La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2008 | FRANCE | N°296601

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 04 avril 2008, 296601


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 19 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SOCIETE FEDERAL EXPRESS, dont le siège est zone d'entretien, route de l'arpenteur, B.P. 10156 Roissy-en-France, à Roissy Charles-de-Gaulle Cedex (95702) ; la SOCIETE FEDERAL EXPRESS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer a rejeté sa demande tendant à ce que soient retirées les clauses du co

ntrat de régulation économique du 6 février 2006 conclu entre l'Etat e...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 19 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SOCIETE FEDERAL EXPRESS, dont le siège est zone d'entretien, route de l'arpenteur, B.P. 10156 Roissy-en-France, à Roissy Charles-de-Gaulle Cedex (95702) ; la SOCIETE FEDERAL EXPRESS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer a rejeté sa demande tendant à ce que soient retirées les clauses du contrat de régulation économique du 6 février 2006 conclu entre l'Etat et Aéroports de Paris prévoyant la suppression de l'abattement de 20% au profit des transporteurs de fret et fixant les conditions d'évolution de certaines redevances aéroportuaires ;

2°) d'annuler lesdites clauses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;



Considérant que la SOCIETE FEDERAL EXPRESS a saisi le 21 avril 2006 le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer d'une demande tendant à l'abrogation des clauses du contrat de régulation économique conclu le 6 février 2006 entre l'Etat et Aéroports de Paris, en tant qu'elles sont relatives, d'une part, à la suppression progressive de l'abattement sur la redevance d'atterrissage pour les vols tout cargo et, d'autre part, aux modalités d'établissement des redevances ; que la SOCIETE FEDERAL EXPRESS demande l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre sur sa demande ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'écologie, de l'aménagement et du développement durables :

Sur les moyens de légalité externe :

Considérant qu'aux termes du II de l'article R. 224 ;4 du code de l'aviation civile : « (…) a) L'exploitant rend public un dossier, relatif au périmètre d'activités mentionné à l'article R. 224 ;3 ;1, qui comprend notamment : - Un bilan de l'exécution du contrat pluriannuel en cours ou, lorsqu'un tel contrat n'a pas été conclu, une étude décrivant sur les années précédentes les évolutions du trafic, des capacités aéroportuaires, de la nature et de la qualité des services rendus, des tarifs des redevances ainsi que des éléments économiques et financiers se rapportant au périmètre précité ; - Une présentation des hypothèses de l'exploitant pour le contrat à venir, notamment en matière d'évolution du trafic sur l'aérodrome ou les aérodromes qu'il exploite, d'évolution des capacités aéroportuaires, de programmes d'investissements et, le cas échéant, du préfinancement de ceux-ci, d'adéquation des services publics aux besoins des usagers, de qualité desdits services, d'évolution des tarifs des redevances et, le cas échéant, de modulations de celles-ci ; - Une évaluation de l'impact économique et financier de ces hypothèses et, le cas échéant, d'hypothèses alternatives (…) » ;

Considérant que le dossier de consultation, rendu public par Aéroports de Paris en application du II de l'article R. 224 ;4 précité du code de l'aviation civile, recense, avec une précision suffisante, l'ensemble des informations dont la communication est prévue par les dispositions dudit article ; qu'en particulier aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait de communiquer des données spécifiques sur le fret ; que si la société requérante fait valoir que le dossier de consultation ne contenait pas l'ensemble des éléments mentionnés à l'article R. 224 ;3 ;1 du code de l'aviation civile, une telle circonstance est dépourvue d'incidence, dès lors que cet article est relatif à la fixation des tarifs annuels de redevances et non à la composition du dossier rendu public dans la phase préparatoire à l'établissement du contrat de régulation économique ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le périmètre retenu par le dossier de consultation présenté par Aéroports de Paris pour les exercices précédant la conclusion du contrat a excédé le périmètre défini par l'article 1er du décret du 16 septembre 2005 relatif aux redevances pour services rendus sur les aérodromes, en ce qu'il comporte, en plus des activités qui doivent être comprises dans le périmètre de régulation, les activités d'assistance en escale autres que celles mentionnées à l'article R. 216 ;6 du code de l'aviation civile ainsi que les activités dont le financement relève des articles 1609 quatervicies et 1609 quatervivies A du code général des impôts, qui doivent en être exclues ; que la différence entre les deux périmètres, d'ailleurs marginale, n'a toutefois pas eu pour effet d'entacher d'illégalité le contrat de régulation économique, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle ait eu une incidence sur la détermination de l'évolution des tarifs de redevances entre 2006 et 2010 ;

Considérant que, si la SOCIETE FEDERAL EXPRESS soutient que le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer a validé les propositions d'Aéroports de Paris avant d'avoir recueilli l'avis de la commission consultative aéroportuaire, en méconnaissance des dispositions du c) du II de l'article R. 224 ;4 du code de l'aviation civile, il ressort des pièces du dossier que la commission consultative aéroportuaire, saisie par le ministre des transports le 23 novembre 2005, a rendu son avis le 22 décembre 2005 et que cet avis a été immédiatement communiqué aux ministres intéressés ; que, par suite, l'Etat a négocié le contrat avec la société ADP en tenant compte de l'ensemble des éléments prévus aux a), b) et c) de l'article R. 224 ;4 ;II du code de l'aviation civile, y compris l'avis de la commission consultative aéroportuaire ;

Sur les moyens de légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que le contrat de régulation économique a notamment pour objet de déterminer les conditions d'évolution des redevances principales ; que le contrat a fixé un taux plafond de base d'évolution des tarifs commun à l'ensemble des redevances principales ; que ce taux plafond n'avait pas à prendre en compte la spécificité du fret, laquelle pourra justifier, le cas échéant, une modulation du tarif de la seule redevance d'atterrissage qu'il n'appartenait pas au contrat de régulation économique de déterminer ;

Considérant, en deuxième lieu, que pour déterminer l'ajustement du plafond du taux moyen d'évolution des redevances en cas d'écart avec les éléments prévisionnels retenus en matière de trafic et d'investissements, le contrat de régulation économique prend en compte non seulement l'évolution du trafic de passagers, mais aussi celle du nombre de mouvements d'avions ; que les coefficients affectés à ces deux facteurs dans la formule retenue par le contrat de régulation économique n'ont pas pour objet, ni même pour effet, si ce n'est de manière très marginale, de neutraliser l'ajustement du plafond dans le cas d'une augmentation du seul nombre de passagers ; qu'ainsi, ladite formule n'est pas entachée d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, que si, en vertu du I de l'article R. 224 ;4, des objectifs de qualité de service, assortis de mécanismes d'incitation financière, devaient être prévus dans le contrat de régulation économique, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que soient mis en place des indicateurs de qualité spécifiques pour le fret ; qu'en tout état de cause, l'un au moins des indicateurs de qualité mentionné par le contrat de régulation économique, relatif à la disponibilité des postes de stationnement des avions, concerne tous les transports commerciaux, y compris le fret ;

Considérant, en quatrième lieu, que si l'article L. 224 ;2 du code de l'aviation civile prévoit que le montant des redevances « peut faire l'objet, pour des motifs d'intérêt général, de modulations limitées tendant à réduire ou compenser les atteintes à l'environnement, améliorer l'utilisation des infrastructures, favoriser la création de nouvelles liaisons ou répondre à des impératifs de continuité et d'aménagement du territoire », ces dispositions n'imposent pas aux exploitants de prévoir des modulations pour prendre en compte des différences de situation ; que si la SOCIETE FEDERAL EXPRESS allègue que les stipulations de l'article III.3.2 du contrat de régulation économique, qui prévoient la suppression de l'abattement, d'un taux maximum de 20 %, sur la redevance d'atterrissage pour les vols tout cargo avant la fin du présent contrat, seraient irrégulières au motif qu'elles refuseraient de prendre en compte une situation objectivement spécifique, elle ne démontre pas en quoi la suppression de ladite modulation dont bénéficient les transporteurs de fret, dont elle n'établit pas que des motifs d'intérêt général justifieraient le maintien, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE FEDERAL EXPRESS n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer rejetant sa demande tendant à l'abrogation des clauses du contrat de régulation économique du 6 février 2006 fixant les conditions d'évolution de certaines redevances aéroportuaires et prévoyant la suppression de l'abattement sur la redevance d'atterrissage pour les vols tout cargo ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que la SOCIETE FEDERAL EXPRESS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SOCIETE FEDERAL EXPRESS le versement à Aéroports de Paris et à l'Etat de la somme respectivement de 2000 euros et de 3000 euros qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la SOCIETE FEDERAL EXPRESS est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE FEDERAL EXPRESS versera une somme de 2000 euros à Aéroports de Paris et de 3000 euros à l'Etat au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FEDERAL EXPRESS, à Aéroports de Paris, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 296601
Date de la décision : 04/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2008, n° 296601
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Yves Doutriaux
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave Emmanuelle
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:296601.20080404
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award