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09/11/2007 | FRANCE | N°289063

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 09 novembre 2007, 289063


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 16 janvier et 16 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS dite « ROC », dont le siège est 26, rue Pascal à Paris (75005), représentée par son président en exercice ; la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 novembre 2005 du ministre de l'écologie et du développem

ent durable relatif à l'emploi de tendelles dans les départements de l'A...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 16 janvier et 16 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS dite « ROC », dont le siège est 26, rue Pascal à Paris (75005), représentée par son président en exercice ; la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 novembre 2005 du ministre de l'écologie et du développement durable relatif à l'emploi de tendelles dans les départements de l'Aveyron et de la Lozère ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Paris du 19 mars 1902 pour la protection des oiseaux utiles à l'agriculture ;

Vu la directive 79/409/CEE, du Conseil, du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, chargé des fonctions de Maître des Requêtes-rapporteur,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la SOCIÉTÉ LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;


Sur les règles de droit applicables :

Considérant qu'aux termes du point 1 de l'article 8 de la directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages, dite directive « oiseaux » : « En ce qui concerne la chasse, la capture ou la mise à mort d'oiseaux dans le cadre de la présente directive, les Etats membres interdisent le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d'une espèce, et en particulier à ceux énumérés à l'annexe IV sous a) » ; qu'au nombre des moyens, installations et méthodes énumérés au a) de l'annexe IV figurent les « pièges-trappes » ; que, toutefois, aux termes de l'article 9 de la même directive : « 1. Les Etats membres peuvent déroger aux articles 5, 6, 7 et 8 s'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pour les motifs ci-après : (…) c) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités./ 2. Les dérogations doivent mentionner : - les espèces qui font l'objet des dérogations, - les moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort autorisés, - les conditions de risque et les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles ces dérogations peuvent être prises, - l'autorité habilitée à déclarer que les conditions exigées sont réunies, à décider quels moyens, installations ou méthodes peuvent être mis en oeuvre, dans quelles limites et par quelles personnes, - les contrôles qui seront opérés (…) » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 424-4 du code de l'environnement : « Dans le temps où la chasse est ouverte, le permis donne à celui qui l'a obtenu le droit de chasser de jour, soit à tir, soit à courre, à cor et à cri, soit au vol, suivant les distinctions établies par des arrêtés du ministre chargé de la chasse » ; qu'aux termes du troisième alinéa du même article : « Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la chasse de certains oiseaux de passage en petites quantités, le ministre chargé de la chasse autorise, dans les conditions qu'il détermine, l'utilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels, dérogatoires à ceux autorisés par le premier alinéa » ;

Sur la légalité externe :

Considérant qu'aux termes du point 3 de l'article 9 de la directive « oiseaux » : « Les Etats membres adressent à la Commission chaque année un rapport sur l'application du présent article » ; que ces dispositions ne subordonnent pas à l'information préalable de la Commission les dérogations adoptées par les États membres sur le fondement de l'article 9 ; qu'ainsi le moyen tiré de l'absence de consultation préalable de la Commission doit être écarté ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la convention de Paris du 19 mars 1902 pour la protection des oiseaux utiles à l'agriculture : « Les oiseaux utiles à l'agriculture, spécialement les insectivores et notamment les oiseaux énumérés dans la liste n° 1 annexée à la présente Convention (…) jouiront d'une protection absolue, de façon qu'il soit interdit de les tuer en tout temps et de quelque manière que ce soit, d'en détruire les nids, oeufs et couvées » ; que, cependant, aux termes du second alinéa du même article 1er : « En attendant que ce résultat soit atteint partout, dans son ensemble, les Hautes Parties Contractantes s'engagent à prendre ou à proposer à leurs législatures respectives les dispositions nécessaires pour assurer l'exécution des mesures comprises dans les articles ci-après » ; qu'il résulte de ce second alinéa, qui définit l'économie générale de la convention et en précise la portée, que l'ensemble de ses stipulations créent seulement des obligations entre les États parties et ne produisent pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne ; que par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 selon lesquelles « seront prohibés la pose et l'emploi des pièges, cages, filets, lacets, gluaux, et de tous autres moyens quelconques ayant pour objet de faciliter la capture ou la destruction en masse des oiseaux » ne peut, en tout état de cause, être utilement invoqué ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'interprétation donnée de l'article 9 de la directive « oiseaux » par la Cour de justice des Communautés européennes, notamment par l'arrêt n° 252/85 du 27 avril 1988, Commission des Communautés européennes contre République française, que l'utilisation de modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels peut constituer une forme d'« exploitation judicieuse de certains oiseaux » ; que si, en vertu de l'article 9, les Etats membres ne peuvent, de manière générale, déroger aux articles 5, 6, 7 et 8 de la directive qu'en l'absence d'autre solution satisfaisante, la seule circonstance que les oiseaux qui font l'objet de modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels puissent, par ailleurs, être chassés dans des conditions différentes ne suffit pas à caractériser l'existence d'une « autre solution satisfaisante » et, par suite, à faire obstacle à l'octroi de la dérogation qui a justement pour objet, notamment, de permettre certains modes de chasses traditionnels ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et, notamment, du rapport établi conjointement par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et l'Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique en 2005 que les expérimentations menées en 2003, 2004 et 2005 ont permis d'améliorer significativement la sélectivité des tendelles ; que l'arrêté attaqué soumet l'autorisation individuelle de pratiquer ce mode de chasse à la condition d'avoir suivi une formation spécifique ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, le moyen tiré de ce que l'usage de tendelles ne remplirait pas la condition de sélectivité prévue par l'article 9 de la directive et reprise à l'article L. 424-4 du code de l'environnement doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2005 du ministre de l'écologie et du développement durable relatif à l'emploi de tendelles dans les départements de l'Aveyron et de la Lozère ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 289063
Date de la décision : 09/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACCORDS INTERNATIONAUX - APPLICABILITÉ - EFFET DIRECT - ABSENCE - CONVENTION DE PARIS DU 19 MARS 1902 POUR LA PROTECTION DES OISEAUX UTILES À L'AGRICULTURE.

Il résulte du second alinéa de l'article 1er de la convention de Paris du 19 mars 1902 pour la protection des oiseaux utiles à l'agriculture, qui définit l'économie générale de la convention et en précise la portée, que l'ensemble de ses stipulations créent seulement des obligations entre les États parties et ne produisent pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE - PROTECTION DE LA FAUNE ET DE LA FLORE - CONVENTION DE PARIS DU 19 MARS 1902 POUR LA PROTECTION DES OISEAUX UTILES À L'AGRICULTURE - EFFET DIRECT - ABSENCE.

Il résulte du second alinéa de l'article 1er de la convention de Paris du 19 mars 1902 pour la protection des oiseaux utiles à l'agriculture, qui définit l'économie générale de la convention et en précise la portée, que l'ensemble de ses stipulations créent seulement des obligations entre les États parties et ne produisent pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2007, n° 289063
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Rémi Decout-Paolini
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:289063.20071109
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