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22/02/2007 | FRANCE | N°301051

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 22 février 2007, 301051


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Luc A, demeurant ... (Congo) ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision en date du 23 novembre 2006 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision par laquelle l'autorité consulaire française à Brazzaville a refusé, le 12 octobre 2005, de lui délivr

er le visa d'entrée et de long séjour qu'il avait sollicité ;

2°) d'enj...

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Luc A, demeurant ... (Congo) ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision en date du 23 novembre 2006 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision par laquelle l'autorité consulaire française à Brazzaville a refusé, le 12 octobre 2005, de lui délivrer le visa d'entrée et de long séjour qu'il avait sollicité ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

il expose que la condition de l'urgence est satisfaite puisque le refus de visa le conduit à être séparé de ses enfants vivant en France et fait obstacle à ce qu'il reçoive des soins correspondant à la gravité de son état et au protocole défini par les médecins lors d'un précédent séjour ; que la décision dont la suspension est demandée n'est pas motivée, contrairement aux dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision, dès lors qu'il avait présenté tous les documents de voyage exigés pour la délivrance d'un visa à un ascendant de ressortissants français et que, en lui interdisant de se présenter aux rendez-vous prévus en France pour lui donner des soins que requiert son état de santé, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu, enregistré le février 2007, le mémoire en défense présenté par le ministre des affaires étrangères, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, compte tenu des délais dans lesquels M. A a entamé des démarches en vue d'obtenir un visa d'entrée en France, la condition d'urgence n'est pas satisfaite ; que la décision qui n'était pas motivée a fait l'objet d'un retrait et que les motifs du refus de visa ont été exposés à l'intéressé dans une nouvelle décision du 14 février 2007 notifiée au conseil du requérant ; que les précédents visas qu'il a obtenus lui ont été délivrés non en raison de son état de santé mais en sa qualité d'ascendant de Français ; qu'il n'est pas à la charge de ses enfants ; qu'il ne dispose d'aucune couverture médicale pour des soins qui lui seraient donnés en France ; que le refus de visa n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; que le refus ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit à une vie familiale ;

Vu, enregistré le 7 février 2007, le mémoire en réplique présenté par M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête avec les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A, d'autre part le ministre des affaires étrangères ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 22 février 2007, à 11 heures 30, au cours de laquelle ont été entendus :

- Maître Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. Bakoukas ;

- le représentant de M. A ;

Considérant que M. A, ressortissant du Congo-Brazzaville, a séjourné régulièrement, de 1997 à 1999 puis en 2004 et 2005, en France, où résident cinq de ses quinze enfants, dont quatre ont acquis la nationalité française ; que, lors de son second séjour a été diagnostiquée une grave et longue maladie évolutive, qui a permis à l'intéressé d'obtenir la prolongation de son titre de séjour pour recevoir les soins que requérait son état ; qu'ayant dû retourner au Congo de mars à mai 2005, il n'a pu revenir en France faute d'avoir obtenu de l'ambassade de France le visa qu'il sollicitait ; qu'il demande la suspension de l'exécution de la décision de refus qui lui a été opposée par la commission des recours contre les refus de visa d'entrée en France ;

Considérant que si le ministre soutient que l'urgence n'est pas établie, faute pour l'intéressé d'avoir contesté rapidement la décision implicite de rejet de la commission, il ressort des pièces du dossier que la décision expresse de rejet n'a été notifiée à M. A que le 28 novembre 2006 ; qu'il ressort également des attestations versées au dossier que le traitement médical commencé en 2004 devait se poursuivre en France au-delà de la date à laquelle le requérant est reparti pour le Congo, que ce traitement ne peut être assuré dans son pays d'origine et que son état de santé s'est aggravé depuis qu'il a quitté la France ; que, compte tenu de ces éléments, la condition d'urgence doit être regardée comme satisfaite ;

Considérant que si la décision ministérielle du 14 février 2007, qui s'est substituée à la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, et contre laquelle doivent être regardées dirigées les conclusions de M. A, est, contrairement à la précédente, suffisamment motivée, il en ressort que le refus qui a été opposé à la demande de l'intéressé est fondé simultanément sur l'insuffisance de ses ressources pour séjourner en France et sur l'absence de prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières résultant de soins qu'il pourrait engager ; qu'il résulte toutefois, tant de l'évolution de l'état de santé de l'intéressé, et de la continuité des soins qui devaient lui être apportés en France, que des conditions dans lesquelles ses enfants ont pu, lors de son précédent séjour, lui apporter l'aide matérielle souhaitable, que le moyen tiré de l'erreur manifeste dont serait entachée l'appréciation du ministre en refusant de délivrer le visa demandé est, en l'état du dossier, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision du 14 février 2007, substituée à la décision de la commission de recours ;

Considérant que M. A est dès lors fondé à demander la suspension de la décision du ministre des affaires étrangères ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre des affaires étrangères de réexaminer la demande de visa :

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner au ministre des affaires étrangères, qui a procédé au retrait de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France pour y substituer sa propre décision, de réexaminer dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente ordonnance la demande de visa présentée par M. A ; qu'il n'y a en revanche pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me Roger Bavibidila Kousseng de la somme de 3 000 euros, moyennant renonciation par ce conseil de percevoir la part contributive de l'Etat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

O R D O N N E :

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Article 1er : Il est ordonné la suspension de l'exécution de la décision ministérielle en date du 14 février 2007 par laquelle le ministre des affaires étrangères, substituant sa décision à celle de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, a rejeté la demande de visa présentée par M. A.

Article 2 : Il est enjoint au ministre, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, de procéder au réexamen de la demande de visa présentée par M. A.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bavibidila Kousseng la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qu'il a exercée.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 301051
Date de la décision : 22/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2007, n° 301051
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:301051.20070222
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