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08/02/2008 | FRANCE | N°312061

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 08 février 2008, 312061


Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Lionel A, demeurant ... ; M. et Mme Lionel A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision par laquelle le consul général de France à Brazzaville (République du Congo) a refusé de délivrer aux deux filles de Mme A, Naomi Baluti Tsimba et Odile Baluti Woy, les visas qu'elles avaient sollicités le 6 octobre 2006 au titre du regroupemen

t familial ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégr...

Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Lionel A, demeurant ... ; M. et Mme Lionel A demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision par laquelle le consul général de France à Brazzaville (République du Congo) a refusé de délivrer aux deux filles de Mme A, Naomi Baluti Tsimba et Odile Baluti Woy, les visas qu'elles avaient sollicités le 6 octobre 2006 au titre du regroupement familial ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement et au consul général de France à Brazzaville de délivrer aux intéressées des visas de long séjour ;

3°) de prescrire toute mesure utile visant à préserver leur droit à une vie familiale normale ;

ils soutiennent que l'urgence résulte de la durée de leur séparation et des mauvaises conditions de vie des enfants restés au Congo sans leur mère ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, le consulat, en vérifiant les documents présentés dans le cadre du regroupement familial le 6 octobre 2006 au lieu d'avril 2006, a entaché son comportement d'incompétence temporelle et méconnu la circulaire interministérielle du 17 janvier 2006 relative au regroupement familial des étrangers qui impose un examen dans les meilleurs délais ; que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à leur droit de mener une vie privée et familiale normale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'elle méconnaît l'intérêt supérieur des deux enfants mineurs, qui s'attache à ce qu'ils vivent auprès de leur mère et reçoivent une éducation conforme au choix de la mère ; que le consul général de France à Brazzaville ne saurait fonder son refus sur un motif tiré du défaut d'authenticité des actes d'état civil produits à l'appui des demandes, dès lors, d'une part, que la vérification doit porter sur les documents des enfants et non sur ceux de la mère, d'autre part que les attestations de naissance établies de manière supplétive par l'administration congolaise ont pleine valeur probante, et enfin que le consul général a entaché sa décision d'erreur de droit en s'abstenant de demander la copie de l'acte de mariage des époux Aubert ; que le refus de visa fondé sur l'absence de jugement supplétif, qui n'est pas nécessaire en l'espèce, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en décidant l'ouverture d'un nouvel examen des documents relatifs à la demande de visa, le consul général a entaché sa décision d'un détournement de procédure ; qu'en refusant de délivrer les visas pour des motifs étrangers aux requérants, elle est entachée d'un détournement de pouvoir et porte atteinte au principe de non discrimination proclamé par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en ne prenant aucune décision expresse quant à leur recours, la commission de recours contre les décisions de refus de visas d'entrée en France viole le droit des requérants à une vie familiale normale ; que le ministre des affaires étrangères a méconnu sa compétence en ne prenant aucune décision quant à l'acceptation ou au refus de délivrer les visas demandés ;

Vu la copie du recours présenté à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation présentée par M. et Mme A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2008, présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions tendant à ce que soit ordonnée la délivrance des visas sont irrecevables car elles excèdent la compétence du juge des référés ; que la condition d'urgence n'est pas remplie ; qu'en effet, M. A ne fournit aucun commencement de preuve quant au manque de soins médicaux dont souffrirait Naomi Baluti Tsimba et les liens de filiation entre la requérante et les deux enfants ne sont pas établis ; qu'aucun des moyens invoqués n'est propre à créer un doute sérieux ; qu'en premier lieu, il n'y a violation ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que les liens de filiation n'ont pas été établis et que les requérants ne démontrent aucune impossibilité de rendre visite à Naomi Baluti Tsimba et Odile Baluti Woy au Congo ; qu'en deuxième lieu, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision de refus de visa opposée par les autorités consulaires ne peut qu'être écarté, dès lors que la décision de la commission qui se substitue à celle des autorités consulaires est la seule décision pouvant être attaquée ; qu'en troisième lieu, les autorités consulaires à Brazzaville n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que l'examen des pièces d'état civil a révélé un doute quant à leur validité et que les requérants n'ont respecté aucune des procédures prévues par le code de la famille en vigueur en République du Congo aux fins d'établir un acte de naissance ; que les certificats de naissance n'ont jamais été produits, en dépit de la demande des services de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ; qu'en quatrième lieu, aucun commencement de preuve ne caractérise une méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 février 2008, présenté par M. et Mme A, qui reprennent les conclusions de leur requête et les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre que le refus d'enjoindre la délivrance d'un visa serait contraire à l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le code de la famille congolais dispose que la filiation maternelle résulte du seul fait de la naissance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. et Mme A et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 5 février 2008 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Hazan, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme A ;

- le représentant du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que si la venue en France d'un étranger a été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'autorité consulaire use du pouvoir qui lui appartient de refuser son entrée en France, en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ;

Considérant que, pour justifier du lien de filiation entre Mme A et les enfants Odile Baluti Woy et Naomi Baluti Tsimba, ressortissantes de la République démocratique du Congo, pour lesquelles des visas d'entrée en France ont été demandés, ont été produits des actes de naissance établis par les autorités congolaises en 2005, alors que les enfants seraient nées respectivement en 1995 et en 1997 ; que le code de la famille congolais requiert une déclaration de naissance dans les 30 jours de celle-ci ; que M. et Mme A n'ont produit ni jugement supplétif ni les certificats de naissance émanant de la maternité, au vu desquels les actes de naissance datés de 2005 auraient été émis ; que dans ces conditions, eu égard aux doutes qui en résultent quant à la réalité du lien de filiation, les moyens tirés de ce que les refus de visa seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaîtraient l'autorisation de regroupement familial donnée par le préfet des Bouches-du-Rhône, les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des refus de visas ; qu'aucun autre moyen présenté par M. et Mme A ne paraît de nature à créer un tel doute ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de la requête à fin de suspension, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme Lionel A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 312061
Date de la décision : 08/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2008, n° 312061
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:312061.20080208
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