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16/06/2008 | FRANCE | N°316221

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 16 juin 2008, 316221


Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hervé A, demeurant ... et trente trois autres requérants ; M. Hervé A et les autres requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 7 avril 2008 par laquelle la Commission bancaire a désigné la société Donat Branger Administration et Conseil en qualité d'administrateur provisoire de la Caisse régionale de crédit maritime « La MéditerranÃ

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ils soutiennent que la condition d'ur...

Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hervé A, demeurant ... et trente trois autres requérants ; M. Hervé A et les autres requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 7 avril 2008 par laquelle la Commission bancaire a désigné la société Donat Branger Administration et Conseil en qualité d'administrateur provisoire de la Caisse régionale de crédit maritime « La Méditerranée » (CRCMM) ;


ils soutiennent que la condition d'urgence est remplie du fait des brefs délais imposés par la Commission bancaire notamment pour la rédaction d'un rapport concernant l'établissement de crédit par l'administrateur provisoire ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont la suspension est demandée ; qu'en effet, la décision de nomination d'un administrateur provisoire est prématurée et ne répond pas aux conditions de l'article L.613-18 du code monétaire et financier ; qu'une telle décision nécessite la démonstration d'une gestion défaillante ou insuffisante ainsi qu'un risque pour l'avenir d'une atteinte à la liquidité et à la solvabilité de l'établissement ; qu'aucun élément ne permet d'établir de tels griefs ; que la Commission bancaire ne peut se prévaloir d'une perte de confiance dès lors que la Banque fédérale des banques populaires et la CRCMM sont deux personnes morales différentes, dont les relations font l'objet d'un document d'adossement ; que la CRCMM dispose d'une autonomie tant sur le plan juridique que financier ; que la nomination de la société Donat Branger Administration et Conseil, qui a été constituée pour les besoins de la cause, en qualité d'administrateur provisoire n'apporte pas les garanties d'impartialité nécessaires ;



Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation présentée à l'encontre de cette décision ;

Vu, enregistré le 9 juin 2008, le mémoire en défense présenté pour la Commission bancaire qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A et autres la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la Commission bancaire soutient que la requête est irrecevable dès lors que la décision litigieuse n'est pas une sanction administrative mais une décision conservatoire qui ne fait pas grief aux requérants ; que la SOCOMAP, le syndicat national des marins pêcheurs artisans, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins Languedoc Roussillon et le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins corse n'ont pas intérêt à agir contre la décision contestée ; que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que cette décision ne préjudicie pas à la situation des requérants ; qu'en effet, il ne s'agit que d'une mesure provisoire destinée à préserver les intérêts de la banque; qu'il y a urgence à ne pas suspendre ladite décision dès lors qu'elle a pour objet de rétablir une situation normale dans les rapports entre la CRCMM et la banque fédérale ; qu'il n'y a pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision ; qu'en effet, l'article L. 613-18 du code monétaire et financier permet à la Commission bancaire de nommer un administrateur provisoire lorsque la gestion d'un établissement de crédit n'est plus ou ne peut plus être assurée dans des conditions normales ; que du fait de la rupture des relations entre l'organe central et l'affiliée et des nombreuses procédures judiciaires diligentées, la gestion de la CRCMM ne pouvait plus se faire dans des conditions normales ; que le moyen tiré du manque d'impartialité de la société Donat Branger doit être écarté dès lors que M. Donat Branger a déjà été nommé administrateur provisoire par la Commission bancaire et a démontré sa compétence et son honorabilité lors de l'exercice de ces différentes fonctions ;

Vu, enregistrées le 9 juin 2008, les observations par lesquelles le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi fait siennes les observations de la Commission bancaire ;

Vu, enregistré le 9 juin 2008, le mémoire en intervention présenté pour la Banque fédérale des banques populaires qui demande au Conseil d'Etat de rejeter la requête de M. A et autres et de mettre à leur charge la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la Banque fédérale des banques populaires reprend les mêmes moyens que la Commission bancaire ;

Vu, enregistré le 11 juin 2008, le mémoire présenté pour la Caisse régionale du crédit maritime la Méditerranée qui déclare s'associe aux conclusions de la requête ; elle soutient que M. A a été désigné en qualité de mandataire ad hoc par une ordonnance du 21 mai 2008 du président du tribunal de commerce de Sète et reprend les mêmes moyens que la requête ;

Vu, enregistré le 11 juin 2008, le mémoire en réplique présenté pour M. A et autres qui persistent dans les conclusions de leur requête ; ils présentent les même moyens et soutiennent en outre qu'ils sont sociétaires de la CRCMM et sont donc recevables à contester la décision litigieuse ; que la condition d'urgence est remplie dès lors que la mesure contestée n'est pas purement conservatoire ; qu'en effet, l'administrateur provisoire dispose des pouvoirs d'administration et de direction les plus étendus ; que la décision contestée préjudicie de manière immédiate à leurs intérêts en les privant effectivement de leur pouvoir d'administration et de gestion ;
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et d'autre part, la Commission bancaire, le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et la société Donat Branger administration et conseil ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mercredi 11 juin 2008 à 16 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Boullez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
- Me Blancpain, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Commission bancaire ;
- Me Levis, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat intervenant pour la Banque fédérale des banques populaires ;
- les représentants de la commission bancaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que la Banque fédérale des banques populaires a intérêt au rejet de la requête ; que son intervention est, par suite, recevable ;

Considérant que l'article L. 613-18 du code monétaire et financier prévoit que la Commission bancaire peut désigner un administrateur provisoire auprès d'un établissement de crédit « soit à la demande des dirigeants lorsqu'ils estiment ne plus être en mesure d'exercer normalement leurs fonctions, soit à l'initiative de la commission lorsque la gestion de l'établissement ou de l'entreprise ne peut plus être assurée dans des conditions normales » ;

Considérant qu'après que la Banque fédérale des banques populaires a décidé de retirer l'agrément du directeur de la Caisse régionale de crédit maritime la Méditerranée (CRCMM), la démission d'office de l'intéressé a été prononcée et une procédure de licenciement engagée ; que les tensions qui se sont manifestées dans ces circonstances entre la Banque fédérale des banques populaires, organe central du réseau des banques populaires et des caisses du crédit maritime mutuel, et la CRCMM se sont traduites par diverses instances judiciaires et ont eu notamment pour conséquence que la procédure de nomination d'un nouveau directeur de la CRCMM n'a pas été engagée ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la situation de cet établissement n'aurait pas justifié que la Commission bancaire fît usage des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 613-18 du code monétaire et financier pour désigner un administrateur provisoire n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision dont la suspension est demandée ; que le moyen tiré de ce que la société désignée comme administrateur provisoire ne remplirait pas les conditions exigées pour assurer sa mission n'est pas non plus de nature à créer un tel doute ; que les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la décision contestée de la Commission bancaire ne peuvent, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir qui leur sont opposées, qu'être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A et des autres requérants le versement à l'Etat (Commission bancaire) de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions de la Banque fédérale des banques populaires, qui n'a pas la qualité de partie au litige, tendant à l'application de cet article ne peuvent en revanche être accueillies ;

O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de la Banque fédérale des banques populaires est admise.
Article 2 : La requête de M. A et autres est rejetée.

Article 3 : M. A et les trente-trois autres requérants verseront une somme de 3 000 euros à l'Etat (Commission bancaire) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la banque fédérale des Banques populaires tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Hervé A, à Maître Boullez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, représentant de M. A et des autres requérants et chargé, à ce titre, de leur donner connaissance de cette ordonnance, au président de la Commission bancaire, à la Banque fédérale des banques populaires et au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 316221
Date de la décision : 16/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2008, n° 316221
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP BOULLEZ ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP DEFRENOIS, LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:316221.20080616
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