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10/07/2007 | FRANCE | N°294537

France | France, Conseil d'État, 8ème / 3ème ssr, 10 juillet 2007, 294537


Vu le recours, enregistré le 21 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de l'arrêt du 20 avril 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à l'appel formé par M. et Mme B... A..., a d'une part annulé le jugement du 22 mai 2003 du tribunal administratif de Caen, et d'autre part, déchargé M. et Mme A...des cotisations supplémentaires d'impô

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Vu le recours, enregistré le 21 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1 et 2 de l'arrêt du 20 avril 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à l'appel formé par M. et Mme B... A..., a d'une part annulé le jugement du 22 mai 2003 du tribunal administratif de Caen, et d'autre part, déchargé M. et Mme A...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1995 ;

2°) statuant au fond, de rejeter la demande en décharge présentée par M. et MmeA... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Paquita Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Richard, avocat de M. et MmeA...,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...détenait, au moment des faits, plus de 99 % du capital de la SA Todd freinage ; que la SARL Todd a été créée par M. A...le 20 mars 1995 dans le but de procéder à la fusion de la SA Todd freinage et de sa filiale, la SARL Newco ; que cette fusion a été approuvée au cours des assemblées générales des sociétés concernées le 30 septembre 1995, avec effet rétroactif au 1er avril 1995 ; que, le 25 juillet 1995, M. A...a cédé 330 des 2 981 actions sur 3 000 qu'il détenait dans la SA Todd freinage à la SARL Todd, pour un prix de 4 950 000 F ; que l'administration a regardé cette opération de cession comme constitutive d'un abus de droit au motif qu'elle aurait eu pour but exclusif de permettre à l'intéressé d'échapper, grâce à l'application de la taxation proportionnelle définie à l'article 160 du code général des impôts, à la progressivité de l'impôt sur le revenu auquel il aurait été assujetti, en l'absence de la cession anticipée de ces titres à l'occasion de cette opération de fusion ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 20 avril 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à l'appel formé par M. et Mme A..., d'une part, a annulé le jugement du 22 mai 2003 du tribunal administratif de Caen, d'autre part, les a déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1995 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...). L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement" ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou bien, à défaut, recherchent le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; que, toutefois, même lorsque le contribuable conclut un contrat dans l'unique but d'atténuer ses charges fiscales, celui-ci ne peut pas constituer un abus de droit, au sens des dispositions précitées, lorsque la charge fiscale de l'intéressé ne se trouve, en réalité, pas modifiée par cet acte ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du § 4 du 1 ter de l'article 160 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : "L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission ou d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B (...) /. Ces dispositions sont également applicables aux échanges avec soulte à condition que celle-ci n'excède pas 10 pour 100 de la valeur nominale des titres reçus. Toutefois, la partie de la plus-value correspondant à la soulte reçue est imposée immédiatement." ; qu'il ressort de ces dispositions qu'en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion et accompagné du versement d'une soulte, cette soulte est taxée exclusivement et immédiatement à l'impôt sur le revenu selon une taxation proportionnelle au taux de 16 % ; que la circonstance que, comme en l'espèce, cette soulte représenterait une part supérieure à 10 % de la valeur nominale des titres reçus, n'a pour seul effet que de faire obstacle à l'application du bénéfice du report d'imposition de la plus-value calculée hors soulte et ne saurait rendre ainsi cette dernière imposable au titre des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant qu'après avoir relevé que l'opération par laquelle M. A...avait cédé, de manière anticipée, avant la date de la fusion-absorption, des titres de la société Todd freinage qu'il détenait à la SARL Todd, n'avait pas fait perdre à la somme qu'il avait reçue pour cette cession, dont l'administration n'a d'ailleurs pas contesté le prix anormal, son caractère de plus-value, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle aurait excédée le seuil de 10 pour 100 des apports, la cour a pu, sans commettre d'erreur de qualification juridique, en déduire que M. et Mme A...n'avaient pas commis d'abus de droit ;

Considérant, en second lieu, que c'est sans dénaturer les écritures de l'administration, qui tendaient seulement à souligner que la soulte, si elle avait été perçue lors de la cession des titres, aurait été légèrement supérieure au seuil autorisé par l'article 371 de la loi du 24 juillet 1966, aujourd'hui codifié à l'article L. 231-6 du code de commerce, que la cour a pu juger que l'administration ne critiquait pas utilement la possibilité pour le contribuable d'obtenir le versement d'une soulte taxable selon le régime des plus-values et non selon celui des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 20 avril 2006 de la cour administrative d'appel de Nantes ;

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. et MmeA... :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A... de la somme de 4 000 euros qu'ils demandent, au titre des frais engagés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A...la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à M. et Mme B...A....


Synthèse
Formation : 8ème / 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 294537
Date de la décision : 10/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2007, n° 294537
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Paquita Morellet-Steiner
Rapporteur public ?: M. Collin
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:294537.20070710
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