Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Sakina A, épouse B, demeurant ...... ; Mme A, épouse B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 28 novembre 2005 portant refus d'acquisition de la nationalité française ;
2°) de juger qu'elle a acquis la nationalité française par déclaration et d'ordonner que la mention en soit portée sur les registres d'état civil ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil, notamment ses articles 17-2, 21-2 et 21-4 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Meyer-Lereculeur, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 17-2 du code civil : « L'acquisition et la perte de la nationalité française sont régies par la loi en vigueur au temps de l'acte ou du fait auquel la loi attache ses effets » ; qu'aux termes de l'article 21-2 du même code dans sa rédaction issue de la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 : « L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai d'un an à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint ait conservé sa nationalité. (...) La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations » ; qu'enfin, aux termes de l'article 21-4 du même code dans sa rédaction issue de la loi du 16 mars 1998 précitée : « Le Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger dans un délai d'un an à compter de la date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l'article 26 ou, si l'enregistrement a été refusé, à compter du jour où la décision judiciaire admettant la régularité de la déclaration est passée en force de chose jugée. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, épouse B a souscrit le 25 octobre 2002, devant le tribunal d'instance d'Avignon, une déclaration en vue de l'acquisition de la nationalité française en sa qualité d'épouse d'un ressortissant français, dont le récépissé lui a été donné le 12 novembre 2002 ; que, par décision du 20 octobre 2003, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a refusé d'enregistrer cette déclaration, au motif que l'enquête réglementaire n'avait pas permis d'établir la réalité de communauté de vie entre l'intéressée et son époux ; qu'à la demande de Mme A, le tribunal de grande instance d'Avignon a estimé, par jugement en date du 16 novembre 2004, signifié le 30 novembre 2004, que l'intéressé « avait acquis la nationalité française par déclaration » et que cette mention devait être portée en marge de son acte de naissance ; que, par lettre du 30 mai 2005, notifiée à l'intéressée le 4 juillet 2005, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a fait connaître sa décision de saisir le Conseil d'Etat d'un projet de décret s'opposant à l'acquisition de la nationalité française par Mme A, au motif qu'elle n'avait aucune maîtrise de la langue française ; que, par le décret attaqué du 28 novembre 2005 notifié à l'intéressée le 27 février 2006, le Gouvernement s'est opposé à l'acquisition de la nationalité française par Mme A ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 17-2 du code civil, la loi applicable à un décret d'opposition d'acquisition de la nationalité française par mariage est celle en vigueur à la date à laquelle le demandeur souscrit sa déclaration de nationalité ; qu'ainsi, le Gouvernement n'a pas commis d'erreur de droit en se fondant, pour prendre le décret attaqué, sur les dispositions de l'article 21-4 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi du 16 mars 1988, applicables à la date à laquelle Mme A a souscrit sa déclaration de nationalité, lesquelles l'autorisaient à s'opposer à l'acquisition de la nationalité française pour défaut d'assimilation révélé par une insuffisante maîtrise de la langue française ;
Considérant que, sauf dispositions législatives contraires, la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du dernier procès-verbal d'assimilation établi le 4 octobre 2005, que l'intéressée ne pouvait, à la date du décret attaqué, ni comprendre, ni formuler des phrases simples en français et était dans l'incapacité de communiquer oralement dans cette langue ; qu'ainsi, Mme A n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué du 28 novembre 2005 a été pris en violation de l'article 21-4 du code civil ;
Considérant que, si Mme A fait valoir qu'elle est bien intégrée en France, de même que son mari, que leurs enfants y sont scolarisés, et que l'intervention du décret attaqué l'a plongée dans une angoisse incompatible avec son état de grossesse, ces circonstances sont sans influence sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 27 février 2006 lui refusant, pour défaut d'assimilation, l'acquisition de la nationalité française ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Sakina A, épouse B et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.