................

Vu 4°), sous le n° 247076, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mai et 23 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme A, demeurant ... et M. et Mme B, demeurant ... ; M. et Mme A et M. et Mme B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 5 février 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 15 novembre 2000 du tribunal administratif de Rennes en tant notamment qu'il condamnait le centre hospitalier de Quimper à leur verser la somme de 1 214 590,80 F (185 163,17 euros), avec intérêts de droit à compter du 4 décembre 1996, en réparation du préjudice que leur a causé l'accident survenu à Mme Catherine A le 28 mars 1989, et a rejeté leurs conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice résultant des conséquences dommageables de l'intervention subie par Mme A le 28 mars 1989 au centre hospitalier de Quimper ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par le centre hospitalier de Quimper devant la cour administrative d'appel de Nantes et de condamner ledit centre hospitalier à leur verser la somme de 700 000 euros au titre des préjudices subis ainsi que les intérêts au taux légal et les intérêts des intérêts ;

3°) de mettre la somme de 3 500 euros à la charge du centre hospitalier de Quimper en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, modifiée ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, modifiée ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, modifiée ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Justine Liéber, Auditeur,

- les observations de Me Foussard, avocat du DEPARTEMENT DU MORBIHAN, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. et Mme A et de M. et Mme B, de Me Odent, avocat de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Quimper,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées présentées par le DEPARTEMENT DU MORBIHAN, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, M. et Mme A et M. et Mme B sont dirigées contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, agent du DEPARTEMENT DU MORBIHAN, née le 25 mai 1960, a été victime, lors de l'accouchement de son deuxième enfant au centre hospitalier de Quimper, le 28 mars 1989, de sévères complications hémorragiques ainsi que d'un collapsus cardio-vasculaire avec anoxie cérébrale, à la suite duquel elle s'est trouvée plongée dans le coma jusqu'au 18 mai 1989 ; qu'elle a gardé de graves séquelles, notamment neurologiques, de cet accident ; que, le 16 octobre 1996, M. et Mme A, ainsi que les parents de Mme A, M. et Mme B, ont demandé au centre hospitalier de Quimper de les indemniser des préjudices de toute nature qu'ils avaient subis du fait de cet accident puis, en l'absence de décision expresse de l'hôpital, ont saisi le tribunal administratif de Rennes le 4 décembre 1996 ; que, par un premier jugement du 16 juin 1999, passé en force de chose jugée sur ces points, le tribunal administratif a admis la responsabilité du centre hospitalier et ordonné une expertise afin de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de Mme A et d'évaluer le préjudice à compter du 1er janvier 1992 ; qu'en revanche, par l'article 2 de ce jugement, frappé d'appel par les consorts A, il a rejeté comme prescrites les demandes de ces derniers afférentes aux préjudices antérieurs au 31 décembre 1991 ; que, par un second jugement du 15 novembre 2000, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Quimper à verser 1 214 590,80 F (185 163,17 euros) à Mme A, 849 383,36 F (129 487,66 euros) à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, 173 368,84 F (26 429,91 euros) au DEPARTEMENT DU MORBIHAN, 168 509,21 F (25 689,06 euros) à la Caisse primaire d'assurance maladie du Sud Finistère, et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires des consorts A ; que, sur appel de ces derniers et du centre hospitalier de Quimper, la cour administrative d'appel de Nantes a, par l'arrêt attaqué, rejeté les conclusions indemnitaires des consorts A, de la Caisse primaire d'assurance maladie du Sud Finistère, de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, du DEPARTEMENT DU MORBIHAN et réformé en ce sens le jugement du 15 novembre 2000 ; que les consorts A, le DEPARTEMENT DU MORBIHAN et la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS se pourvoient contre cet arrêt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, alors applicable aux créances détenues sur les établissements publics hospitaliers en matière de responsabilité médicale : « Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public » ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : « La prescription est interrompue par (...) / Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance./ Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée » ; qu'en vertu de ce dernier article, une plainte contre X avec constitution de partie civile interrompt le cours de la prescription quadriennale dès lors qu'elle porte sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement d'une créance sur une collectivité publique ;

Considérant qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que, à la suite de l'accident survenu à Mme A le 28 mars 1989, les consorts A ont déposé, le 3 juillet 1989, une plainte contre X avec constitution de partie civile afin de rechercher les auteurs des blessures infligées à Mme A lors de son accouchement au centre hospitalier de Quimper ; que cette plainte, alors même que le juge judiciaire n'était pas compétent pour statuer sur des conclusions indemnitaires dirigées contre l'établissement public hospitalier, doit être regardée comme relative à la créance de Mme A sur cet établissement ; qu'elle a, de ce fait, interrompu le cours de la prescription quadriennale en vertu des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit en retenant que la plainte déposée le 3 juillet 1989 n'avait pas eu pour effet d'interrompre la prescription quadriennale à l'encontre du centre hospitalier de Quimper ; que, dès lors, les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier de Quimper :

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la plainte contre X avec constitution de partie civile déposée par les consorts A, le 3 juillet 1989, a eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription quadriennale à l'encontre de l'hôpital jusqu'à la date à laquelle le jugement du tribunal correctionnel de Quimper du 7 novembre 1996 rejetant pour incompétence l'action civile des consorts A est passé en force de chose jugée ; qu'ainsi, les créances des consorts A n'étaient pas prescrites le 16 octobre 1996, date de leur demande d'indemnité au centre hospitalier de Quimper, tant en ce qui concerne celles qui doivent être rattachées à l'année au cours de laquelle est survenu l'accident qu'en ce qui concerne celles qui doivent être rattachées à l'année au cours de laquelle est intervenue la consolidation de l'état de santé de Mme A, dont la date, selon les conclusions de l'expert désigné à cette fin par le tribunal administratif de Rennes, établies de manière contradictoire et non sérieusement contredites par les autres éléments d'expertise ou certificats médicaux figurant au dossier, doit être fixée au 31 décembre 1991 ;

Sur l'évaluation du préjudice subi par Mme A :

Considérant que les pertes de traitement subies par Mme A du fait de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'exercer une activité professionnelle entre la date de l'accident et la date à laquelle elle aurait atteint l'âge de la retraite, peuvent être évaluées, compte tenu des émoluments qui lui ont été versés, à 50 000 euros ; que Mme A a été atteinte d'une incapacité temporaire totale du 28 mars 1989 au 30 juin 1990 puis d'une incapacité permanente partielle dont le taux, selon le rapport d'expertise précité, peut être évalué à 40 % ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant des troubles dans les conditions d'existence de Mme A en les évaluant à 60 000 euros ; que les frais exposés par l'intéressée en sus des allocations auxquelles elle peut prétendre pour disposer de l'aide d'une tierce personne peuvent être évalués à 40 000 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice correspondant aux souffrances physiques et morales de la victime ainsi que de son préjudice esthétique et d'agrément en le fixant à la somme globale de 15 000 euros ;

Considérant que, pour évaluer le préjudice global résultant de l'accident dont a été victime Mme A, il y a lieu d'ajouter le montant des frais médicaux et pharmaceutiques assumés par la Caisse primaire d'assurance maladie du Sud Finistère, soit 76 623,26 euros, celui des traitements versés par le DEPARTEMENT DU MORBIHAN entre le 28 mars 1989 et le 2 août 1995, date à partir de laquelle Mme A a été admise de manière anticipée à la retraite, soit 56 009,30 euros, et les arrérages échus ou à échoir au 1er août 2000 de la pension de retraite anticipée servie à l'intéressée par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, agissant en sa qualité de gérante de la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, entre le 3 août 1995 et le 25 mai 2025, date à laquelle Mme A aurait atteint la limite d'âge, soit 129 487,66 euros ; qu'ainsi, le préjudice global de Mme A s'élève à 427 111,22 euros ;

Sur le préjudice subi par M. A :

Considérant que M. A n'a produit aucun justificatif de nature à établir l'existence d'un préjudice matériel ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral qu'il a subis en l'évaluant à 10 000 euros ;

Sur le préjudice subi par les enfants de M. et Mme A :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par les deux filles de M. et Mme A en les évaluant à 5 000 euros pour chacune d'entre elles ;

Sur le préjudice subi par M. et Mme B :

Considérant que M. et Mme B n'ont produit aucun justificatif de nature à établir l'existence d'un préjudice matériel ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis en les évaluant à 3 000 euros pour chacun d'eux ;

Sur les droits de la Caisse primaire d'assurance maladie du Sud Finistère :

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : « Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément (...) » et qu'aux termes du septième alinéa du même article : « En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans la limite d'un montant maximum de 760 euros... » ;

Considérant que la Caisse primaire d'assurance maladie du Sud Finistère justifie du versement d'une somme de 76 623,26 euros correspondant aux frais pharmaceutiques et médicaux qu'elle a pris en charge ; qu'elle a droit, en outre, ainsi qu'elle le demande, à la somme de 760 euros en application du septième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les droits de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques : « I. Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers (...) d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie. / II. Cette action concerne notamment : (...) Les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité (...) ; / Les arrérages des pensions de retraite et de réversion prématurées jusqu'à la date à laquelle la victime aurait pu normalement faire valoir ses droits à pension, ainsi que les allocations et majorations accessoires » ; que l'article 7 de la même ordonnance dispose que : « Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux recours exercés par : ... / 3° La caisse des dépôts et consignations agissant (...) comme gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales » ;

Considérant que la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS justifie du versement d'une somme de 129 487,66 euros correspondant aux arrérages échus ou à échoir au 1er août 2000 de la pension de retraite anticipée servie à Mme A ;

Sur les droits du DEPARTEMENT DU MORBIHAN :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : « La collectivité est subrogée dans les droits éventuels du fonctionnaire victime d'un accident provoqué par un tiers jusqu'à concurrence du montant des charges qu'elle a supportées ou supporte du fait de cet accident. Elle est admise à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées audit fonctionnaire pendant la période d'indisponibilité de celui-ci (...) » ;

Considérant que le DEPARTEMENT DU MORBIHAN justifie du paiement d'une somme de 56 009,30 euros correspondant aux traitements versés à Mme A entre le 28 mars 1989 et le 2 août 1995 ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que M. et Mme A et M. et Mme B ont droit, ainsi qu'ils le demandent, aux intérêts au taux légal sur les sommes qui leur sont dues à compter du 4 décembre 1996, date de l'introduction de leur demande devant le tribunal administratif de Rennes ; qu'ils ont demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire enregistré devant la cour administrative d'appel de Nantes le 17 mai 2001 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à leur demande à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant que le DEPARTEMENT DU MORBIHAN a droit aux intérêts au taux légal de la somme qui lui est due à compter du 29 mai 2000, date de sa première demande chiffrée devant le tribunal administratif de Rennes ; qu'il a demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire enregistré le 15 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à sa demande à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant que la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS a droit, ainsi qu'elle le demande, aux intérêts au taux légal sur les arrérages échus de la pension versée à Mme A à la date des 20 mai 1999, 30 mai 2000 et 11 octobre 2000, ainsi que sur les sommes versées à Mme A à partir de cette dernière date au fur et à mesure de leur versement dans la limite du paiement par le centre hospitalier de la somme mise à sa charge par la présente décision ; qu'elle a demandé la capitalisation des intérêts le 30 mai 2000 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à sa demande à compter de cette date pour les arrérages versés au 20 mai 1999 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date et, pour chacun des versements mentionnés ci-dessus, à la date anniversaire de ce versement ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur la charge des frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les frais entraînés par les expertises ordonnées en référé et avant-dire droit par le tribunal administratif de Rennes, tels que liquidés aux sommes respectives de 5 850 F (891,83 euros) et 8 826 F (1 345,52 euros), à la charge du centre hospitalier de Quimper, ainsi que l'a décidé ce tribunal par l'article 9 de son jugement du 15 novembre 2000 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que par les jugements des 16 juin 1999 et 15 novembre 2000, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs conclusions tendant à l'indemnisation de certains de leurs préjudices et limité l'évaluation de ces dernières à la somme de 1 214 590,80 F (185 163,17 euros) ;

Sur les conclusions présentées devant la juridiction d'appel par les consorts A tendant à la prise de mesures d'exécution du jugement du tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes du II de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980, reproduit à l'article L. 911-9 du code de justice administrative : « Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office (...) » ; que, dès lors que la disposition législative précitée permet aux consorts A, en cas d'inexécution de la présente décision dans le délai prescrit, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que le centre hospitalier de Quimper est condamné à lui verser par cette même décision, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction présentées par ces requérants devant la cour administrative d'appel de Nantes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier de Quimper la somme de 5 000 euros correspondant aux frais exposés par M. et Mme A ainsi que par M. et Mme B et non compris dans les dépens, la somme de 2 500 euros correspondant aux frais de même nature exposés par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS et la somme de 2 300 euros correspondant aux frais de même nature exposés par le DEPARTEMENT DU MORBIHAN ;

Considérant, en revanche, que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soient mises à la charge du DEPARTEMENT DU MORBIHAN, de M. et Mme A et M. et Mme B et de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que le centre hospitalier de Quimper demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 5 février 2002 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Quimper est condamné à verser à Mme A la somme de 165 000 euros, à M. A la somme de 10 000 euros, à Céline et à Julie A la somme de 5 000 euros chacune, à M. et Mme B la somme de 3 000 euros chacun, assorties des intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 1996. Les intérêts échus à la date du 17 mai 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt.

Article 3 : Le centre hospitalier de Quimper est condamné à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie du Sud Finistère la somme de 77 383,26 euros.

Article 4 : Le centre hospitalier de Quimper est condamné à verser au DEPARTEMENT DU MORBIHAN la somme de 56 009,30 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2000. Les intérêts échus à la date du 15 mai 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 5 : Le centre hospitalier de Quimper est condamné à verser à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS la somme de 129 487,66 euros. Les sommes correspondant aux arrérages échus les 20 mai 1999, 30 mai 2000 et 11 octobre 2000 porteront intérêt au taux légal à compter de chacune de ces dates. Les sommes versées postérieurement porteront intérêt au taux légal au fur et à mesure de leur date de versement dans la limite de paiement par le centre hospitalier de la somme mise à sa charge par la présente décision. Les intérêts seront capitalisés au 30 mai 2000 pour les arrérages échus au 20 mai 1999 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date et, pour chacun des versements mentionnés ci-dessus, à la date anniversaire de ce versement ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêt.

Article 6 : Les frais d'expertise taxés et liquidés respectivement à la somme de 891,83 euros et à la somme de 1 345,52 euros sont mis à la charge du centre hospitalier de Quimper.

Article 7 : Les jugements du tribunal administratif de Rennes en date du 16 juin 1999 et du 15 novembre 2000 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à la présente décision.

Article 8 : Le centre hospitalier de Quimper versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme globale de 5 000 euros à M. et Mme A et à M. et Mme B, une somme de 2 500 euros à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, ainsi qu'une somme de 2 300 euros au DEPARTEMENT DU MORBIHAN.

Article 9 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme A et par M. et Mme B est rejeté.

Article 10 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DU MORBIHAN, à M. et Mme A, à M. et Mme B, à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, à la Caisse primaire d'assurance maladie du Sud Finistère, au centre hospitalier de Quimper et au ministre de la santé et des solidarités.


Synthèse
Formation : Section du contentieux
Numéro d'arrêt : 246931
Date de la décision : 27/10/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

18-04-02-05 COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET. DETTES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE. RÉGIME DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1968. INTERRUPTION DU COURS DU DÉLAI. - PLAINTE CONTRE X AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE PORTANT SUR LE FAIT GÉNÉRATEUR, L'EXISTENCE, LE MONTANT OU LE PAIEMENT D'UNE CRÉANCE SUSCEPTIBLE D'ÊTRE MISE À LA CHARGE D'UNE COLLECTIVITÉ PUBLIQUE [RJ1].

18-04-02-05 En vertu de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, une plainte contre X avec constitution de partie civile interrompt le cours de la prescription quadriennale dès lors qu'elle porte sur le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement d'une créance susceptible d'être mise à la charge d'une collectivité publique. En l'espèce, personne ayant déposé une plainte contre X avec constitution de partie civile afin de rechercher les auteurs des blessures subies lors d'une intervention chirurgicale pratiquée dans un centre hospitalier. Cette plainte, alors même que le juge judiciaire n'était pas compétent pour statuer sur des conclusions indemnitaires dirigées contre l'établissement public hospitalier, doit être regardée comme relative à la créance de l'intéressé sur cet établissement, et a, de ce fait, interrompu le cours de la prescription quadriennale en vertu des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968.


Références :

[RJ1]

Comp. Section, 24 juin 1977, Commune de Férel, p. 291 ;

Ab. jur. 16 mars 1983, M. et Mme Gilbin, n°27993, inédite au recueil ;

Ab. jur. 10 octobre 2005, Epoux Haudry (et non Baudry comme signalé par erreur au recueil), T. p. 816.


Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2006, n° 246931
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Genevois
Rapporteur ?: Mlle Sophie Liéber
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave
Avocat(s) : FOUSSARD ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; ODENT ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:246931.20061027
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award