La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2007 | FRANCE | N°291466

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 28 décembre 2007, 291466


Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Badrane A, ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 19 janvier 2006 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 22 février 2005 du consul général de France à Tunis refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en vue de s'y installer auprès de sa famille résidant en France ;

2°) d'enjoindre aux autorités consulaires de lui délivrer le visa sollicité afi...

Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Badrane A, ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 19 janvier 2006 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 22 février 2005 du consul général de France à Tunis refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en vue de s'y installer auprès de sa famille résidant en France ;

2°) d'enjoindre aux autorités consulaires de lui délivrer le visa sollicité afin de lui permettre de retirer un titre de séjour en France, dans un délai de quinze jours suivant la décision ;

3°) d'enjoindre à toute préfecture qui sera saisie de sa demande de titre de séjour, de lui délivrer, dans un délai de trois mois, un tel titre portant la mention « vie privée et familiale » ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'ordonnance n° 45 ;2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le décret n° 2000 ;1093 du 10 novembre 2000, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sophie-Justine Liéber, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement ;



Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 17 octobre 1994, qui a été exécuté, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a décidé l'expulsion du territoire français de M. A, de nationalité tunisienne ; qu'en exécution d'un jugement en date du 3 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé le refus opposé à l'intéressé d'abroger cet arrêté d'expulsion au motif qu'un tel refus méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le même ministre a abrogé, par un arrêté du 22 juillet 2005, cet arrêté d'expulsion ; que M. A demande l'annulation de la décision du 19 janvier 2006 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision en date du 22 février 2005 du consul général de France à Tunis lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France ;

Considérant que, à la suite de l'abrogation d'un arrêté d'expulsion décidée après l'annulation d'un refus d'abroger cet arrêté, les autorités consulaires ne sont pas nécessairement tenues de délivrer un visa d'entrée et de séjour en France, mais que, saisies d'une demande en ce sens, il leur appartient d'apprécier la situation du demandeur, en tenant compte tant de la situation de droit et de fait existant à la date de leur décision que du motif qui a fondé l'annulation du refus d'abroger l'arrêté d'expulsion ;

Considérant que la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France a refusé à M. A le visa sollicité sans tenir compte du motif de la décision juridictionnelle annulant le refus d'abrogation de la mesure d'expulsion, tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier que M. A, né en septembre 1967, est entré en France à l'âge de quatre ans, qu'il y a vécu jusqu'en juin 1995, date de son expulsion suite aux faits qui lui ont valu d'être condamné pour infractions à la législation sur les stupéfiants, que son père est décédé, que sa mère, titulaire d'une carte de résident, ainsi que ses quatre soeurs, dont trois sont de nationalité française, vivent en France et que lui-même est isolé en Tunisie ; que, dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur de droit qui, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'a conduit à méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. A est, par suite, fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que, si la présente décision, qui annule la décision de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, n'implique pas nécessairement que les autorités compétentes délivrent un visa à M. A, elle a, en revanche, pour effet de saisir à nouveau ces autorités de la demande de l'intéressé ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de procéder à ce nouvel examen au regard des motifs de la présente décision dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 1 000 euros au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision du 19 janvier 2006 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires étrangères et européennes de réexaminer la demande de M. A dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. A est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Badrane A et au ministre des affaires étrangères et européennes.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 291466
Date de la décision : 28/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2007, n° 291466
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Honorat
Rapporteur ?: Mlle Sophie-Justine Liéber

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:291466.20071228
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award