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26/09/2007 | FRANCE | N°291695

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 26 septembre 2007, 291695


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mars et 24 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BREST, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BREST demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 novembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement du 3 janvier 2002 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande des sociétés Britton Expansion, Britton et Le Pape Construction tendant à la condamnation de la COMMUNE DE

BREST et de la communauté urbaine de Brest à leur verser diverses som...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mars et 24 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BREST, représentée par son maire ; la COMMUNE DE BREST demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 novembre 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement du 3 janvier 2002 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande des sociétés Britton Expansion, Britton et Le Pape Construction tendant à la condamnation de la COMMUNE DE BREST et de la communauté urbaine de Brest à leur verser diverses sommes en réparation de leur préjudice du fait de la décision du 11 juillet 1994 par laquelle le maire de Brest a retiré le permis de construire qu'il avait délivré le 14 février 1994 à la société Britton Expansion pour la réalisation d'un immeuble à usage de logements, bureaux et commerces à Brest, et d'autre part, rejeté les conclusions d'appel en garantie de la COMMUNE DE BREST ;

2°) statuant au fond, de rejeter les conclusions par lesquelles les sociétés susvisées ont demandé l'annulation du jugement du 3 janvier 2002, ensemble les conclusions par lesquelles elles demandent la condamnation de la COMMUNE DE BREST à leur verser respectivement les sommes de 1 908 841,65 euros (12 521 180,43 F),1 212 012,83 euros (7 950 283 F) et 13 780,95 euros (90 397,13 F) ;

3°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Britton Expansion, Britton et Le Pape Construction le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Spinosi, avocat de la COMMUNE DE BREST et de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Britton expansion et autres,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Sur le pourvoi principal :

En ce qui concerne la régularité de l'arrêt en tant qu'il fixe le montant de l'indemnité :

Considérant que, par l'arrêt du 29 novembre 2005 attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes, ayant rejeté la demande de la société Britton Expansion et des sociétés Britton et Le Pape Construction, holdings du groupe Britton, en réparation de leur préjudice du fait du retrait par le maire de Brest du permis de construire qu'il avait accordé à la Société Britton Expansion, et a condamné la COMMUNE DE BREST à indemniser ladite société, seule titulaire du permis, par suite du caractère illégal de son retrait ; que, pour fixer à 451 322,50 euros le montant de l'indemnité allouée, la cour administrative d'appel de Nantes s'est, d'une part, fondée sur le rapport du cabinet Ouest Conseil Audit produit par la Société Britton Expansion et les éléments chiffrés qu'il comporte, dont elle a estimé qu'ils reposaient sur des justifications qui n'étaient pas utilement contestées et a, d'autre part, énuméré les principales dépenses engagées par celle-ci pour les besoins de l'élaboration du projet, à savoir notamment les frais d'architecte, de géomètre, de notaire, de réalisation de maquette, de reprographie, d'études des sols et de sondages ainsi que les frais de personnel pour le montage et le suivi du dossier ; qu'elle a ainsi suffisamment motivé sa décision ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêt :

Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumises aux juges du fond que le maire de Brest a délivré, le 14 février 1994, à la société Britton Expansion un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble à usage de logements, bureaux et commerces ; que, sur recours gracieux notifié le 13 avril 1994 et réitéré le 20 juin suivant, le sous-préfet de Brest a demandé au maire de la commune de retirer ce permis en raison du non respect du règlement annexé au plan d'occupation des sols de la commune ; que le maire n'a déféré à la demande de retrait que le 11 juillet 1994 ; qu'ainsi, le délai de quatre mois, qui n'avait pu être prorogé par le recours gracieux exercé, était expiré à la date où le retrait a été opéré ; que, dès lors, la COMMUNE DE BREST n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel de Nantes aurait commis une erreur de droit en jugeant ce retrait illégal pour tardiveté et en estimant que la responsabilité de la commune était engagée à raison de cette illégalité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour administrative d'appel de Nantes a pu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et d'erreur de droit, juger que la COMMUNE DE BREST n'avait pas utilement contesté les justifications fournies par la société Britton Expansion à l'appui de l'évaluation des chefs de préjudice qu'elle invoquait ;

Considérant que la cour, qui n'était pas tenue de détailler le montant de tous les chefs de préjudice qu'elle retenait, a pu, sans entacher sa décision d'erreur matérielle, fixer le montant total du préjudice indemnisable à la somme de 451 322,50 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE BREST n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur le pourvoi incident :

Considérant que la circonstance que les sociétés Britton et Le Pape Construction fassent partie du groupe Britton ne suffit pas, dès lors qu'elles possèdent une personnalité juridique distincte de la société Britton Expansion, seule titulaire du permis de construire litigieux et qu'elles ne se prévalent d'aucun acte juridique de quelque nature que ce soit d'où résulterait un engagement de leur part à participer à l'élaboration ou à la réalisation du projet de construction objet du permis retiré, à caractériser un intérêt leur donnant qualité pour agir ; que, par suite, c'est sans erreur de droit, ni dénaturation des pièces du dossier que la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté pour irrecevabilité les demandes de ces deux sociétés tendant à être indemnisées ;

Considérant qu'en estimant, par une motivation suffisante, que le préjudice résultant pour la société Britton Expansion du manque à gagner par suite de la privation des bénéfices qu'elle escomptait des ventes d'immeubles projetés, ne présentait, compte tenu des circonstances d'espèce, qu'un caractère éventuel, la cour administrative d'appel de Nantes s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui, en l'absence de dénaturation, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Britton Expansion a demandé la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité sollicitée, par écritures déposées devant le tribunal administratif de Rennes le 16 septembre 1999, date à laquelle une année entière d'intérêts était échue ; que, par suite, en jugeant que la capitalisation des intérêts n'était due qu'à compter du mémoire enregistré le 2 août 2002 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, la cour a entaché sa décision d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une erreur de droit ; qu'il y a lieu d'annuler sur ce point l'arrêt attaqué, de fixer, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, au 16 septembre 1999 la date à laquelle les intérêts échus seront capitalisés pour la première fois sur la somme de 451 322,50 euros allouée à la société Britton Expansion et d'ordonner que lesdits intérêts seront capitalisés à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Britton Expansion, Britton et Le Pape Construction la somme que la COMMUNE DE BREST demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la COMMUNE DE BREST le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la société Britton Expansion et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE BREST est rejetée.

Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 29 novembre 2005 est annulé en tant qu'il fixe au 2 août 2002 la date à laquelle les intérêts seront capitalisés pour la première fois sur la somme de 451 322,50 euros allouée à la société Britton Expansion.

Article 3 : Les intérêts échus au 16 septembre 1999 sur la somme de 451 322,50 euros allouée à la société Britton Expansion seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux mêmes intérêts.

Article 4 : La COMMUNE DE BREST versera à la société Britton Expansion la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi incident des sociétés Britton Expansion, Britton et Le Pape Construction et de maître A, administrateur judiciaire, commissaire à l'exécution du plan de cession des sociétés Britton et Le Pape Construction est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BREST, aux sociétés Britton Expansion, Britton et Le Pape Construction ainsi qu'à maître A, administrateur judiciaire, commissaire à l'exécution du plan de cession des sociétés Britton et Le Pape Construction.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 291695
Date de la décision : 26/09/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 sep. 2007, n° 291695
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave Emmanuelle
Avocat(s) : SPINOSI ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:291695.20070926
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