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25/06/2008 | FRANCE | N°243593

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 25 juin 2008, 243593


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 27 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX, dont le siège est 6, rue Rémy Cogghe à Roubaix (59100) ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 décembre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté ses conclusions tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Lille du 28 mai 1998 en tant qu'i

l n'avait que partiellement fait droit à sa demande de remboursement ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 27 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX, dont le siège est 6, rue Rémy Cogghe à Roubaix (59100) ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 décembre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté ses conclusions tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Lille du 28 mai 1998 en tant qu'il n'avait que partiellement fait droit à sa demande de remboursement des prestations versées au profit de Noria A ;

2°) statuant au fond, de faire droit à ses conclusions indemnitaires ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Roubaix,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;


Considérant que, par jugement du 28 mai 1998, le tribunal administratif de Lille, après avoir déclaré le centre hospitalier de Roubaix responsable des conséquences dommageables de l'anoxie cérébrale dont Noria A a été atteinte lors de sa naissance à la maternité de cet établissement, l'a condamné à verser à M. et Mme A, en leur qualité de représentants légaux de leur fille, une rente annuelle de 7 218 euros (48 000 F) à compter du 12 mai 1989 jusqu'au 11 mai 2004, date à laquelle les premiers juges ont décidé qu'il serait possible de procéder à une évaluation définitive du dommage ; que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX a obtenu une indemnité de 24 983 euros (166 134,99 F) correspondant à des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation ; que, s'agissant des dépenses assumées par la caisse au titre des frais de rééducation motrice de l'enfant, le tribunal a décidé qu'elles lui seraient remboursées par imputation sur la rente de l'enfant, dans la limite des trois quarts de son montant ; que la caisse primaire se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 décembre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre ce jugement ;

Considérant que les sommes dont la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX demandait le remboursement devant les juges d'appel correspondant à des soins de rééducation et à des frais d'hospitalisation de la jeune Noria ne venaient pas s'imputer sur la rente versée à cette dernière mais devaient, si elles étaient justifiées, être directement mises à la charge du centre hospitalier de Roubaix ; que, par suite, en rejetant les conclusions indemnitaires de la caisse au motif que les sommes en cause venaient s'imputer sur la rente versée à la jeune Noria, les juges du fond ont commis une erreur de droit ; que leur arrêt du 20 décembre 2001 doit ainsi être annulé en tant qu'il a évalué le préjudice subi par Noria A et fixé les droits de l'enfant et ceux de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée en statuant sur l'appel de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX et sur celui que M. et Mme A ont introduit en tant que représentants légaux de leur fille Noria ;

Considérant que le jugement du 28 mai 1998 du tribunal administratif de Lille n'est pas contesté en tant qu'il a limité l'indemnisation à la période antérieure au 11 mai 2004, les représentants légaux de Noria A étant invités à se pourvoir à nouveau à cette date afin qu'il soit statué définitivement sur ses droits à réparation ; qu'il y a lieu, par suite, d'évaluer les préjudices subis par l'enfant jusqu'à son quinzième anniversaire ;

Considérant que l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, dispose que : « Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre./ Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après./ Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel./ Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée./ Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (...) » ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant que la caisse justifie de frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et de rééducation motrice de la jeune Noria versés jusqu'au 20 février 2001 qui s'élèvent à la somme de 1 433 932,56 F (218 601,61 euros), dont le remboursement incombe au centre hospitalier de Roubaix ;

Quant aux frais liés au handicap :

Considérant que si M. et Mme A demandent une indemnité au titre de frais d'assistance d'une tierce personne, ils ne justifient pas avoir effectivement engagé de tels frais ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Noria A demeure atteinte, à la suite des fautes commises lors de sa naissance au centre hospitalier de Roubaix, d'une hémiplégie gauche et de crises d'épilepsie ; qu'eu égard au fait que la période du 12 mai 1989 au 11 mai 2004 pour laquelle les premiers juges avaient décidé d'une réparation sous forme de rente est désormais expirée, il y a lieu de substituer à cette rente le versement d'un capital ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles subis par l'intéressée dans ses conditions d'existence jusqu'au 11 mai 2004 en lui attribuant, sous déduction des sommes qui lui ont été versées en exécution du jugement du 28 mai 1998 du tribunal administratif de Lille, une somme de 150 000 euros, tous intérêts compris à la date de la présente décision ;

Considérant qu'il suit de ce qui précède que M. et Mme A et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX sont fondés à demander que les indemnités qui leur ont été accordées par le tribunal administratif de Lille soient réévaluées, dans les limites indiquées ci-dessus ;

Sur les intérêts des sommes dues à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX :

Considérant que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes mises à la charge du centre hospitalier, depuis la date à laquelle elle en a demandé le remboursement jusqu'à la date à laquelle elles lui ont été ou lui seront versées ; qu'eu égard aux dates des demandes, les intérêts courent à compter du 7 septembre 1994 sur une somme de 116 799,65 F (17 805,99 euros), du 19 novembre 1997 sur une somme de 1 054 717,34 F (160 790,62 euros), du 27 mars 1998 sur une somme de 55 870,78 F (8 517,45 euros), du 3 août 1998 sur une somme de 12 853,89 F (1 959,56 euros) et du 9 mai 2001 sur une somme de 193 690,99 F (29 528 euros) ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier de Roubaix à verser à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX la somme de 2 900 euros et à M. et Mme A celle de 2 255 euros au titre des frais exposés par eux devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Douai et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 20 décembre 2001 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier de Roubaix a été condamné à verser à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX par l'article 5 du jugement du 28 mai 1998 du tribunal administratif de Lille est portée à 218 601,61 euros, augmentée des intérêts au taux légal courant à compter du 7 septembre 1994 sur une somme de 17 805,99 euros, du 19 novembre 1997 sur une somme de 160 790,62 euros, du 27 mars 1998 sur une somme de 8 517,45 euros, du 3 août 1998 sur une somme de 1 959,56 euros et du 9 mai 2001 sur une somme de 29 528 euros.

Article 3 : Le centre hospitalier de Roubaix versera à M. et Mme A, en tant que représentants légaux de leur fille Noria, une somme de 150 000 euros, sous déduction des sommes qui lui ont été versées en exécution du jugement du 28 mai 1998 du tribunal administratif de Lille.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 28 mai 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le centre hospitalier de Dunkerque versera à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE DUNKERQUE la somme de 2 900 euros et à M. et Mme A la somme de 2 255 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A devant la cour administrative d'appel de Douai est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX, au centre hospitalier de Roubaix et à M. et Mme Hachemi A.
Copie pour information en sera communiquée à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et la vie associative.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 243593
Date de la décision : 25/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2008, n° 243593
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: M. Damien Botteghi
Rapporteur public ?: M. Thiellay Jean-Philippe
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:243593.20080625
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